Ébranlée par le retour de la guerre en Europe, l’année 2022 fut aussi celle de la solidarité. La CCAS a ouvert les portes de ses villages vacances aux réfugiés ukrainiens fuyant l’agression russe de leur pays. Un an après, où en est-on ?
Les illustrations sont issues de l’album « Refuge(s) » de Laurent Lefeuvre, reportage dessiné
sur l’accueil des réfugiés à la CCAS depuis 2016, soutenu par la CMCAS Haute-Bretagne.
Le 24 février dernier a marqué le triste anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine. Qui aurait pu imaginer que cet épouvantable conflit ferait encore la Une de l’actualité un an plus tard ? Pourtant, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, près de 8 millions d’Ukrainiens sont toujours accueillis dans de nombreux pays européens, dont environ 120 000 en France.
Et les bombardements russes incessants sur les infrastructures énergétiques, qui privent les civils d’électricité, de chauffage et d’eau en plein hiver, continuent de jeter sur les routes des populations en détresse. Ainsi 4 millions d’Ukrainiens pourraient venir rejoindre leurs compatriotes en exil en Europe cette année, selon les prévisions du Centre international pour le développement des politiques migratoires.
Concilier volonté de solidarité et respect du droit aux vacances
Dès le mois de mars 2022, la CCAS a fait connaître aux services de l’État sa disponibilité pour accueillir les réfugiés dans ses villages vacances. Toutefois, la CCAS souhaitait que cela se réalise dans les meilleures conditions. « La préfecture voulait nous imposer une réquisition à une date à laquelle nos centres n’étaient pas encore prêts à accueillir de nouveaux résidents, explique Erwann Dupont, président de la Commission internationale de la CCAS. Les vacanciers n’avaient quitté les lieux que depuis quelques jours. Nous avons refusé cette réquisition et proposé une convention de mise à disposition démarrant deux jours plus tard, afin de pouvoir remettre les sites en état. Il n’était pas envisageable d’ouvrir aux réfugiés des logements que nous n’aurions pas proposés à nos bénéficiaires ! C’est une question de dignité. » Par ailleurs, la CCAS se devait de concilier volonté de solidarité et respect du droit aux vacances des électriciens et gaziers.
En fonction de ces deux impératifs, dix sites ont été proposés : des villages vacances non ouverts à la réservation (Serbonnes, Colpo), et des centres accueillant habituellement des colos (Port-Navalo, Saint-Cast-le-Guildo) ou des familles (Tourves, Aimargues, Le Cap d’Agde, Trégastel, Tantonville, Le Rayet), mis à disposition hors périodes de vacances.
Un répit de trois ou quatre semaines pour souffler un peu
À leur arrivée en France, les réfugiés ukrainiens sont dirigés vers des « hubs », sortes de cellules d’orientation situées dans des villes importantes (Paris, Lyon…), d’où ils sont répartis dans les différentes régions en fonction de leurs souhaits et des possibilités d’hébergement. Dans le cadre d’une convention avec l’État et les associations de solidarité locales (Secours populaire, Croix-Rouge, Coallia, Forum réfugiés), la CCAS les accueille dans des villages vacances, où ils peuvent enfin souffler un peu.
Se positionnant dans un rôle de « bailleur », elle laisse ensuite les associations faire avec les réfugiés un premier point administratif sur leur situation, construire leur régularisation, les accompagner dans la phase d’ouverture de leurs droits et leur procurer toute l’aide matérielle nécessaire (nourriture, cours de français, vêtements, etc.). Charge aux préfectures de leur trouver dans un délai de trois ou quatre semaines un logement plus pérenne.
Au 27 mars 2023, ce sont plus de 1 000 places d’hébergement qui avaient été mises à disposition depuis le début du conflit, et près de 120 000 nuitées réalisées. Par comparaison, l’État avait demandé à la CCAS d’héberger seulement 1 200 personnes en 2016 suite au conflit syrien. Passé les premiers mois, durant lesquels la situation d’urgence avait induit une certaine désorganisation, un dialogue régulier entre la CCAS et les services de l’État a pu se mettre en place.
« Malgré l’absence d’un interlocuteur unique national de l’État, ce qui nous a contraints à gérer la complexité des situations locales, nous sommes parvenus à nous mettre rapidement en ordre de marche, ajoute Erwann Dupont. Grâce à notre maillage territorial et à une circulation rapide des informations entre le conseil d’administration et nos équipes de territoire, le dispositif est désormais rodé. » Par ailleurs, le coût de cet accueil est entièrement supporté par les préfectures. « L’indemnité journalière qu’elles versent à la CCAS est entièrement réinvestie dans la rénovation des centres concernés. » Au 1er décembre 2022, plus de 1 million d’euros avait ainsi été collecté.
Des CMCAS particulièrement actives et créatives sur le terrain
Dans cette organisation, le rôle des CMCAS s’avère essentiel. Selon les besoins, elles peuvent mettre en place, en lien avec les associations locales, des actions de solidarité ciblées. Les CMCAS de Marseille, Toulon ou encore Haute Bretagne se sont montrées particulièrement créatives en la matière. « À Trégastel, les élus locaux étaient très peu présents, indique Nicolas Le Chapelain, président de la CMCAS Haute Bretagne. Nous avons donc organisé une collecte pour équiper les familles en écrans d’ordinateur, en lecteurs DVD ou en jouets. Notre action a d’ailleurs donné naissance à la BD ‘Refuge(s)’, de Laurent Lefeuvre. »
À Tourves (Var), les bénéficiaires et l’équipe d’animation se sont emparés de la Fête des coquelicots, qu’ils ont organisée avec et pour les familles ukrainiennes, donnant ainsi au Par et Pour une dimension nouvelle. Cette guerre promet hélas d’être encore longue. Et la CCAS se fait fort de poursuivre cet accueil solidaire, tant que cela sera nécessaire et possible. Les conventions des six centres encore mis à disposition courent pour certaines jusqu’en novembre 2023. Erwann Dupont l’assure : « Nous avons les capacités d’accueillir d’autres populations en difficulté si nécessaire, tout en continuant à héberger des Ukrainiens, en fonction des périodes d’exploitation des centres. »
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