Contez-moi… la Retirada : les camps sur la plage

Contez-moi… la Retirada : les camps sur la plage | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 69440 Retirada

Il y a quatre-vingts ans, civils et militaires républicains espagnols fuyant les armées franquistes franchirent en masse les Pyrénées pour chercher refuge en France. ©Frédéric Guyot/CCAS

Argelès-sur-Mer, Le Barcarès ou Saint-Cyprien, Rivesaltes, Agde, Gurs ou Vernet : dans une France en crise, les réfugiés espagnols sont durement contrôlés et internés. C’est le deuxième épisode de notre chronique sur la Retirada. 


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Contez-moi… la Retirada : il y a quatre-vingts ans, l’exil


La France dans laquelle arrivent les réfugiés espagnols est en pleine crise morale, économique et politique. Le Parlement est toujours celui qui avait soutenu le gouvernement du Front populaire, mais ce dernier est mort, victime de ses divisions comme des manœuvres hostiles du monde économique.

Surtout le pays sait qu’une nouvelle guerre approche. Le président du Conseil, Édouard Daladier, a cru l’éviter en signant avec Hitler en septembre 1938 les accords de Munich abandonnant au Reich la Tchécoslovaquie, mais tout le monde comprend que l’Europe s’achemine à grands pas vers une nouvelle déflagration.

Les Espagnols premiers internés

Hanté par le souvenir de la précédente guerre, qui avait vu des masses de réfugiés de Belgique jetés sur les routes de France, le gouvernement a pris des dispositions drastiques pour contrôler les populations étrangères. Les décrets-lois Daladier de novembre 1938 autorisent ainsi l’internement administratif, sur seule décision du préfet, des étrangers jugés indésirables. Les Espagnols vont les premiers faire les frais de cette disposition.

La Retirada expliquée par l’historien Denis Peschanski. Source : Mémorial du Camp de Rivesaltes/YouTube.

À Argelès-sur-Mer, Barcarès ou Saint-Cyprien, les anciens soldats républicains sont internés à même la plage, dans de véritables enclos à bétail humain, sans eau ni sanitaires, entourés de barbelés et gardés par l’armée. Ce n’est qu’au bout de quelques semaines qu’ils pourront un peu s’abriter du vent dans des baraquements sommaires que les autorités ont fait construire.

En mars 1939, le camp d’Argelès compte plus de 80 000 internés, soit plus que le nombre d’habitants de Perpignan, préfecture du département. D’autres Espagnols sont internés dans des camps en dur construits hâtivement dans tout le sud de la France, notamment à Rivesaltes, Agde, Gurs ou Vernet.

De véritables camps de concentration

Les conditions de vie sont partout difficiles. « Le camp d’Argelès ne sera pas un lieu de détention mais un camp de concentration », déclare à la presse en février le ministre de l’Intérieur, submergé par l’ampleur de l’afflux de réfugiés. La mortalité est considérable du fait du froid, de la promiscuité et du manque de ravitaillement.

« Bien que j’aie cru mourir de froid et d’inanition, ces deux choses, la faim et le froid, m’ouvrent les yeux alors qu’il fait encore nuit et pour trouver un soulagement à ces deux maux, alors que l’aube se levait sur le camp des morts vivants, je poursuis ma quête d’un ami ou d’une connaissance qui puisse me guider », note dans son journal à la date du 13 février Juan Moreu Estrada, un jeune officier républicain interné sur la plage de Saint-Cyprien.

Il ne recevra son premier ravitaillement que sept jours après son arrivée. Femmes et enfants, qui ont eux été répartis dans toute la France, sont en général mieux traités. « Les réfugiés connurent, selon les temps et les lieux, des jugements injustes, des vexations et du mépris, mais aussi des démonstrations et des actions de solidarité remarquables et même admirables. Ils durent s’accommoder des retards techniques de la France profonde où, en 1939, plus de la moitié des communes rurales ne bénéficiaient pas d’adduction d’eau », soulignait l’historien Bartolomé Bennassar dans son livre de référence « la Guerre d’Espagne et ses lendemains ».

Ceux qui repartent, ceux qui restent

Après l’afflux massif de février 1939 consécutif à la chute de la Catalogne républicaine, le nombre de réfugiés espagnols en France décroît rapidement. Nombre d’entre eux choisissent de rentrer au pays, une fois passée la grande vague répressive franquiste, pour retrouver leurs maisons et leurs terres. Cela n’empêchera par plusieurs d’entre eux d’être internés, voire passés par les armes – aucun historien n’a à ce jour d’idées précises sur la répression dont ont été victimes les Républicains espagnols rentrés au pays. D’autres tentent de fuir la France, en particulier vers l’Amérique latine, mais rares sont les pays à leur offrir des visas.

Au début de l’été 1939, il y a toujours quelque 173 000 Espagnols internés dans les camps français, parfois incorporés dans des groupements de travailleurs étrangers mis au service plus ou moins forcé de l’économie nationale. Nombreux d’entre eux participeront à la Résistance à l’occupation nazie, prolongeant ainsi leur combat antifasciste sur leur sol d’adoption.


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Contez-moi… la Retirada : 28 mars 1939, Madrid tombe, un voile noir s’abat sur l’Europe


L’exil, fil rouge pour trois CMCAS

Les CMCAS Aude-Pyrénées Orientales, Languedoc et Toulouse ont choisi de prendre pour fil rouge de leur action en 2019 la question des migrations, de l’accueil des réfugiés et de leur intégration dans notre pays.

Alors que des milliers de personnes continuent de traverser la Méditerranée au péril de leur vie, ces questions résonnent tout particulièrement dans ces départements occitans et catalans en cette année anniversaire de la Retirada.

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