Etre sans cesse de passage et toujours plier bagage… Epique et lyrique à la fois, le voyage à bord de Milky a fait resurgir des vertus diluées dans un confortable conformisme. Et de Merlimont (Pas-de-Calais) à Arès (Gironde), le paradoxe du temps et de sa notion a sans aucun doute marqué notre épopée durant trois semaines.
Caresser l’instant furtif tout en essayant d’en tirer la substantifique moelle fut un exercice jubilatoire. En écartant provisoirement l’automate programmé, la spontanéité et la sincérité dans l’échange ont salutairement bousculé les codes. Et les nourritures terrestres, humaines ont jalonné notre escapade. Vus de la chaussée, les champs qui défilent, les couleurs, les paysages, ont indéniablement une autre saveur. Et les rencontres dans les centres de vacances une autre intensité. A coup sûr. Au rythme de « l’immigré allemand », l’insouciance, un brin de légèreté et l’attention, la vraie, celle que la routine transforme en ignorance (ou en mépris) se sont révélées au grand jour (et au coucher de soleil). Comme une évidence. Ainsi, à chaque halte (où la sédentarité, et non pas l’ennui, te pèse au bout d’un jour), nous avons « pioché », fleuré le parfum des vacances des bénéficiaires. Pour mieux repartir, riches de ces moments de partage, certes éphémères…
Aussi en regardant dans le rétroviseur, loin très loin, si en 1936 la création des congés payés a sans doute engendré cette euphorie, cet enthousiasme pour l’échappée belle, force est de constater que, quatre-vingts ans plus tard, l’aventure reste l’aventure. Sans égal. Avec ses anecdotes, ses pulsions, ses émotions, autant de souvenirs indélébiles. Si prendre du recul, c’est souvent apprécier l’authentique à sa juste valeur, avec la route comme support, le discernement en devient étincelant. C’est ça l’effet « Milky way » !
Images : Yannick Blanchouin/CCAS
Dernière étape
Plus de 1 300 kilomètres parcourus, des tas de rencontres, des anecdotes, une formation accélérée en mécanique automobile et une vingtaine de couchers de soleil plus tard, il est temps de ramener Milky chez lui et de retrouver une vie de sédentaire. On jette nos sacs à l’arrière du combi avant de saluer l’équipe du centre de vacances d’Arès. Ultime étape de notre aventure : Saint-Jean-d’Illac, situé à seulement quelques kilomètres.En chemin, le passage de Milky suscite encore une multitude de réactions de la part de ceux que l’on croise, des sourires, des coups de klaxon, des signes entendus. C’est une chose que j’ai aimée, voir le « petit américain » dans les yeux des autres, les conséquences étranges et les rencontres heureuses qu’il a produites. La plus marquante de notre périple restera celle de Stevens, l’amoureux des combis. Ça y est, on est certain d’être bien arrivés, on aperçoit un autre van à l’adresse indiquée. On entre, et là, c’est carrément une meute de Volkswagen de tout âge et de tout coloris qui attend Milky ! On laisse les clés sur le contact, adieu l’ami, adieu tes obscures taches d’huile, tes vapeurs d’essence inexplicables, ton « chant » assourdissant.
Elsa Grigaut
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Super ! Et superbe ! Bravo !