Trois ans après avoir reçu le prix Coup de pouce de la CCAS au Festival international du grand reportage d’actualité, Lydie Marlin et Andrés Criscaut ont présenté leur documentaire « Barbès batailles » au public. Du projet à la diffusion, retour sur une belle aventure, en direct du quartier de la Goutte d’Or.
Ce jeudi 14 mars, sous la voûte de la salle Saint-Bruno, ancienne chapelle devenue un important lieu de vie de la Goutte d’Or, les visages sont à l’image de ce quartier du nord de Paris : multicolores. Dans quelques minutes, les habitants des rues Léon, Myrha ou Polonceau vont découvrir « Barbès batailles », un film dont ils sont directement ou indirectement les acteurs et qui raconte l’histoire riche et mouvementée du quartier le plus populaire de la capitale.
« Ça fait chaud au cœur de voir cette salle pleine ! » souffle Lydie Marlin, coréalisatrice du documentaire, pressée de rendre le micro. La jeune femme n’a qu’une envie : que les lumières s’éteignent et qu’enfin la séance commence. Dans sa tête, les questions se bousculent : les gens vont-ils aimer le film ? Les choix faits au montage vont-ils être appréciés et compris ?
Un coup de pouce de 1 500 euros
Faire un film, c’est comme faire un bébé. C’est une aventure à la fois très belle et très éprouvante. Il faut écrire et récrire le scénario, chercher des financements, trouver un producteur, une équipe de tournage et de montage. Faire, défaire et refaire l’histoire qu’on veut raconter. Tout en travaillant à côté, car le métier de réalisateur rime souvent avec précarité. Alors, quand on reçoit une distinction, une aide financière, même modeste, on ne l’oublie pas.
« Notre film est vraiment né il y a trois ans au Figra », témoigne Lydie Marlin. En mars 2016, le projet « Barbès Batailles », déposé trois mois plus tôt, obtient le prix « Coup de pouce », financé par la CCAS : « C’est une bourse de 1 500 euros qui nous a permis de financer quelques repérages, de nous donner du temps pour écrire notre scénario, mais aussi de rencontrer un producteur. Ça a été un accélérateur. » Au total, “Barbès Batailles” représente un budget d’environ 150 000 euros, selon son producteur.
Malgré ce coup de pouce bienvenu, la route est encore longue. Pour Lydie Marlin, 34 ans, et son acolyte, Andrés Criscaut, 48 ans, la gestation aura duré trois ans et demi au total.
Briser la vision négative du quartier
« Barbès batailles » revient sur trois combats qui ont marqué l’histoire de la Goutte d’Or et celle de la France. Des batailles dont les braises sont encore fumantes : la guerre d’Algérie, l’occupation de l’église Saint-Bernard par des Africains sans papiers et la polémique autour des prières de musulmans dans la rue.
Le documentaire montre comment ce concentré d’Algérie et d’Afrique de l’Ouest, coincé entre le boulevard Barbès et les voies de chemin de fer, a réussi à fabriquer du vivre ensemble et des solidarités. Cela malgré la répression policière et une gentrification rampante. « Notre principal objectif était de briser la vision manichéenne et négative que les gens et les médias ont du quartier », expose Andrés.
« J’ai pleuré du début à la fin »
Mission accomplie si l’on se fie aux réactions des habitants à l’issue de la projection. Quand les lumières se rallument dans la salle Saint-Bruno, beaucoup veulent prendre la parole. Certains avec des trémolos dans la voix. « C’était très émouvant, lâche une retraitée. J’ai retrouvé dans ce film ce que j’aime dans la Goutte d’Or et j’ai pleuré du début à la fin. » « Merci ! On sent beaucoup de sympathie pour ce quartier qui est chaleureux et plein d’humanité », enchaîne un homme d’une voix posée.
Alors qu’une discussion s’engage sur l’arrivée « récente » de l’islam dans le 18e arrondissement de Paris, un autre homme se lève : Doro Traoré, ancien porte-parole des sans-papiers de l’église Saint-Bernard violemment expulsés par les CRS le 23 août 1996. « Moi, je suis musulman, mais je me suis réfugié dans une église. Ce quartier, c’est comme le cœur dans le corps. C’est un quartier que j’adore ! » Doro Traoré est l’un des personnages clés du documentaire. Un témoin important de cet événement fondateur des droits des sans-papiers en France. Aller à la rencontre du public est au centre du projet cinématographique d’Andrés Criscaut et de sa partenaire. « Notre film est un appel à sauver cette mémoire populaire du quartier », conclut le réalisateur.
Plus d’infos sur les prochaines projections sur la page Facebook du film
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