Avec la fin du bouclier tarifaire, le retour de flamme fiscal qui a fait bondir la facture d’électricité de 10 % au 1er février suscite de nombreuses oppositions au nom du pouvoir d’achat et de l’écologie.
Huit à dix pour cent d’augmentation des factures d’électricité, pour six à dix milliards de recettes pour l’État. Le retour de flamme fiscal lié à la fin du bouclier tarifaire, en place depuis deux ans pour contenir la hausse du tarif de l’électricité, touche aussi bien les entreprises et les collectivités territoriales que les particuliers : en cause, la fin du bouclier tarifaire instauré en 2022, avec l’augmentation au 1er février de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), et la hausse consécutive du tarif règlementé de vente d’électricité (TRVE).
Comme le note la chaine Public Sénat, l’État devrait empocher en 2024 quelque « six milliards d’euros de recettes, dans un contexte où Bercy s’est donné pour objectif de réduire le déficit public ». Et même « dix milliards, dans l’optique d’un rétablissement de la fiscalité à son niveau d’avant crise » en 2025. Car la levée du bouclier fiscal n’est pas terminée, et se déroulera en deux temps, l’objectif étant que la TICFE soit relevée à son niveau initial d’avant crise.
C’est quoi, la TICFE ?
La taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) est une accise, qui porte principalement en France sur le tabac, l’alcool, les produits énergétiques.
Auparavant appelée Contribution au service public d’électricité (CSPE), elle est l’une des trois taxes appliquées à la facture d’électricité. La TICFE est un impôt indirect perçu sur la consommation, tout comme la TVA, à la différence qu’elle porte non pas sur une valeur, mais sur une quantité (en l’occurrence, la quantité d’électricité livrée au consommateur final).
En février 2022, un « bouclier tarifaire » ramène cette taxe à son minimum légal, espérant ainsi limiter l’augmentation des factures suite à la crise énergétique. La loi de finances 2024 prévoit une sortie progressive du bouclier tarifaire. En février, la TICFE est ainsi relevée de 0,5 €/MWh à 20,50 €/MWh pour les entreprises, et de 1 €/MWh à 21 €/MWh pour les ménages et assimilés. Une première étape avant son retour prévu à 32,44 euros le MWh, au 1er février 2025.
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Une proposition de loi contre la surtaxation de l’électricité
Suivre le parcours des fonds collectés via cette taxe, depuis la facture jusqu’au budget de l’Etat (notamment via le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ») relève du parcours du combattant. Au final, cependant les recettes viennent largement contribuer au subventionnement du développement des énergies renouvelables en métropole et outre-mer.
Afin d’éclaircir cet imbroglio fiscal, mais aussi la construction du tarif réglementé de vente d’électricité et les pratiques fortement contestées des fournisseurs privés d’électricité, le groupe Union centriste du Sénat, a obtenu, le 18 janvier dernier, l’ouverture d’une commission d’enquête sur la production, la consommation et le prix de l’électricité à moyen et long terme.
Avec le bouclier tarifaire, accuse le député socialiste Philippe Brun, porteur d’une proposition de loi « Contre la surtaxation de l’électricité », « nous avons financé à fond perdu une défaillance du marché ». Un marché très mal régulé puisque « indexé sur les prix du gaz avec des hausses de 43 % en 2022 et plus 26,5 % en 2023 ». Et le député de constater : « on demande aujourd’hui aux français de rembourser ce « bouclier » qui a coûté si cher, parce qu’on a un système qui marche sur la tête ».
L’augmentation de la fiscalité a également un impact sur le tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE), selon une délibération de la commission de régulation de l’énergie (CRE) : une hausse « d’autant plus incompréhensible, note le député, qu’elle ne correspond pas à l’évolution des prix de l’électricité sur les marchés. »
Sa proposition de loi souligne également que « revenir au niveau de taxation antérieur à la crise énergétique serait un non‑sens écologique » : « Cette surtaxation fait de l’électricité la source d’énergie la plus taxée, rapportée aux émissions de CO2 qu’elle génère, au triple de celle de l’essence, et à un niveau douze fois supérieur à celle du fioul ou du gaz naturel. En plus d’être injuste, cette taxation est désincitative à la transition écologique ».
Une hausse des impayés
Selon l’association UFC que Choisir, qui plaide pour la prolongation du bouclier tarifaire, la facture annuelle moyenne d’un ménage au TRVE chauffé à l’électricité était de 1 604 euros. Avec une nouvelle hausse fiscale, « cette facture atteindrait 2 235 euros (+ 39,3 %), soit un pouvoir d’achat amputé de plus de 630 euros, et pouvant largement dépasser les 1 000 euros notamment pour les habitants de passoires thermiques ». Une flambée inflationniste qui conduit bien des foyers à la rupture.
Le médiateur de l’énergie, indique qu’en 2022, une hausse de 10 % des interventions pour impayés a été enregistrée : 863 000 en 2022 (réduction de puissance ou coupure), contre 785 096 en 2021. Ces interventions pour impayés se traduisent par des interruptions de fourniture d’énergie et/ou par des réductions de puissance en électricité ».
De son côté, l’Observatoire de la précarité énergétique estime que 5,6 millions de ménages, soit 12 millions de personnes, souffrent de cette précarité. Pour ces familles, souligne l’ONPE, que le niveau des ressources consacrées à l’énergie est cinq fois plus élevé que pour des ménages aisés. Enfin, 31 % des consommateurs (et même 55 % chez les 18-34 ans) ont rencontré des difficultés pour payer certaines factures de gaz ou d’électricité (contre 18 % en 2020).
Pour se faire une idée plus précise de l’ampleur du coup de massue, le site du médiateur de l’énergie met à disposition un simulateur-comparateur qui calcule l’impact de l’augmentation des tarifs sur la facture annuelle en fonction des différents profils de consommation : dans un appartement de 80 m² occupé par un couple ou trois personnes, où la consommation électrique est comprise entre 6100 et 6700Kw par an, la facture a par exemple augmenté, en cinq ans, de 50 %.
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