Créé par la loi travail, le référendum à l’initiative de syndicats minoritaires a été expérimenté à RTE en mars dernier. Si la CFDT y voit un progrès du dialogue social, la CGT dénonce un recul démocratique.
Le 30 mars dernier, les salariés de RTE ont rejeté à 71 % le projet d’accord sur l’aménagement du temps de travail proposé par la direction de l’entreprise. Ce référendum était organisé à l’initiative de la CFDT et la CFE-CGC (42 % des voix aux dernières élections professionnelles). Depuis le 1er janvier, la loi El Khomri autorise en effet les organisations syndicales minoritaires totalisant au moins 30 % des voix à consulter le personnel afin de faire valider un texte refusé par l’organisation majoritaire. (À RTE, la CGT totalise 58 % des voix, ndlr).
Après le fabricant d’insuline Novo Nordisk, RTE est la deuxième entreprise à recourir à ce type de référendum. Si 65 % salariés de l’entreprise danoise ont accepté d’allonger leurs journées de travail d’une vingtaine de minutes sans hausse de salaire, les agents de la maintenance du transporteur d’électricité ont tout aussi clairement refusé l’aspect le plus controversé du projet de la direction : des horaires de travail imposés sur certains chantiers urgents (coupures de clients, délestages, arrêt de tranche nucléaire, etc.). Voici ce que prévoyait le texte : « À défaut de salariés volontaires en nombre suffisant, la direction se réserve le droit de désigner les salariés qui devront intervenir sur le chantier, avec la remise d’un ordre de travail. »
« Le référendum : un outil de régression sociale »
Au lendemain du référendum, la CGT saluait « un véritable camouflet pour la loi travail et la direction de RTE ». « Les salariés ne voulaient pas de cet accord qui flexibilise le temps de travail des équipes opérationnelles, estime Francis Casanova. Ils auraient été mobilisables les week-ends et les jours fériés, y compris sans leur accord et sans mettre en place une astreinte. » Pour le délégué central cégétiste de la filiale d’EDF, « le référendum d’entreprise est une procédure qui vise à contourner les syndicats majoritaires dans les entreprises où il y a encore des syndicats combatifs et exigeants. »
Plutôt que la défaite, la CFDT préfère retenir de cette consultation « la victoire démocratique » (trois salariés sur quatre ont voté). Plus globalement, « 73 % des salariés veulent être consultés », avance Guy Marchetti, délégué central cédétiste à RTE, faisant référence à une enquête nationale réalisée par son syndicat. Concernant l’entreprise, le projet de révision du temps de travail avait pour but « d’harmoniser et de pérenniser partout en France les conditions d’intervention de manière équitable », assure le syndicaliste. Cela, dans un contexte de concurrence accrue et de fortes tensions sur le réseau.
Demain, d’autres référendums à RTE ?
Les référendums d’entreprise posent de nombreuses questions. Qui doit être consulté : les salariés directement concernés par le projet ou l’ensemble du personnel ? Est-ce plus démocratique de consulter directement les salariés que de négocier avec les syndicats ? « Quand on est salarié, avec le chantage à l’emploi, on n’est pas vraiment libre de son choix, tranche Francis Casanova. C’est pour cela qu’il y a des représentants du personnel : ils sont censés être protégés et moins soumis à la pression patronale. »
Demain, y aura-t-il d’autres référendums à RTE ? C’est possible, admettent Francis Casanova et Guy Marchetti. Le représentant cédétiste ne verrait pas d’un mauvais œil la signature d’un « accord de compétitivité » avalisé dans les urnes par le personnel afin de contourner l’opposition de la CGT. En clair, il s’agirait de maintenir l’emploi en augmentant le temps de travail sans augmentation de salaires. Mais le vote des agents serait loin d’être acquis.
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