À 36 ans, elle est dessinatrice de presse à « Causette », « l’Huma dimanche », au « Pèlerin » ou encore au « Journal des Activités Sociales ». Cet été, elle ira à votre rencontre dans les centres de vacances avec son ouvrage « Camille Besse, ni Dieu, nichons ! ».
Dans quel état d’esprit irez-vous à la rencontre des agents et de leur famille ?
Je suis assez contente ! Avec une dizaine d’étapes prévues, je vois ça comme un roadtrip. Je ne m’attends à rien, mais justement c’est assez excitant de ne pas du tout savoir où on va mettre les pieds.
Vous aimez aller vous frotter aux lecteurs et lectrices ?
Quand je vais en prison, en centre social ou dans les écoles, je ne rencontre pas des lecteurs, mais des gens qui ne connaissent pas le dessin de presse. Il y a donc vraiment une visée pédagogique. Il m’arrive parfois de participer à des conférences dans des médiathèques, à la BNF ou de réaliser des dédicaces en librairie : là, c’est totalement différent. Les gens te connaissent ainsi que ton boulot, ils viennent à la rencontre d’un dessinateur et sont là de leur plein gré (rires).
Quelle est la question la plus surprenante qui vous ait été posée ?
« Ah, vous êtes une femme ? » Parce que je signe Besse, tout le monde croit que je suis un homme. Encore aujourd’hui, lorsque je reçois du courrier à « Marianne », il est souvent adressé à l’attention de monsieur Besse !
Le dessinateur de presse est donc un homme ?
Oui, par définition. J’ai consulté les statistiques de la Commission de la carte d’identité des journalistes : nous sommes trois dessinatrices de presse en France.
Peut-on dire qu’il y a un « regard de nana », terme que vous utilisez ?
Avant, je répondais oui. Aujourd’hui, je n’en suis plus si sûre. J’avais l’impression que les sujets dont les femmes s’emparaient étaient moins politiques, plus sociétaux, etc., pour me rendre compte que c’était moi qui n’osais pas, car je ne me sentais pas légitime.
C’est une bête histoire d’éducation sexiste qui renvoie à la question : c’est quoi le dessinateur de presse ? Je crois que c’est un métier très masculin parce qu’il faut ouvrir sa gueule pour donner son avis, et que nous autres, petites filles fragiles, on nous apprend à ne pas parler trop fort et à écouter.
C’est donc dans l’enfance que tout se joue ?
Bien sûr. Faire du dessin de presse, c’est faire de la politique. Faire un dessin de presse, c’est dire : j’ai un avis, il est légitime et écoutez-le. L’humour aussi, c’est un truc de mecs ! Ça change, mais historiquement, la politique et le dessin de presse, c’est un truc de mecs.
Est-ce que vous êtes féministe ?
Oui, et ce n’est pas un gros mot ! Pensez-vous que tous les êtres humains sont égaux et considérez-vous que les femmes sont des êtres humains ? Si oui, alors vous êtes féministe. Être féministe, c’est juste penser que les femmes et les hommes sont égaux en droits.
Dans vos dessins, on voit beaucoup de petites filles et de femmes. C’est important ?
Quand on dessine, à moins de ne parler que d’un individu en particulier, on parle du « Français moyen », du « migrant », du « fonctionnaire », etc. Mais c’est toujours, par défaut, un homme ! Moi, mon Français moyen, c’est une Française. Mais le fait que je dessine une femme, ça interpelle : le lecteur va chercher un sens, genre un truc féministe.
De la même manière, si le Français moyen est noir, on va penser à des problématiques migratoires ou raciales. Un Français moyen en fauteuil roulant ? On va lier ça au handicap ! Et tout ça va foutre ma blague en l’air. Mon lecteur, au lieu de simplement se laisser aller à la lecture du dessin, va rentrer dans un nouveau sujet.
Chaque élément est porteur de sens et dans un dessin de presse, il faut être extrêmement efficace. Tout ce qui porte un sens qui n’est pas nécessaire doit dégager. Mettre une bonne femme, c’est un acte militant, et c’est pour ça que je dessine des nanas !
Vous avez travaillé sur l’article « Le BB, ce grand pollueur » avec Éric La Blanche, rédacteur à « Causette », aujourd’hui votre compagnon et le papa de votre petite fille de 6 mois. Comment fait-on pour mettre en œuvre ses idées féministes au sein de la famille ?
Eh bien, c’est hyperchiant ! (rires). Tous les jeunes parents le savent : il y a ce qu’on sait et la réalité du quotidien. On bosse tous les deux pour « Causette », dans lequel droit des femmes est central, donc on sait tout de ces problématiques-là. Et, en tant que couple et maintenant famille, on voit bien arriver nos dysfonctionnements.
Un truc à la con, c’est le congé maternité. Moi, j’ai trois mois, lui, il a onze jours. À partir de là, parce c’est moi qui suis à la maison, c’est moi qui fais la lessive, qui ai le temps (surtout qu’on est écolo) de laver les couches, qui range le linge, et qui sait où il est pour habiller la gosse. C’est aussi moi qui passe le plus de temps avec la gamine. Lui a beau essayer de faire tout ce qu’il peut, ce n’est pas jouable.
Layette rose pour les filles, bleue pour les garçons ?
Pas trop, on a échappé à ça ! Déjà, je ne voulais pas connaître le sexe de mon enfant, ce qui a évité beaucoup de dérapages. Donc on a reçu beaucoup de marinières, et cet enfant a été habillé en rayures les trois premiers mois de sa vie. Puis, les grands-mères ont offert des robes. Pendant neuf mois, ma fille, c’était « le bébé » : en fait, elle n’a pas de genre.
J’ai même tendance à la genrer selon les vêtements : dès qu’elle est en robe, c’est une petite fille. Et notre regard change automatiquement sur elle. Est-ce que cela modifie mon attitude vis-à-vis d’elle, c’est toute la question…
À lire
« Camille Besse, ni Dieu, nichons ! », par Camille Besse et Virginia Ennor,
éd. Critères, 2016, 96 p., 13,50 €.
Cet été, 1 200 rencontres culturelles vous attendent dans les centres de vacances et les colos de la CCAS
Du 8 au 12 juillet, retrouvez Camille Besse dans les centres de vacances de Bretagne et Pays de Loire (La Turballe, Mesquer, Sarzeau, Baden et Belle-Île-en-Mer), pour découvrir son livre et échanger sur le métier de dessinateur·rice de presse.
Programme complet à découvrir sur ccas.fr, rubrique Culture et Loisirs, et dans la brochure ci-dessous.
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