Audrey Horth, contract manager à EDF Guyane, souffre d’endométriose, une maladie gynécologique très douloureuse touchant une femme sur dix en âge de procréer. Après des années d’isolement social, elle a rejoint EndoAmazones, une association qui aide les jeunes Guyanaises à faire face à cette pathologie.
Elle ne s’en sépare jamais et ne sort jamais sans en vérifier le contenu. « C’est ma trousse de survie. Sans elle, je ne vais nulle part », lâche Audrey Horth dans un rire spontané. Une trousse transparente remplie d’antalgiques et d’anti-inflammatoires, toujours à sa place au fond du sac. Car la crise peut se déclencher à n’importe quel moment. Au travail, en vacances, dans la voiture… Quand les douleurs arrivent, il n’y a plus qu’une solution : rentrer à la maison ou s’allonger quelque part en attendant que les médicaments fassent effet. « Souvent, j’ai envie de plonger ma main dans mon ventre et d’arracher tout ça, tellement je souffre », témoigne-t-elle.
L’endométriose est encore taboue car elle est liée aux règles.
Pendant des années, Audrey s’est murée dans le silence. « L’endométriose est encore taboue car elle est liée aux règles », explique-t-elle. Cette maladie gynécologique chronique complexe reste méconnue du grand public bien qu’elle touche près d’une femme sur dix en âge de procréer. Elle se manifeste par le développement d’une muqueuse utérine en dehors de l’utérus, colonisant parfois d’autres organes avoisinants. Elle provoque également une infertilité dans 30 à 40 % des cas.
Vers une prise en charge totale par l’assurance maladie ?
« L’endométriose est un continent caché, tant par l’état de notre méconnaissance que par le nombre de femmes qui en sont victimes », déclarait le 13 janvier dernier la députée Clémentine Autain. Ce jour-là, sa résolution désignant la maladie comme une affection longue durée (donc éligible à une prise en charge totale par l’assurance maladie) a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale… contre l’avis, cependant, du gouvernement. Un vote qui témoigne donc d’une évolution réelle de la société, mais pour de nombreuses femmes, le chemin vers la reconnaissance pleine et entière de la maladie est encore long.
Si les symptômes sont très variables d’une femme à l’autre, la pathologie est douloureuse et invalidante dans la majorité des cas. Audrey Horth, elle, souffre d’une « endométriose profonde digestive, avec atteinte des ligaments utéro-sacrés », doublée d’une adénomyose (endométriose interne à l’utérus). Après avoir subi l’ablation d’une trompe et à l’issue d’un difficile parcours de PMA (procréation médicalement assistée), elle a fini par tomber enceinte naturellement. « Les médecins pensaient que je ne pourrais pas avoir d’enfant. C’était inespéré ! » Sa fille, Maélys, fêtera ses huit ans le 20 août prochain.
Le 13 janvier 2022, l’Assemblée nationale reconnaît unanimement l’endométriose comme une affection longue durée (ALD), contre l’avis du gouvernement. Mais les associations militent encore pour qu’elle soit reconnue comme invalidante.
« Je suis longtemps restée dans le déni »
Nous rencontrons Audrey le 8 juin, en région parisienne, alors qu’elle s’apprête à rejoindre l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, pour une semaine de contrôles et d’examens, à la suite d’une nouvelle intervention chirurgicale en mars 2021. Voix claire, regard déterminé, Audrey parle sans s’arrêter, comme pour conjurer le passé. « J’ai beaucoup souffert de la solitude, je me suis beaucoup renfermée à cause de ma maladie. Quand les collègues me posaient des questions, je préférais dire que ça allait, que j’avais une grippe ou une gastro. Je suis longtemps restée dans le déni. »
C’est important d’avoir des gens qui sont à l’écoute, qui cherchent à comprendre ce que vous vivez.
Un jour, alors qu’elle est en déplacement professionnel, une très violente crise la saisit. C’est un vrai choc pour la personne qui l’accompagne. Depuis, un petit groupe de collègues et amis s’est formé autour d’Audrey. « C’est important d’avoir des gens qui sont à l’écoute, qui cherchent à comprendre ce que vous vivez. » Son métier de contract manager (cadre) au service réseau d’EDF l’a aussi aidée à s’ouvrir aux autres : « J’aime être dans l’échange, le partage, la rencontre avec les autres, avec les prestataires. »
La rencontre déterminante avec EndoAmazones
Mais la grande nouveauté pour Audrey, c’est sa rencontre en janvier avec EndoAmazones, une association créée par des jeunes femmes souffrant de la maladie, et dont la vice-présidence lui a vite été confiée. Moins de deux mois plus tard, elles montent ensemble un « Village endo » à la maison familiale de la CMCAS Guyane afin de sensibiliser le public à la lutte contre la pathologie. Près de 300 personnes répondent à leur appel. Prochaine grosse étape : l’organisation d’un « Endo Tour » pour « faire connaître l’endométriose dans toutes les communes de Guyane ».
La Guyane est un désert médical, sous-doté en moyens techniques et humains.
Avec ses nouvelles amies d’EndoAmazones, Audrey veut aussi mettre en place un parcours de soins entre Cayenne et Paris. « La Guyane est un désert médical, sous-doté en moyens techniques et humains. Nous n’avons pas les mêmes chances qu’en métropole ! », s’indigne-t-elle. Pas de centre d’imagerie médicale adapté, pas de centre de PMA… Militante syndicale depuis son entrée à EDF, Audrey Horth n’aime rien tant que défendre « les causes qui [lui] paraissent justes ». La lutte contre les inégalités d’accès aux soins est son nouveau cheval de bataille.
Pour aller plus loin
- Site internet de l’association EndoAmazones : endoamazones.org
- Site internet de l’Association française de lutte contre l’endométriose : endofrance.org
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