Ambiance Bois : le travail, autrement

SAPO (Société Anonyme à Participation Ouvrière) Ambiance Bois en Limousin. ©C.Crié/CCAS

Ambiance bois en Limousin est reconnue entreprise solidaire d’utilité sociale. ©C.Crié/CCAS

Depuis vingt-huit ans, une entreprise installée dans la Creuse expérimente un autre rapport au travail, avec succès. Reportage dans cette société anonyme à participation ouvrière (Sapo) où le PDG ne sert à « rien ».

Installés au bord de la départementale qui mène au village de Faux-la-Montagne (Creuse), les bâtiments d’Ambiance bois sont entourés à 360 degrés par la forêt. « Une région très peu peuplée, annonce Rémy Cholat, mais très active. » Créée en 1988 « par une bande de copains parisiens », Ambiance bois est un peu le fleuron de ce dynamisme. L’entreprise a aujourd’hui trois activités : bois énergie, fabrication, vente de matériaux et maison ossature bois. « Le nerf de la guerre, ici, c’est la façon de travailler », explique Rémy Cholat qui a rejoint Ambiance bois il y a dix-sept ans. Pas de hiérarchie, les salariés sont à la fois tous « patrons  et ouvriers ». Et donc tous responsables.

« Nous sommes tous sur le même salaire de base. Mais pas forcément les mêmes revenus puisque la majorité d’entre nous a opté pour le temps partiel. Notre temps de travail se répartit à la semaine. » Comme ses collègues, Chantal Galibert, quinze ans d’ancienneté, se partage entre la vente, le sciage, la gestion de production et celle du planning. Un vrai casse-tête, le planning… pour jongler entre les aménagements nécessaires à chacun et les impératifs de production. « On est polyvalents par choix, mais aussi en fonction des nécessités de production. Avec des limites. On n’est pas tous bons pour tout. On ne mettra pas à la vente quelqu’un qui a horreur de décrocher le téléphone. »

Ronan Guillet ©C.Crié/CCAS

Ronan Guillet, salarié d’ Ambiance bois ©C.Crié/CCAS

« Mon patron me disait que je n’étais pas rentable »

Charpentier de métier, Ronan Guillet est entré à Ambiance Bois en 2013 après avoir lu « Scions… travaillait autrement ? », le livre qui narre l’aventure de ce collectif. Ecoutons-le raconter son parcours et donner sa vision du travail.

A lire : Ambiance Bois, l’aventure d’un collectif autogéré par Michel Lulek, 2003, réédition 2009, 174 pages, 15 €.

« Ouvrir l’entreprise à toute la vie »

Le salarié d’une Sapo (statut peu usité qui existe pourtant depuis 1917) devient actionnaire au bout d’une année de travail. « La réalisation d’une vieille utopie, celle de l’alliance du capital et du travail », résume Rémy. « L’objectif est d’ouvrir l’entreprise à toute la vie et ne pas la restreindre à l’économique. On ne vient pas ici pour un salaire. On réalise un projet, le nôtre. » L’entreprise, forte de vingt-cinq salariés, effectue une embauche tous les quatre ou cinq ans. Après la crise de 2008, Ambiance bois a dû s’adapter au bouleversement de la demande.

Jusqu’alors organisée sur des délais de livraison de six mois, elle fonctionne avec des délais immédiats ou d’une semaine. « Nous produisons pour avoir du stock sur tous nos produits, quasiment un millier de références. Une gymnastique perpétuelle… » Impératif environnemental oblige, les bois ne sont pas traités, les produits utilisés sont non toxiques  tandis qu’approvisionnements et chantiers sont restreints à des circuits courts de 50 kilomètres à la ronde. Ici, pas de bois tropicaux ou scandinaves…

Réunion de travail. ©C.Crié/CCAS

Réunion de travail. ©C.Crié/CCAS

Décisions collectives

Tous les deux ans, le PDG est tiré au sort parmi les volontaires qui ne l’ont jamais été. Que fait le PDG ? « Rien », d’après Rémy Cholat, jubilant de faire « la preuve par la pratique qu’un PDG peut ne servir à rien ». À part « signer quelques papiers de temps en temps ». Toute décision est prise collectivement. Avant de s’installer dans la région il y a cinq ans, Karine Deseuvre a travaillé dans la vente à Londres et à Paris. « Rien à voir. Ici on s’entraide toujours, un peu comme dans une famille. » Sur une semaine, elle passe de la gestion du site Internet à la vente pour finir par deux jours de sciage. Pour elle qui aime être à l’extérieur : « C’est parfait. Après une journée au sciage, on dort bien la nuit. »

Les conflits et les couacs surviennent parfois, comme dans tout collectif. « La gestion des conflits, c’est un peu le talon d’Achille des alternatifs. Mais chez nous, » assure Rémy Cholat, « un conflit ne débouche jamais sur de la souffrance au travail ou un licenciement. » Edwin Sevty ne dira pas le contraire. Après seize ans, il se sent toujours aussi libre. « Je ne supporterais pas l’idée que quelqu’un vienne m’expliquer comment planter un clou. » Et de rêver : « Si notre modèle pouvait se propager, le monde serait sûrement meilleur qu’aujourd’hui. »

Les nouveaux territoires de la démocratie

©S.Guillemin-H.Lucas/AFP

©S.Guillemin-H.Lucas/AFP

Institutionnelles ou citoyennes, en assemblées, sur le Net ou les réseaux sociaux, de nouvelles pratiques démocratiques viennent bousculer la prise de parole, la gestion municipale et jusqu’au travail.Voir l’ensemble du dossier 

1 Commentaire
  1. GUERIN 8 ans Il y a

    Cela me paraît bel et bon. Mais cela me semble trop bien pour être vrai§
    Les ouvriers-patrons ne réclament jamais d’augmentation de salaire? ou s’ils demandent une augmentation, est-elle (comme on le voit trop souvent dans la vie réelle) incompatible avec le bilan économique de l’entreprise?
    En 25 ans de fonctionnement, on ne me fera pas croire que cette entreprise n’a pas embauché un incapable ou un révolté de naissance et qu’il a bien fallu (survie exige) s’en séparer.
    Ce reportage teinté de rousseauiste me fait penser au pays des Bisounours.
    J’aimerai voir les livres de comptes..

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