La 24e édition du Festival international du grand reportage d’actualité du Touquet (Pas-de-Calais) a proposé cette fois encore une saisissante sélection de reportages grandioses. Et une émouvante pièce de théâtre documentaire.
Venue en voisine de Douai, Josette est une habituée du lieu. Elle s’avoue « véritable cinévore ». Impossible de rater un tel « panel de documentaires et de reportages qui ne passent en général pas à la télé ou beaucoup trop tard ». Elle visionne quatre ou cinq films par jour avec « beaucoup d’émotions ». Jean-Pierre, de Douai et retraité des IEG lui aussi, vient pour la deuxième fois. « Six films par jour en moyenne. Parfois les sujets sont très durs, mais j’aime savoir ce qui se passe dans le monde et ces reportages nous le permettent. C’est beau, terrible, violent et cela ouvre la réflexion, en essayant de ne pas trop être dans le jugement. Enfin, j’apprécie la possibilité d’échanger sur les films. »
Sans surprise, ce coup de projecteur sur le monde et l’actualité internationale a largement éclairé la guerre civile et la situation des réfugiés, où qu’ils se trouvent. Le palmarès a récompensé plusieurs films axés sur le Moyen-Orient. Le grand prix des + de 40 minutes a été remporté par Marcel Mettelsiefen pour son « Syrie, retour à Alep ». Une chronique de trois années auprès d’une famille d’Alep.
Quelle est notre responsabilité ?
En ouverture du festival qui s’est déroulé du 22 au 26 mars, une pièce de , »Des robes sous mes pieds », mise en scène par Bruno Lajara. Une intrigue familière : une jeune femme s’est acheté une robe à 10 euros dans une grande surface « Auçan ». Le même jour, à Dacca, capitale du Bangladesh, l’effondrement de l’usine de confection du Rana Plaza cause plus de 1100 morts. La jeune femme s’interroge : où sa robe a-t-elle été fabriquée ? Elle va mener une enquête.
De son côté, la multinationale de la grande distribution française réalise qu’elle sous-traitait sans le savoir. La scène est jonchée de tas de vêtements tels des corps inertes. Pour écrire la pièce, son auteur, Christophe Martin, s’est servi des informations relatées dans les médias et les communiqués de presse. On assiste aux brainstormings de crise de la multinationale qui cherche avant tout à sauver son image. Vu de nos fauteuils, c’est grinçant.
Pourquoi reparler d’industrie, de textile, d’ouvriers, d’ouvrières, quatorze ans après 501 Blues, première pièce de Bruno Lajara sur le sujet ? « Parce que cette histoire est sans fin.
Parce qu’il n’y a plus aucune trace de l’industrie textile chez nous, dans le Nord. La fermeture de Levi’s marquait la fin d’un monde, le départ vers l’autre monde. Nous portons tous, sur notre peau, la souffrance de ces ouvrières, une souffrance « made in Bangladesh ». Que faisons-nous ? Quelle est notre responsabilité ? Cette histoire à l’autre bout de la planète est notre histoire. »
Ces interrogations ont semblé faire écho aux consciences des quelque 200 personnes présentes dans l’auditorium. Les six comédiens ont été longuement applaudis. Le spectacle intégral forme un tryptique, dont la dernière partie est un documentaire réalisé au Bangladesh.
Un monologue de quinze minutes ouvre la pièce. Seule, assise sur une chaise, yeux dans les yeux avec le public, Thérèse Flouquet, ancienne ouvrière textile, raconte ses trente-trois ans d’atelier. Licenciée de l’usine Levi’s en 1999, Thérèse Flouquet est devenue comédienne.
La musique contre l’oubli
Outre l’actualité, plusieurs documentaires revisitent l’Histoire. Parmi eux, « le Maestro, pour que vive la musique des camps ». Le documentariste Alexandre Valenti reconstitue l’histoire de la musique concentrationnaire à travers la quête de Francesco Lotoro. Voilà trente ans que cet Italien parcourt le monde pour retrouver et faire revivre les partitions de compositeurs internés ou tués dans les camps de concentration et de prisonniers de la Seconde Guerre mondiale.
Ces camps existaient sur les cinq continents. À ce jour, Francesco Lotoro a rassemblé près de cinq mille compositions : des chansons parodiques, du blues, du swing, du classique, de l’opéra, de la musique traditionnelle… Son objectif : qu’elle soit jouée « pour enfin la libérer ». À l’issue de la projection, Alexandre Valenti explique : « Il y a vingt ou trente ans, il aurait été impossible de raconter qu’à Auschwitz on composait des tangos… Mais dans tous ces lieux où l’on a voulu déposséder ces hommes et ces femmes de leur nature humaine, la musique a été jouée, chantée, écrite. Personne n’a pu les empêcher de créer. »
Le prix Coup de pouce
Partenaire du festival depuis neuf ans, la CCAS a remis, par l’intermédiaire de Christophe Vanhoutte, président de la commission culture, le prix Coup de pouce de ce 24e Figra à Niki Velissaropoulou, pour son projet de documentaire « Nous ne vendrons pas notre avenir ». Journaliste et réalisatrice, elle filme depuis 2012 la construction d’une mine d’or à ciel ouvert en Grèce. En parallèle, elle capte le quotidien de deux adolescentes en lutte contre cette catastrophe environnementale et économique. Ce prix – quicorrespond à une bourse d’aide à la création de 1500 euros – représente souvent une aide à la recherche d’un producteur.
Juin : Regards sur le doc à Marinca
Un rendez-vous pour les vacanciers en séjour à Marinca à la fin du mois de juin. Du 22 au 24 juin, le Figra et la CMCAS Corse vous proposent une sélection de documentaires à l’occasion des Regards sur le doc. Au programme, sept documentaires. Et, à la clé, des débats et des confrontations de points de vue avec les réalisateurs présents, autour de thèmes parfois méconnus du grand public.
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