Réalisatrice talentueuse aux films multiprimés, Claire Burger pose un regard émouvant et ciselé sur la complexité de nos sentiments et de nos relations avec les autres. Elle est la marraine de Visions sociales, festival de cinéma de la CCAS, qui se déroule à Mandelieu-La Napoule du 18 au 25 mai.
Vous êtes la marraine de la 17e édition du festival Visions sociales. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’accepter ce rôle ?
Je crois que c’est le mot « social ». J’ai l’impression que l’on se méfie un peu de ce terme, notamment dans le cinéma où on a tendance à le considérer comme un gros mot. Comme s’il allait à l’encontre du glamour et de ce que l’on pourrait attendre du cinéma. Alors que justement je pense qu’il est important que la culture s’empare du social.
Le personnage principal de votre dernier film, « C’est ça l’amour », projeté en ouverture du festival, est un père débordant d’amour pour sa famille, un homme fragile, vulnérable, très loin des clichés habituels de la virilité au cinéma. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce personnage ?
C’est un homme très courageux, qui parle de son envie d’aimer, de transmettre. Il est très investi dans sa paternité. Il est sensible et vulnérable et, effectivement, on ne voit pas si souvent des hommes comme lui au cinéma. Il est aussi incarné par Bouli Lanners, un acteur plein de générosité et d’une grande sensibilité. Il y a donc plusieurs raisons pour moi d’aimer ce personnage.
Beaucoup de vos acteurs n’ont aucune expérience du cinéma. Pourquoi ce choix ?
Avant tout pour avoir de nouveaux visages. Il y a de formidables acteurs professionnels en France, mais il y a plein de corps et de visages que l’on voit peu au cinéma : des femmes vieillissantes, des gens peut-être un peu moins lisses. En choisissant des non-pros, je m’autorise à filmer des gens qui ne seraient pas passés par le filtre de cette profession dure et compétitive. C’est aussi très émouvant de voir des gens s’investir tout à coup dans le jeu et d’en prendre le risque devant la caméra.
Vous privilégiez les plans très serrés…
C’est vrai que les décors comptent un peu moins pour moi que les visages et que je m’autorise à aller assez près des visages des comédiens. D’autant que mes films, et « C’est ça l’amour » en particulier, parlent des petits bouleversements intimes, de l’intériorité, et j’ai donc l’impression que c’est en scrutant ces visages que je peux attraper quelque chose.
Faites-vous beaucoup de prises ?
Oui, pour plusieurs raisons. Parfois pour que le comédien s’oublie un peu. Dans la répétition, il lâche parfois quelque chose. Même si mes films sont très écrits, je me repose aussi beaucoup sur le montage, qui est ma formation initiale. Cela permet de choisir entre les moments de grande authenticité et des moments peut-être un peu plus faibles.
Quels auteurs vous ont donné envie de faire du cinéma ?
J’ai été très marquée par John Cassavetes ou Maurice Pialat, mais j’ai des goûts assez éclectiques : des cinéastes comme Robin Campillo, Joachim Trier ou Andrea Arnold m’intéressent énormément.
Vous avez reçu de nombreux prix, dont le prix Femme de cinéma. Que vous évoque cette récompense ?
Une certaine fierté : c’est toujours agréable de recevoir des prix. Cela dit, ce n’est pas ma génération qui a inventé le féminisme. Des femmes se sont battues depuis longtemps pour que d’autres, comme moi, puissent aujourd’hui faire du cinéma. Donc recevoir ce genre de prix, c’est toujours un peu gênant : on aimerait qu’il n’y ait plus besoin de distinguer les femmes des hommes et, malgré tout, dès que l’on creuse un peu on se rend compte qu’il reste beaucoup d’inégalités. Ce genre de démarche est donc probablement nécessaire. J’ai pu faire des films sans rencontrer d’énormes difficultés. Pour d’autres qui n’ont pas eu cette possibilité, si je peux porter ce flambeau, pourquoi pas ?
Êtes-vous engagée par ailleurs ?
Après avoir été une adolescente pleine d’espoir, je crois que comme beaucoup, je me suis désengagée à plein d’endroits et même dépolitisée. Je fais partie de ces déçus de la gauche, effrayés par un monde en train de changer, qui pensent qu’il y a quelque chose à inventer. Je me sens démunie parce que je sais que certaines causes comme celle des migrants mériteraient plus d’engagement. Je n’en suis pas fière, j’espère m’engager prochainement, car je suis persuadée qu’il y a des combats à mener partout. Il faudrait se retrousser les manches.
Vos questions
« Je viens de la vallée de la Fensch en Moselle et je connais bien Forbach, où vous avez tourné tous vos films. Diriez-vous que cette ville conditionne l’histoire de vos personnages ? Si vous étiez née à Cannes, votre cinéma aurait-il été le même ? »
Charline Muller, chargée de clientèle EDF, CMCAS Mulhouse
Claire Burger – Grandir à Forbach, ce n’est pas pareil que de grandir au bord de la mer, à Cannes, avec le festival chaque année. Ce n’est pas comme être parisien non plus. La région dont je viens est emblématique de beaucoup de choses : la guerre entre la France et l’Allemagne, la désindustrialisation, les ouvriers qui perdent leur emploi, les maisons achetées à crédit sur des décennies et qui ne valent plus rien… Grandir dans une région en crise, qui semble ne pas avoir d’avenir, ça marque et, rapidement, on a envie d’en partir. Donc de se déraciner. Je ne suis pas que cela, mais cela m’habite.
Visions sociales, le cinéma qui (nous) parle autrement
Visions Sociales, festival de cinéma de la CCAS
Du 18 au 25 mai 2019
Sur le site du domaine Agecroft à La Napoule (Touristra Vacances).
Programme, tarifs, hébergement…
En savoir plus sur le festival Visions sociales sur ccas.fr