Nos valeurs méritent d’être vécues

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Crédit : Babouse/CCAS

Alors que l’actualité récente interroge le monde de l’éducation dans son ensemble, nous avons réuni trois acteurs de l’encadrement des mineurs en centre de vacances de la CCAS et de la Ligue de l’enseignement.

Faut-il aborder les questions soulevées par les événements récents avec les enfants en colo et comment ? Ou faire comme si de rien n’était ?
Antoine Coué, directeur adjoint d’un collège au Mans et directeur CCAS : C’est une manière un peu culpabilisante de poser la question, non ? Cela induit que celui qui n’en parle pas demain serait irresponsable. Je crois que c’est au quotidien que l’on agit. Dans mon collège, nous avons mis en place des dispositifs pour que les événements ne soient pas tus. Cela n’a pas toujours été facile. Selon les matières et les programmes, les enseignants ont notamment essayé d’aborder le sujet de la liberté d’expression. Nous le faisons, nous continuerons à le faire. Et en première ligne, les parents doivent le faire. Toutefois, je ne pense pas que je vais en parler de mon propre chef dans la prochaine colo 12-14 ans que j’encadre en février. Sauf si le besoin se fait sentir, si on entend les jeunes en parler entre eux. Dans ce cas, j’échangerai avec les enfants et bien sûr avec mon équipe d’animateurs. Il faut avoir à l’esprit que personne dans le monde éducatif au sens large (parents, enseignants, animateurs…) n’est formé pour parler de ces choses-là. Il y a tout au plus des personnes qui peuvent théoriser. Donc on en parle avec ce qu’on est. L’important c’est de dépassionner les débats, de mettre l’émotion à distance.
Émilie Pigelet, professeur des écoles à Bondy et directrice de colos CCAS : Dans nos séjours, dans nos classes d’école, on a toujours travaillé ces sujets, notamment pour libérer la parole. C’est aussi inscrit dans les valeurs que nous défendons. Si je devais encadrer la semaine prochaine, cela serait forcément présent dans mon esprit. Il est à présent plus facile d’être dans l’analyse : les premiers jours qui ont suivi les attentats, il était difficile de ne pas être dans l’émotion. Et dans le même temps, le besoin d’accompagnement des familles était très fort. C’était très difficile.
Cédric Bloquet, délégué général de la fédération de Paris à la Ligue de l’enseignement : Dans l’urgence, nous avons créé des groupes de parole en direction de nos animateurs et éducateurs pour les accompagner notamment dans les quartiers les plus difficiles. Nous avons aussi été à l’écoute des enseignants qui nous appelaient. Le monde de l’éducation a été soumis à une énorme pression notamment médiatique, comme si tout à coup, il fallait justifier, expliquer ce que nous faisons depuis des années. Bien sûr, le projet pédagogique d’une colo ne peut pas être basé sur ce que l’on vient de vivre. Mais il est nécessaire d’armer les équipes d’animation pour se préparer à répondre aux questions. Nous le faisons d’ailleurs depuis longtemps en luttant contre toute forme de mise à l’écart d’un individu dans une colo par exemple. Cela étant, nous serons attentifs aux paroles qui pourraient déborder du cadre. Il faut aussi être attentif au lien avec les familles. Peut-être que ces événements vont permettre certaines réaffi rmations de valeurs, comme la laïcité, le vivre-ensemble, la démocratie, la solidarité.

On sait qu’aujourd’hui les jeunes utilisent largement les réseaux sociaux. Faut-il aborder la question des contenus ?
Émilie Pigelet : Les enfants sont très connectés, même à 12 ans et, souvent, les parents veulent garder ce lien. On ne peut pas mettre de côté ce fait : les enfants se sont habitués à cette immédiateté. Notre travail, c’est d’en faire quelque chose de positif. En tant qu’animatrice, j’ai toujours agi dans ce sens. Par exemple, en achetant la presse d’un jour et en demandant aux jeunes de comparer le traitement d’un sujet donné en fonction des supports. C’est toujours un moment très animé. J’avoue que j’ai eu de la colère à l’égard de beaucoup de médias, qui ont quasi stigmatisé l’apparent immobilisme de l’école, des enseignants. Il ne faudrait pas que se crée à travers la retranscription de ces événements une mode de l’immédiateté, de la réaction émotionnelle permanente… ça en devient écœurant, non ?
Antoine Coué : Dans les colos CCAS que j’encadre en Savoie, je crée souvent un compte Facebook pour pouvoir créer une dynamique avant la colo, mais cette possibilité n’est pas systématique. Cédric Bloquet : Les réseaux sociaux apportent une véritable révolution dans le lien. Nous, éducateurs avons dû nous y mettre parce qu’il vaut mieux être « dedans » pour comprendre. D’autant que les jeunes en tirent la plupart de leurs informations. C’est intéressant de comparer avec eux les médias, les sources d’information.

Que faut-il mettre en place pour que ce vivre-ensemble perdure dans nos séjours, dans nos écoles ?
Antoine Coué : La réflexion doit être constante mais plus qu’énoncées, nos valeurs méritent d’être vécues. Pour ma part, je vais continuer ni plus ni moins à les faire vivre comme nous le faisons dans tous nos séjours. En organisant cette vie collective qui, pendant une ou deux semaines, va favoriser des vraies rencontres entre des jeunes qui ne se connaissent pas avant, nous y contribuons.
Émilie Pigelet : Travailler sur la rencontre, la connaissance, la compréhension des choses. Il faut qu’il en sorte quelque chose. Quoi ? Nous verrons. À la CCAS, nos valeurs sont là depuis des années. Continuons dans le concret.
Cédric Bloquet : Tous les lieux de vie et d’éducation des jeunes doivent être utilisés pour leur complémentarité. Et surtout il ne faut pas rester dans l’entre-soi. C’est dans l’agir au quotidien que se trouvent les réponses. Il faut enfin outiller les personnes qui se trouvent en première ligne face aux jeunes et à leurs familles pour qu’elles aient confiance. C’est l’une de nos responsabilités.

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