Ouvert en mars dernier, le musée Camille Claudel, situé à Nogent-sur-Seine, abrite une remarquable collection des œuvres de l’artiste. Quarante-trois sculptures qui retracent son cheminement créatif, éclairent sur la pureté de son esthétisme et percent le mystère de son génie atypique. Le musée convie également les visiteurs à un voyage à travers l’âge d’or de la sculpture française.
« La Valse », « la Femme accroupie », « l’Abandon » ou encore « l’Implorante » et « l’Âge mûr »… Autant de chefs-d’œuvre qui émeuvent les foules depuis des décennies. En mars dernier, un musée consacré à la fulgurante Camille Claudel a ouvert ses portes à Nogent-sur-Seine, dans l’Aube. Le musée municipal rassemble la plus prestigieuse collection au monde, soit quarante-trois sculptures. Car c’est ici, à Nogent-sur-Seine, que le destin artistique de la jeune Camille Claudel s’est joué. En 1876, la famille emménage, pour trois ans, dans une bâtisse qui deviendra l’une des ailes du futur musée. La fillette, alors âgée de 12 ans, y façonne ses premiers modèles. Le sculpteur Alfred Boucher, ami des Claudel, repère ses dons précoces et l’encourage à poursuivre dans cette voie. Plus tard, à Paris, il sera le premier à lui enseigner son art ; c’est lui également qui la mettra en relation avec Rodin.
A l’origine, l’expo de Nogent
En 2003, une exposition Camille Claudel est organisée par la ville de Nogent-sur-Seine. Forte de ce succès – près de 40 000 visiteurs en trois mois –, cette dernière décide de lui dédier un espace culturel bien à elle. La municipalité commence par acquérir deux œuvres fondamentales, « la Tête d’Hamadryade » et « l’Implorante », puis une partie de la collection privée de la petite-nièce de Camille Claudel. Enfin, elle achète la fameuse bâtisse dans laquelle la famille Claudel vécut un temps.
L’âge d’or de la sculpture française
La conception du musée s’appuie, par ailleurs, sur un fonds de sculptures françaises datant de la fin du XIXe au début du XXe siècle (1880-1914), hérité de l’ancien musée Dubois-Boucher, créé en 1902 par les deux amis sculpteurs et enfants du pays nogentais.
Cette collection – unique en France – donne à voir quelques beaux spécimens de l’âge d’or de la sculpture française. Autour des pièces d’Alfred Boucher et Paul Dubois sont réunies, entre autres, celles d’Antoine Bourdelle, Jules Desbois, François Pompon (connu pour ses sculptures animalières), qui ont tous trois travaillé pour Rodin. « La ville de Nogent-sur-Seine a longtemps entretenu des relations étroites avec des sculpteurs, précise Cécile Bertran, conservatrice du musée. Il s’agit pour le musée de contextualiser la carrière de Camille Claudel, de replacer l’artiste dans les courants artistiques de l’époque afin de mieux appréhender son œuvre. »
De la sorte, les visiteurs peuvent pénétrer l’environnement artistique – essentiellement masculin, du reste – dans lequel la jeune Camille évolue et fait ses armes. Le parcours les invite à découvrir les différentes techniques, la variété des styles et des courants artistiques ainsi que les thèmes et tendances prisés à l’époque. Tout un univers dont Camille Claudel s’est nourri avant de se démarquer et d’affirmer sa singularité.
« L’or qu’elle trouve est en elle »
« Je lui ai montré où elle trouverait de l’or mais l’or qu’elle trouve est en elle », affirmait Auguste Rodin. Des couples d’une rare sensualité ; des êtres contorsionnés affichant des poses originales, marginales ; des visages empreints d’une tragique émotion – vibrants, presque vivants –, voilà la « patte » de Camille. Sa modernité. La délicatesse dans la puissance.
« Camille Claudel réussit le tour de force d’exprimer un sentiment avec le corps », insiste Cécile Bertran. Voilà sa marque de fabrique. « Nous avons souhaité faire dialoguer certaines de ses sculptures avec celles de Rodin, et créer les conditions de comparaisons, tant leur relation amoureuse s’est incarnée dans leurs œuvres », rappelle-t-elle. Ainsi, « l’Abandon » de Claudel fait-il écho à « l’Éternel Printemps » de Rodin, révélant l’influence réciproque des deux artistes.
Jusque dans les années 1970, Camille Claudel, tombée dans les oubliettes, est inconnue du grand public. Tout au plus son frère, Paul Claudel, l’exhume-t-il avec une exposition en 1952. Avec ce musée, voilà Camille Claudel en quelque sorte réhabilitée en tant qu’artiste majeure, sans que plane l’ombre un peu trop encombrante d’un Rodin, maître et amant, dont elle n’a eu de cesse de se libérer. Un musée référence pour prendre toute la mesure de son exceptionnel talent qui fut, des décennies durant, fort injustement oublié.
Musée Camille Claudel, 10, rue Gustave-Flaubert, 10400 Nogent-sur-Seine.
Tél. : 03 25 25 51 70 .