La suite de notre chronique sur le fondateur du CCOS et artisan du statut des électriciens et gaziers, avec la libération du camp de Buchenwald en 1945, qui inaugure pour Marcel Paul une période d’activité extrêmement intense, et va faire de lui une personnalité d’envergure nationale. Désigné par le Parti communiste pour siéger à l’Assemblée consultative provisoire de la République française, il participe à l’élaboration du projet de loi de nationalisation de l’énergie.
Marcel Paul, une vie
Découvrez en dix épisodes l’itinéraire d’un homme qui a durablement marqué la mémoire des électriciens et gaziers.
Le 18 avril 1945, les autorités françaises organisent un rapatriement par avion de 23 personnalités internées à Buchenwald : des officiers, des universitaires, des parlementaires… et un ouvrier, Marcel Paul. L’avion des déportés est attendu par une petite foule sur le terrain d’aviation du Bourget. Parmi elle, une jeune secrétaire de la Fédération CGT de l’éclairage et des forces motrices, Suzanne Barès. C’est à cette occasion que Marcel Paul fit la connaissance de celle qui sera sa compagne jusqu’à la fin de ses jours.
Après trois ans et demi d’internement qui l’ont vu côtoyer presque quotidiennement la mort et perdre dix kilos, Marcel Paul est partout à la fois.
Après quelques réunions parisiennes, Marcel Paul repart en avion pour Buchenwald avec le colonel Manhès, dans le double but d’accélérer les rapatriements de déportés français et de documenter les crimes nazis auprès du gouvernement français.
Quelques semaines plus tard, il devient vice-président de la Fédération nationale des centres d’entraide des internés et déportés politiques (FNCEADIP), une des principales organisations de solidarité entre anciens déportés. Le 1er mai 1945, premier à être célébré depuis six ans, Marcel Paul défile en tête du cortège des anciens déportés.
Marcel Paul reprend aussi contact avec la Fédération CGT de l’éclairage et des forces motrices, qu’il avait délaissée en septembre 1939, car elle était divisée par l’expulsion des communistes ne désavouant pas le pacte germano-soviétique. La voici réunifiée par les accords du Perreux de 1943, recréant l’unité de la CGT. La fédération semble assez puissante pour gagner sa vieille revendication de nationalisation du secteur électrique et gazier, qui figure au programme du Conseil national de la Résistance.
Vers la nationalisation de l’énergie
Le 26 juin 1945 débute le XXe Congrès du Parti communiste français. Ce congrès, le premier à se tenir depuis 1937, acte triomphalement l’influence majeure acquise par le parti sous l’Occupation. La direction communiste est profondément renouvelée, pour y faire entrer les militants révélés par la Résistance. Marcel Paul est élu pour la première fois membre du comité central.
Il est également désigné par le PCF comme représentant des anciens prisonniers et déportés à l’Assemblée consultative, non élue du fait des circonstances, qui représente politiquement la nation, dans l’attente que le retour à la normale après les cinq années de guerre permette l’organisation d’élections. C’est fort de cette position de représentant du peuple que Marcel Paul témoigne au procès du maréchal Pétain le 31 juillet 1945. Entamé huit jours plus tôt, le procès n’a vu jusque-là témoigner que des hommes politiques ou des militaires. La déposition de Marcel Paul, centrée sur la violence qu’il a subie de la part des policiers français durant ses années de détention dans les prisons de Vichy, frappe les journalistes qui assistent au procès.
L’Assemblée consultative cesse ses travaux le 3 août 1945 au soir, après avoir adopté un projet de loi de nationalisation de l’énergie.
Un nouvel ordre politique républicain se met en place qui culmine avec l’élection d’une Assemblée législative constituante le 21 octobre 1945. C’est le premier grand rendez-vous politique de la France libérée, celui qui va redonner au pays un parlement élu.
Le 21 octobre 1945, Marcel Paul est élu député de la Haute-Vienne sur la liste communiste. Six mois après être revenu de Buchenwald, il fait son entrée au Palais-Bourbon. Il y suit un court « stage d’étude des élus communistes à l’Assemblée constituante », alternant formation théorique en histoire, en philosophie et en économie, et aspects pratiques (comment tenir une permanence électorale ? comment écrire à un ministre ?), qui reste à notre connaissance la seule formation qu’il ait suivie au sein de l’appareil communiste. Les épreuves de la Résistance et de la déportation ont ainsi fait du syndicaliste électricien un homme politique d’envergure nationale.
- Lire la suite de la chronique
1946 : Un ministre des services publics industriels
Pour aller plus loin
« Marcel Paul, un ouvrier au Conseil des ministres », de Nicolas Chevassus-au-Louis et Alexandre Courban
L’Atelier, 224 p., 18 euros.
Commander le livre : chez un libraire ou auprès de l’Institut d’histoire sociale Mines-Énergie : ishme@fnme-cgt.fr
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