Salim Zerrouki lors de sa résidence d’artiste au village vacances des Saisies (Savoie) avec les vacanciers. ©Philippe Marini/CCAS
Fin février, les vacanciers des Saisies (Savoie) profitaient des conseils de Salim Zerrouki, auteur-illustrateur algérien, pour réaliser leur propre bande dessinée.
Au premier étage du village vacances savoyard des Saisies, l’ambiance est studieuse. Face à la colline enneigée plantée d’épicéas que l’on aperçoit par la baie vitrée, les participants de l’atelier bande dessinée sont penchés sur leur feuille de papier. Ils mettent en couleur la planche qu’ils ont dessinée quelques jours plus tôt.
L’endroit, qui abrite une remarquable bédéthèque, est propice à la concentration : moquette au sol, grands fauteuils, murs tapissés de rayonnages où sont rangés plus de 1 500 titres pour tous les âges et tous les goûts, empruntables par les vacanciers. En bonne place, trône une grande affiche qui rappelle le souvenir du Festival de bande dessinée CCAS-Les Saisies, interrompu après 2020.
« Salim nous aide bien »
Le dessinateur et auteur de bande dessinée Salim Zerrouki, qui conduit l’atelier, donne des conseils à Aïko Galantine-Vuillermoz, 8 ans. La discrète petite fille venue de Chinon (Indre-et-Loire), bénéficiaire de la CMCAS Tours-Blois, a suivi avec assiduité le rendez-vous quotidien, quatre jours durant.
« Je suis venue parce que ça m’intéressait, confie-t-elle d’une voix douce. Je lis souvent des BD ; par exemple, j’aime bien « Les P’tits Diables ». Et je dessine aussi, mais surtout des symboles comme des étoiles ou des cœurs. Salim nous aide bien, il m’a montré comment mieux faire les visages. Avec lui, j’ai aussi appris des choses, comme l’encrage. »
Les vacanciers des Saisies apprennent à scénariser, dessiner puis encrer leurs planches. ©Philippe Marini/CCAS
L’artiste a invité chacun à réaliser de A à Z un petit récit graphique humoristique de son cru, en suivant pas à pas les étapes de fabrication traditionnelle. Aïko, elle, s’est inspirée de son vécu de vacancière pour décrire la mésaventure d’une fillette et de son copain panda, qui font tomber du télésiège un de leurs bâtons de ski… avant de le récupérer.
« Je leur ai montré comment créer la fiche graphique de leurs personnages, indique le quadragénaire. Cet outil de base compile les caractéristiques du personnage, ses liens avec les autres protagonistes, son apparence de profil et de face et lorsqu’il exprime différentes émotions. Quand on a une histoire impliquant de nombreux personnages, c’est très utile. Et pour les débutants, c’est un bon exercice. »
« Je suis toujours surpris par la facilité des enfants à dessiner »
Après avoir organisé l’histoire en cases et dessiné chaque scène au crayon à papier, il faut repasser les traits à l’encre noire : c’est l’encrage. Puis, découper les phylactères contenant les paroles des personnages et les coller judicieusement dans la case – une alternative aux feuilles de papier calque « à l’ancienne ».
« Personnellement, souligne l’artiste algérien, comme de nombreux dessinateurs, j’utilise la tablette graphique, car le dessin à la main prend un temps fou. Quand je fais des ateliers avec les enfants, je suis toujours surpris par leur facilité à dessiner. Ils n’ont jamais peur de mal faire et ils sont rapides. Cela m’épate ! »
« J’ai envie de donner aux enfants le sentiment que la BD est un moyen d’expression facile. »
Salim Zerrouki, auteur-illustrateur en résidence au centre des Saisies
Participants studieux lors des ateliers de l’artiste Salim Zerrouki. ©Philippe Marini/CCAS
Pierre Faye, 33 ans, se montre lui aussi enchanté d’avoir participé à l’atelier. L’animateur qui travaille au village vacances a adapté son planning pour bénéficier des conseils de Salim, précieux pour ce passionné du 9e art, qui le pratique en amateur. « Auteur de BD est le métier que je voulais faire quand j’étais petit !, raconte le jeune homme qui tient, par ailleurs, les permanences de la bédéthèque du centre. J’ai beaucoup appris lors de mon échange avec un professionnel comme Salim. Je l’ai trouvé génial et j’ai aimé découvrir ses méthodes de travail. »
Salim Zerrouki donne volontiers ses « trucs », même s’il trouve que les enfants ou les jeunes, comme tout lecteur de BD, ont souvent assimilé une bonne partie des codes, comme les traits qui symbolisent le mouvement, par exemple. « J’ai envie de donner aux enfants le sentiment que la BD est un moyen d’expression facile. Et à ceux qui voudraient continuer, je précise que c’est un métier à part entière vers lequel ils peuvent envisager de se tourner. »
Alors que Aïko vient d’achever sa planche qui sera accrochée le lendemain pour une mini-exposition, Salim la félicite : « Il ne reste plus que la signature de l’artiste. Maintenant tu sais que chaque fois que tu auras envie de raconter quelque chose, tu pourras faire le faire avec une BD ! »
Salim Zerrouki, de l’Algérie à la France
C’est en 2011 que ce natif d’Alger parti s’installer à Tunis publie ses premiers dessins. Chaque jour pendant trois ans, il poste en ligne, à la manière des dessinateurs de presse, une case pleine d’ironie et d’humour noir sur « l’islamisation de la pensée » qu’il observe, au travers d’un personnage phare, Yahia Boulahia, caricature de salafiste.
En 2018, il sort un premier album, « 100 % bled. Comment se débarrasser de nous pour un monde meilleur », où il joue la carte de l’autodérision pure et dure, à destination des lecteurs maghrébins : « une invitation à se moquer de soi-même, pour se réveiller et faire évoluer la société », résume-t-il.
Dans son deuxième opus, « Comment réussir sa migration clandestine », il vise le public européen. Derrière l’humour cinglant, transparaît une colère froide vis-à-vis de la répression des exilés traversant la Méditerranée.
Installé aujourd’hui en France, il sort le premier tome d’un roman graphique, « Rwama », où l’on suit la vie quotidienne d’un immeuble de la banlieue d’Alger entre 1975 et 2000. S’y mêlent des souvenirs personnels, l’histoire de la capitale algérienne et les changements sociaux dus à la montée de l’islamisme. S’il ne se départit pas de son penchant pour la satire, Salim Zerrouki veut cette fois toucher « tous ceux qui s’intéressent à l’Algérie ».
Site web : www.salimzerrouki.com
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Pour aller plus loin
« Rwama », t. 1 : « Mon enfance en Algérie (1975-1992) »
Dargaud, à paraître le 15/03/2024, 176 p., 22 euros.
« Comment réussir sa migration clandestine »
Encre de nuit, 2021, 91 p., 14,95 €
« 100 % bled. Comment se débarrasser de nous pour un monde meilleur »
Encre de nuit, 2018, 60 p., tarif CCAS : 9 euros au lieu de 12 euros (frais de port réduits ou offerts)
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Tags: Atelier des artistes en exil Bande dessinée Pratiques amateurs Réfugiés
