Dans les pas de Robert Brazille à Royan

Robert Brazille, guide autodidacte de Royan, faisant la visite à Sylvie et Patrick©S.LeClezio/ccas

Robert Brazille, guide autodidacte de Royan, faisant la visite à Sylvie et Patrick ©S.LeClezio/ccas

Bénévole à la CMCAS La Rochelle dès l’ouverture des centres des Mathes et de Saint Georges-de-Didonne, Robert consacre deux matinées par semaine à transmettre aux vacanciers sa passion pour sa région d’adoption. Mardi 6 juillet, il nous a offert une belle balade et ouvert les yeux sur les richesses architecturales de cette ville plusieurs fois martyre qui fut totalement reconstruite après la Seconde Guerre mondiale.

Robert Brazille©S.LeClezio/ccas

Robert Brazille ©S.LeClezio/ccas

Chaque mardi un peu avant 9 heures, Robert Brazille gare sa voiture sous les magnolias du parking qui jouxte la gare de Royan. C’est là qu’il donne rendez-vous aux bénéficiaires en vacances dans les centres de la région qui souhaitent en savoir plus sur la ville au drôle de clocher de béton qu’ils ont traversée pour rejoindre leur lieu de villégiature.

La casquette vissée sur la tête, un porte-documents contenant quelques photos anciennes de certains bâtiments aujourd’hui disparus sous le bras, le jeune retraité accueille avec un franc sourire les courageux qui sont venus à pied du centre de Saint-Georges-de-Didonne pour suivre sa visite en ce début de saison estivale. On sent un réel enthousiasme, chez Robert, guide autodidacte, mu par une passion sincère et communicative : « Il y a sept ans, une animatrice du centre des Mathes m’a appelée à la CMCAS La Rochelle où je suis bénévole pour me demander si je connaissais quelqu’un susceptible de faire visiter Royan et ses environs aux bénéficiaires. Amoureux de la région, et désireux de faire partager ses richesses aux collègues, je me suis tout de suite proposé, et, après m’être documenté pour parfaire ma connaissance de la ville, j’ai conçu un beau circuit qui allie balade, histoire et architecture. Pour ce qui est des anecdotes, je laisse généralement le soin de les raconter à ma collègue de la CMCAS Monique Raillot avec qui j’effectue la visite en binôme car c’est une Charentaise pure souche ! »

Effectivement, Robert ne s’est véritablement établi à Royan qu’à la retraite : agent de production à la centrale thermique de Champagne-sur-Oise, en région parisienne, il avait pour habitude de passer ses congés à la station balnéaire de La Palmyre. N’imaginant plus se passer de l’océan, une fois en inactivité, il s’est installé avec sa femme dans cette région dont ils ne se lassent pas !

Sylvie et Patrick, bénéficiaires de Blois©S.LeClezio/ccas

Patrick et Sylvie, bénéficiaires de Blois ©S.LeClezio/ccas

D’ailleurs Sylvie et Patrick, arrivés l’avant-veille au centre de Saint-Georges-de-Didonne, semblent eux aussi déjà conquis. « On vient de Blois où nous travaillons tous les deux en tant qu’agents à ErDF. Ce qui a déterminé notre choix, c’est de pouvoir faire du vélo le long de la côte sauvage qui est magnifique et pourquoi pas même rejoindre l’île d’Oléron par les pistes cyclables de la Vélodyssée (route cyclable de plus de 1 200 km longeant l’Océan Atlantique, ndlr). On va tenter de le faire avec nos grands enfants qui vont nous rejoindre. Pédaler en famille, ça resserre les liens ! En plus, nous qui adorons les fruits de mer et le poisson, ici nous sommes gâtés ! Et puis le temps est magnifique et le centre est sympathique, c’est un petit écrin de verdure », explique Sylvie qui a déjà pris de belles couleurs.

En ce début juillet, les participants à la visite ne sont pas encore très nombreux, mais, au cœur de l’été, les groupes peuvent atteindre jusqu’à une bonne vingtaine de personnes. Mais que ce soit pour cinq ou pour vingt, notre guide déploie la même énergie. Avec un enthousiasme sincère et communicatif, il commence par nous raconter l’histoire de la ville. Ville martyre, plusieurs fois ressuscitée de ses cendres, Royan fut pillée systématiquement par les envahisseurs du Nord (Vikings et Wisigoths), partiellement détruite par Louis XIII car abritant une importante communauté protestante, avant d’être rasée par Richelieu pour les mêmes raisons. Au XIXe siècle, cette station balnéaire battant pavillon bleu et blanc devient le très chic lieu de villégiature des riches négociants en vin de Bordeaux et des Parisiens fortunés qui viennent y prendre des bains de mer. « A cette époque, précise Robert, c’est un peu le Deauville de l’Atlantique, il y avait même une liaison régulière par mer depuis Bordeaux, et, à partir de 1875, un train direct pour Paris, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui ! Jusque dans les années 1930, beaucoup de célébrités séjournaient à Royan, à l’instar de Sacha Guitry et d’Yvonne Printemps qui y avaient leurs habitudes… »

"Royan, la plage et le casino municipal" ©S.LeClezio/ccas

Royan, la plage et le casino municipal ©S.LeClezio/ccas

Relativement épargnée durant la Première Guerre mondiale, la ville qui verra ses casinos réquisitionnés pour accueillir les soldats blessés au combat, a été rasée à 95 % à la fin de la Seconde Guerre mondiale : occupée par les Allemands, mais pas totalement vide de ses habitants, Royan fut la cible d’un véritable pilonnage par l’aviation alliée. Le 5 janvier 1944, 354 bombardiers ont décollé, en deux vagues, d’Angleterre et largué 73 tonnes de bombes qui ont coûté la vie à 442 Royannais ainsi qu’à 35 Allemands.

De part et d’autre du couloir des bombardements qui visaient le port et le centre jusqu’à la gare, quelques riches maisons souvent parées de clocher subsistent. Elles témoignent de l’époque faste où les riches propriétaires rivalisaient d’invention pour faire de leur demeure la plus voyante et marquent un saisissant contraste avec les bâtiments de la ville nouvelle reconstruite à partir de 1948 sous la direction de sept architectes, qui s’appuient sur la technologie de l’époque, le béton armé, et pensent la ville en terme de circulation, d’habitat et d’équipements collectifs.

Au fil de la balade, qui commence par la plage et le port, Robert nous montre les bâtiments du front de mer, très inspirés par Le Corbusier, et s’arrête devant un café, d’apparence banale, le Siesta : « Picasso a peint cet endroit en août 1940 », nous apprend-il. Effectivement, le célèbre peintre espagnol, qui a passé quelque temps à Royan avant guerre, avait immortalisé le Café des Bains, à l’emplacement de l’actuel Siesta, dans un célèbre tableau cubiste.

Eglise Notre-Dame de Royan©S.LeClezio/ccas

Eglise Notre-Dame de Royan ©S.LeClezio/ccas

Après avoir longé le port, nous nous enfonçons dans les rues de Royan pour découvrir la magnifique église Notre-Dame, dont la forme fait penser à une immense proue de navire et qui a été construite sur le point culminant de la ville par l’architecte Guillaume Gillet en utilisant la technique du béton armé, en plaques courbes. Aujourd’hui en travaux, l’édifice témoigne de la fragilité de cette technique, le béton faisant mauvais ménage avec l’écume et le vent marin… En 1960, la municipalité s’inquiétait déjà de l’entretien, voire de la restauration du bâtiment !

Autodidacte, le retraité n’a rien d’un guide classique. Avec des mots simples, ne cherchant pas à cacher ses hésitations, il partage avec les visiteurs l’histoire de sa ville mais aussi ses interrogations. Par exemple, ce qui taraude Robert est de savoir où sont passés les décombres après le bombardement : « Ont-ils servi de remblais ? Ont-ils été récupérés par les habitants pour construire des abris de fortune en attendant d’être relogés ? » Autant de questions qui restent en suspens malgré des heures de recherche… Avis à nos lecteurs qui ont peut-être la réponse !

Quelques mètres en contrebas, nous arrivons devant le très sobre temple protestant auquel est accolé un cimetière où, poignant symbole, les colonnes grecques tronquées symbolisent les familles brisées par la perte d’un membre fauché en pleine jeunesse…

Vue intérieure de la voute du marché central de Royan ©S.LeClezio/ccas

Vue intérieure de la voute du marché central de Royan ©S.LeClezio/ccas

Heureusement, la visite se termine sur une note plus joyeuse puisque nous arrivons au marché central de Royan, dont les lignes audacieuses reprennent la forme d’un coquillage. Son toit de béton prend appui sur 13 points sans qu’aucun pilier ne vienne entraver la perspective, ce qui fut considéré comme une prouesse architecturale lors de sa construction. C’est effectivement vu de l’intérieur qu’il est le plus impressionnant : au sommet, une série d’ouvertures permettent l’éclairage naturel de l’espace grâce à un jeu de briques de verre reflétant la lumière… « On dirait l’intérieur d’un oursin », commente Robert, aiguisant encore notre appétit, déjà réveillé par les étals de poissons frais et de fruits de mer !

Justement il est bientôt l’heure de déjeuner : les vacanciers vont regagner leur centre de vacances, Robert, sa maison, à quelques kilomètres de là. Pour ma part, dans le train du retour, je repense à cette ville de Royan qui m’avait semblé banale à mon arrivée la veille au soir et qui aujourd’hui, maintenant que je connais son histoire, s’éclaire d’une lumière singulière…

1 Commentaire
  1. sury 7 ans Il y a

    la chaudronnerie mène à tout ! bravo pour cette belle initiative et cette reconversion réussie.
    Jean-François Sury

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