Conférencier en histoire du sport, Bernard Maccario retrace un événement majeur dans l’avènement du sport féminin : les trois Olympiades féminines de Monte-Carlo, organisées à Monaco en 1921, 1922 et 1923. Elles ont fortement contribué à la prise en compte des femmes dans le sport et à l’évolution de la condition féminine en général. À travers la narration de ces faits historiques, l’auteur nous incite à réfléchir sur les mécanismes d’une société patriarcale. Cet ouvrage a été choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2024.
L’histoire
Dans les années suivant la Première Guerre mondiale, Monaco est un carrefour international sur le plan sportif. Dans la Principauté, les femmes issues de l’aristocratie accompagnent déjà leur mari au tennis et s’adonnent aussi à d’autres sports. En France, les mentalités n’ont pas évolué. Le sport y est synonyme d’activité masculine. La femme, elle, ne doit pas abîmer sa grâce… par quelque pratique que ce soit. À Monaco, le besoin d’innover, de s’ouvrir au monde et à ses problématiques sociétales est grand.
« Les Olympiades féminines de Monte-Carlo », de Bernard Maccario, Éditions Gilletta, 2023, 160 p.
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Bernard Maccario : « On considérait presque les sportives comme des mauvaises filles »
Qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter ces Olympiades féminines ?
Bernard Maccario – C’est un peu la suite logique du travail [d’histoire du sport, ndlr] que j’ai entrepris depuis que je suis à la retraite. Il me ramène à mes études universitaires, à mon intérêt pour l’histoire, à celui pour le sport et au lien ténu existant entre les deux. Ces Olympiades, j’en connaissais l’existence, étant de Beaulieu-sur-Mer [Alpes-Maritimes] et donc voisin de Monaco, mais je trouvais que le sujet n’avait pas été réellement traité. Et puis nous étions en pleine commémoration du centième anniversaire de la mort d’Albert 1er de Monaco [mort en 1922, ndlr]. Lequel régnait lors de la première Olympiade, en 1921.
Le livre foisonne d’anecdotes, d’informations précises, de photos, etc. Comment avez-vous mené ce travail ?
Il émane de plusieurs rencontres, dont celle des responsables du Comité olympique monégasque. Ensuite, je souhaitais une iconographie riche pour donner de l’intérêt au livre. J’ai été comblé en accédant aux archives de la Société des bains de mer de Monaco et à sa photothèque très fournie. Pour le reste, c’est un travail d’historien habituel, avec le souci de toujours citer ses sources et de rétablir des vérités historiques.
Des vérités qui mettent en exergue un certain paradoxe : Monaco, son aristocratie sont à la pointe du développement du sport féminin et quelque part du progrès social et humain dans les années 1920 ?
À l’époque, Monaco est déjà tourné vers l’international, avec l’envie d’innover, notamment dans le sport. Et ce sont les pays du monde entier qui se croisent dans cet endroit privilégié, avec tout ce que cela engendre comme mélange de cultures, de visions politiques différentes. Et donc d’ouverture d’esprit aussi. Ensuite, Albert 1er est un humaniste, très engagé dans les mouvements pour la paix. Aussi, lorsque les organisateurs lui proposent les Olympiades féminines, pour la Principauté, c’est à la fois un événement spectaculaire de plus pendant une période d’hiver déjà fournie en manifestations hebdomadaires et un concept innovant et visionnaire. L’exclusion des femmes du champ du sport est une réalité [à cette époque, ndlr].
Ces premières Olympiades sont assez « pédagogiques » : en filigrane se dessine une certaine idée du sport pour toutes ?
Le coup de génie des organisateurs, c’est d’avoir proposé à côté des épreuves sportives des activités plus féminines pour l’époque, comme la gymnastique rythmique. L’idée était de démontrer que la même jeune femme peut participer à un ballet et dans l’heure qui suit courir le 100 mètres. Il fallait inverser la tendance dans l’opinion publique, qui refusait l’idée que les femmes puissent être en sueur, avoir un rictus sur la ligne d’arrivée et montrer leurs jambes. On considérait presque les sportives comme des mauvaises filles.
« Les femmes ne sont pas faites pour lutter mais pour procréer. » Cette phrase tirée du livre provient à la fois de journalistes et de médecins. Parleriez-vous d’ignorance, de dogme ou de phénomène de société ?
Il y a, à l’époque, cette opposition entre le viril et la grâce. C’est un problème sociétal. La fonction de la femme se résume ainsi à celles de mère et d’épouse. Aussi, lorsque les médecins se prononcent à son propos, c’est pour alerter des dangers des sports violents, censés abîmer ses organes reproducteurs. Il faut ménager la femme car elle va enfanter ! Et, dans une société patriarcale, cela convient à tout le monde, puisque les femmes restent à la maison. Le sport ne fait donc que refléter le statut de la femme dans la société. D’ailleurs, les stéréotypes sont encore tenaces de nos jours.
Pourtant la fin de la Première Guerre mondiale a marqué un vrai tournant dans l’émancipation des femmes ?
Des freins ont été levés. Et pas seulement dans le sport. La littérature, la mode s’ouvrent et favorisent l’émancipation féminine. Mais, comme tout mouvement sociétal, il n’est pas linéaire. Il y a des avancées et des reculs… Certes, les femmes ont été mobilisées dans les usines et ont démontré leur force physique, morale, etc. Mais, si cela a pu susciter un début d’émancipation, très vite le besoin de repeupler la France s’est fait sentir. Et la politique nataliste a anéanti les espoirs des femmes, en leur rappelant qu’elles étaient là pour faire des enfants. Cette question du corps féminin a toujours été centrale. Aujourd’hui encore avec le débat autour de l’IVG. Et le sport participe de cette problématique, de ce sujet de société.
Malgré tout, la quête d’égalité dans la pratique sportive, portée par le combat d’Alice Milliat, fondatrice de la Fédération sportive féminine internationale, en 1921, va finalement se traduire par de l’élitisme et l’exclusion des plus faibles…
Tout à fait. À l’instar des hommes, la compétition chez les femmes ne peut opposer que les meilleures. Et le combat d’Alice Milliat vise à obtenir pour elles les mêmes sports que pour les hommes, selon la même organisation, avec l’établissement de records. Dans le seul but de montrer qu’il n’y a pas de d’écart avec les hommes.
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