Manifestations du 1er-Mai : les agents toujours mobilisés

Toujours vent debout contre la réforme des retraites, les agents des Industries électriques et gazières défilaient dans les manifestations intersyndicales du 1er-Mai, qui ont rassemblé entre 782 000 et 2,3 millions de personnes en France. Instantanés.

Propos recueillis par Naly Gérard et Tiffany Princep

 

Frédéric Berardi, 53 ans, gestionnaire clientèle à GreenAlp, Grenoble (Isère).« Un grand coup de scalpel dans notre statut »

Frédéric Berardi, 53 ans, gestionnaire clientèle à GreenAlp, Grenoble (Isère).

« Cette réforme est un grand coup de scalpel dans notre statut, une brèche qui peut s’agrandir. Certes, le statut n’est pas supprimé, comme à la SNCF, mais c’est bien notre statut qui est remis en cause à partir du 1er septembre. Les différents gouvernements ont déjà essayé de le casser par différentes réformes, et j’ai peur que d’autres suivent. Je suis étonné que les agents ne soient pas tous mobilisés.

J’étais sceptique quant au taux de participation de ce 1er-Mai, mais, à voir le nombre de manifestants, le fait que toutes les professions et tous les âges sont représentés, on peut dire qu’on n’est pas si défaitiste ! Est-ce que ça va porter ses fruits auprès du gouvernement ? Je l’espère. J’espère aussi que cette manifestation sera la dernière… »

 

Gérard Cert, 55 ans, technicien d'intervention mécanique à la centrale hydroélectrique de Grand'Maison (Isère).« En dix ans, j’ai pris deux réformes dans le museau »
Gérard Cert, 55 ans, technicien d’intervention mécanique à la centrale hydroélectrique de Grand’Maison (Isère).

« J’aurais dû partir en retraite l’année dernière, si une réforme votée il y a dix ans ne m’en avait pas empêché [la réforme Touraine, votée en 2014, a augmenté la durée minimale de cotisation jusqu’à 43 ans et porté le nombre de trimestres à 172 pour la génération 1973 et les suivantes, ndlr]. Une réforme qui, soit dit en passant, est passée très facilement. En dix ans, je prends donc deux réformes dans le museau. Dans les IEG, on ne voit jamais le bout du tunnel.

La clause du grand-père, c’est pour nous calmer. Mais, en septembre, les jeunes et les anciens n’auront pas la même fiche de paie. Ça va mettre un gros bazar. La résignation n’a pas pris le pas sur la colère. On sort de 40 jours de grève. Pour la suite, je suis dans le flou. Je compte sur des actions sporadiques dans les IEG, pour rappeler qu’on est toujours présents. Je compte donc sur les adhérents, les syndicats et les travailleurs dans leur ensemble pour s’organiser. »

 

Simone Liaubet, 88 ans, retraitée d'EDF-GDF, Paris.« Je suis satisfaite de voir que les gens ne subissent pas sans rien dire »
Simone Liaubet, 88 ans, retraitée d’EDF-GDF, Paris.

« Ce n’est pas parce qu’on part en retraite qu’on ne fait plus partie de la société ! Depuis le début de l’année, je participe au plus de manifestations possibles, en fonction de mes capacités physiques. Je ne suis pas d’accord avec le report de l’âge de départ et avec l’allongement des cotisations. C’est absurde de toujours reculer l’âge de la retraite, car le corps et les capacités intellectuelles ont leurs limites !

Dans les manifestations et en dehors, je suis satisfaite d’entendre que les gens refusent de travailler plus tard, et de voir qu’ils ne subissent pas sans rien dire. Venir en manif’ m’a aussi aidée à comprendre pourquoi certains étaient très énervés. Aujourd’hui, j’ai encore l’espoir que le gouvernement revienne, peut-être pas sur la loi, mais au moins sur l’âge de départ à la retraite. »

 

Anne Deudon, 56 ans, permanente syndicale CFE-CGC à Montrouge (Hauts-de-Seine), cheffe de projet EDF.« Il reste encore des recours légaux »
Anne Deudon, 56 ans, permanente syndicale CFE-CGC à Montrouge (Hauts-de-Seine), cheffe de projet EDF.

« Être là en ce 1er-Mai, c’est assez exceptionnel pour nous, car il est rare que la Confédération appelle à manifester ce jour-là. C’est la suite de la mobilisation, qui a rencontré un gros succès dans notre entreprise. Nos appels à la grève ont rencontré un bon écho : entre 30 % et 50 % des salariés y ont répondu. Nos représentants ont aussi été davantage sur le terrain, sur les piquets de grève. À l’appel de l’intersyndicale, nous avons aussi gelé le dialogue social en annulant les réunions, notamment les CSE – sauf pour les urgences.

Aujourd’hui, les salariés se découragent et n’ont plus envie de faire grève. Mais je souligne qu’il reste encore des recours légaux : je veux parler, en particulier, du projet d’abrogation de la loi du groupe parlementaire Liot [déposé le 20 avril par les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, ce projet de loi pourrait être examiné le 8 juin, ndlr]. Personnellement, ce qui me met en colère, c’est que la loi ne soit pas passée par un vote à l’Assemblée. »

 

Clément Posecak, 35 ans, technicien d'intervention polyvalent Enedis à Bourg-Saint-Maurice (Savoie).« La lutte est dure, mais nous avons vécu des choses fortes »
Clément Posecak, 35 ans, technicien d’intervention polyvalent Enedis à Bourg-Saint-Maurice (Savoie).

« Depuis début mars, je suis en grève reconductible et je participe à des actions collectives. Nous avons bloqué l’agence Enedis de Bourg-Saint-Maurice pendant plusieurs jours. Ensuite, nous nous sommes joints aux agents de la centrale hydroélectrique de La Bâthie, qui ont mis la production à l’arrêt : l’occupation dure depuis le 11 mars ! Et sans aucune dégradation ! Nous sommes soutenus par des retraités, des habitants, le centre CCAS des Saisies…

La lutte est dure, mais nous avons vécu des choses tellement fortes. Nous serons solidaires pour longtemps. Quant à mon état d’esprit, il est fluctuant… Aujourd’hui, pour la première fois, on a pu monter à Paris pour manifester, grâce d’ailleurs à la solidarité de commerçants de notre région. Pour la suite, on ne va pas lâcher, on trouvera d’autres formes d’actions. »

 

Steve Leleux, 42 ans, agent d'exploitation EDF à la centrale hydroélectrique du Sautet (Isère), président de la SLVie 80 (CMCAS Dauphiné Pays-de-Rhône).« Je me bats pour moi, pour les autres travailleurs, pour ma fille »
Steve Leleux, 42 ans, agent d’exploitation EDF à la centrale hydroélectrique du Sautet (Isère), président de la SLVie 80 (CMCAS Dauphiné Pays-de-Rhône).

« Cette réforme est dans la droite ligne des attaques contre le service public : l’ouverture du marché, la disparition des statuts… dont on voit bien les conséquences sur les tarifs de l’énergie, des autoroutes ou du rail. Or notre régime de retraite est excédentaire, et nous ne sommes vraiment pas privilégiés. À Enedis, où j’ai été dépanneur pendant six ans, j’ai eu l’occasion d’informer les usagers sur nos petites paies, l’imposition de nos avantages comme le tarif agent, les conséquences de l’astreinte sur la famille… Ils n’avaient pas conscience de la pénibilité de notre travail.

À 42 ans, je suis en GF 5 NR 80, et je ne pourrai pas prendre ma retraite avant 65 ou 67 ans, sauf à subir une énorme décote. J’ai commencé à 17 ans, donc j’aurai atteint 43 ans de cotisations à 60 ans ; mais je devrai continuer de cotiser gratuitement si je veux une bonne retraite. Je me bats pour moi, pour les IEG, pour les autres travailleurs en lutte, pour la jeunesse, pour ma fille. Il faut que tous les opposants à cette réforme soient soudés pour assurer notre victoire. »

 

Maxime Joniot, 43 ans, technicien de maintenance automatisme système industriel à RTE, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).« Maintenant, il faudrait développer des actions interprofessionnelles » 
Maxime Joniot, 43 ans, technicien de maintenance automatisme système industriel à RTE, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).

« Je suis là, ce 1er-Mai, pour exprimer mon opposition au gouvernement et exercer mon droit de manifester. Mais j’ai l’impression que ce droit est de plus en plus fragile. Cette année, j’ai participé aux mobilisations collectives, aux grèves, blocages d’activité et manifestations. Il faut savoir que la société RTE a licencié quatre salariés grévistes : c’est une forme de répression syndicale.

Je pense qu’il faut avoir conscience que cette réforme implique la disparition annoncée de notre statut, car la retraite au régime général va fragiliser nos acquis, pour les actifs comme pour les inactifs. Plus largement, j’estime que cette réforme est une forme de lutte des classes entre les riches et les pauvres. On ne peut pas se décourager. Maintenant, je crois qu’il faudrait développer des actions interprofessionnelles. »

 

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