Sorte de manuel pratique et « traité pédagogique », le passeport éthique, destiné aux voyageurs solidaires, vient d’être réactualisé. Entre engagement, partage et prise de conscience, voyager solidaire avec la CCAS, c’est partir autrement en adhérant à certaines valeurs.
Comment définir aujourd’hui la notion de solidarité dans le fait de voyager ? Si la nouvelle version du passeport éthique esquisse les contours de la problématique, elle met en exergue la définition même du voyage solidaire selon la CCAS. Mis en place depuis une vingtaine d’années, avec la Palestine comme fer de lance, ces séjours proposent aux bénéficiaires de s’engager autrement en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, etc., autant de destinations au parfum exotique, souvent privilégiées par le tourisme de masse, voire humanitaire, très en vogue, où la charité s’exhibe au prix de répercussions fâcheuses.
Au croisement des cultures
Hôtels de luxe, séjours clés en main organisés par les tour-operators ou croisières sont des carcans pour les autochtones, que certaines villes, à l’instar, entre autres, de Venise ou Barcelone, tentent de juguler.
Or, pour Gilles Châtelain, membre du conseil d’administration de la CCAS en charge des activités internationales et de la solidarité, le contrepied, l’alternative militante et la réaffirmation des valeurs des Activités Sociales sont plus nécessaires que jamais. « Depuis sa création, le voyage solidaire s’appuie sur des caractéristiques bien définies. Il doit être le prolongement d’un projet d’aide au développement local porté par une association, au sein de laquelle un agent des IEG est investi. Cela permet aux bénéficiaires voyageurs de voir de façon tangible les actions menées. Mais aussi de s’engager physiquement et moralement dans un esprit citoyen. »
Que ce soit dans le domaine de la santé, du logement, de l’éducation, les chantiers et initiatives locales sont ainsi prétexte à la rencontre et à l’échange, où bien souvent la confiance, impérative, engendre indéniablement le partage des connaissances, le croisement des cultures. En instaurant le passeport éthique, la CCAS recadre ainsi ses objectifs et réaffirme farouchement ses valeurs. Car s’engager dans un voyage solidaire, quelle que soit son intention louable, doit répondre à une ligne de conduite. Pour éviter de se fourvoyer. En laissant « à la maison » toute sorte de préjugés. Sur la notion d’aide, de développement ou de paradigme…
Ne pas rester spectateur
« Il s’agit sur place de respecter la souveraineté des populations locales. Lesquelles ont leur propre vision de leur futur sociétal et de leur choix de développement. Mais attention, il n’est pas non plus question d’être spectateur. La rencontre doit impérativement susciter le débat », prévient Gilles Châtelain.
Si, tout au long de l’année, plusieurs projets d’aide au développement, support de futurs voyages, sont étudiés, leur validation fait l’objet de la plus grande attention. Et reste soumise à plusieurs conditions. « Le porteur du projet doit le faire valider par sa CMCAS. Ensuite, la CCAS débloque les fonds et trouve plus tard un terrain d’entente avec l’association pour qu’elle accepte d’emmener nos bénéficiaires sur place. »
Et après ?
Si un voyage se prépare, se vit, pour la CCAS il doit se propager. En s’engageant au-delà des frontières, le voyageur solidaire est une sorte de témoin investi d’une mission double. Celle de se questionner sur la société de consommation, ses travers, de s’enrichir des coutumes lointaines et également de distiller son expérience et son vécu, selon Gilles Châtelain.
« Pour que nos initiatives soient pérennes, les bénéficiaires doivent, à leur retour, être force de proposition pour réaliser des activités dans les SLVie, les CMCAS autour de leur voyage. C’est aussi ça le but des voyages solidaires. » C’est-à-dire concevoir les vacances tel un espace de détente, de « lâcher prise » mais aussi comme le moment propice au questionnement sur les modes de consommation, les loisirs, la culture…
Que dit le nouveau passeport ?
Disponible sur le site ccas.fr, la nouvelle version du passeport se veut pratique, pédagogique et politique.
Car pour la CCAS partir en voyage solidaire, « c’est embarquer dans une aventure humaine, faite de rencontres. Aller vers l’autre pour partager dans le respect et l’humilité. Et se sentir étranger et non pas dominant, ce qui est sans doute l’attitude idoine pour réellement venir en appui aux initiatives locales. Voyager de manière éthique et responsable, c’est prendre conscience des enjeux économiques et géopolitiques et quelque part limiter, par sa contribution, le tourisme de masse à travers l’interconnaissance des peuples. »
Chiffres à l’appui, le document interpelle sur les effets désastreux d’un point de vue sanitaire, humain, économique et écologique que ce type de tourisme génère. Sans être moralisateur, le passeport conseille et alerte sur la notion de don, de charité ou de solidarité. Et sur quelques fondamentaux?: « Conserver la culture des peuples, c’est ne pas exporter la sienne. »