En d’autres temps, Dominique Faillie, correspondante de la SLVie de Gravelines, aurait accompagné les défilés de carnavaleux de Dunkerque au son de son fifre. Mais la crise sanitaire a cloué le bec de son instrument à vent. Comme la musique adoucit la vie, Dominique repartira avec son groupe diffuser ses joyeuses mélodies, auprès des personnes isolées, dès la levée des restrictions.
« Normalement, fin février, c’est l’effervescence dans le Dunkerquois. La musique résonne de partout », raconte Dominique Faillie, 51 ans, joueuse de fifre et saxophoniste. Un silence assourdissant qui donne le bourdon à tout le monde… Et une population en berne à cause de l’épidémie. « On croise les doigts pour le carnaval de 2022 », glisse la correspondante de la SLVie de Gravelines, résolument optimiste.
On a une quinzaine de morceaux à notre répertoire. On commence toujours par les mêmes airs : ‘roule ta bosse’ et ‘viens boire un coup’ !
Car si les Carnavaleux ont rangé leur costume au placard, les musiciens, eux, restent désespérément muets. Ces deux groupes ne vont pas les uns sans les autres : intrinsèquement liés. « Pas de bande (défilé) sans musique ! », confirme l’intéressée. Leur union confère au carnaval son caractère de fête populaire et familiale.
Et dans ce duo très codifié, ce sont les musiciens qui mènent la danse. Créent l’ambiance chaleureuse. « La musique dirige les défilés, donne le signal des chahuts aux carnavaleux. Et le soir, les musiciens animent les bals », détaille-t-elle. En début du cortège, le tambour major, en chef d’orchestre, est à la manœuvre : il indique aux musiciens les morceaux à jouer, les arrêts et les reprises. Les tambours le suivent de très près.
Viennent ensuite les fifres puis les cuivres. « On a une quinzaine de morceaux à notre répertoire. On commence toujours par les mêmes airs : ‘roule ta bosse’ et ‘viens boire un coup' », précise la musicienne. Mais faute d’entrainements à cause des confinements, l’agente constate une déperdition musculaire. Mais aussi, « un réel manque ». Manque de jouer ensemble, manque de partager avec d’autres ces petits moments de bonheur et d’évasion.
La musique dans la peau
C’est en arrivant dans le Dunkerquois en 1998 et par l’entremise de ses nouveaux camarades, que la jeune Valenciennoise de 18 ans inaugure son premier carnaval, et entame une relation passionnée avec la musique. Elle s’essaie d’abord au tambour, qu’elle abandonne pour le fifre pour suivre sa copine Odile. Dominique entre à la philharmonie municipale de Ghyvelde (Nord) « une institution très sérieuse », dans laquelle elle prend des cours de saxophone.
Cet instrument – « le plus féminin qui soit » et doté « du plus joli son » – a l’avantage d’offrir le même doigté que le fifre. La musique rythme désormais la vie de la jeune fille, et pour longtemps. Entre sa vie professionnelle – elle est secrétaire du chef de l’agence EDF de Coudekerque-Branche (Nord) – et sa vie familiale, il y a toujours du temps dédié à la musique. « Une question d’organisation » assure Dominique. Elle « refile le virus » à son mari qui se met au tuba, puis plus tard à ses 3 enfants.
J’emmenais les jumeaux aux répétitions et aux concerts. Mes enfants ont appris le solfège bien avant de savoir lire !
« À une semaine d’accoucher de ma fille Flavie, en 1997, je jouais du saxo lors d’un défilé », en rigole-t-elle. Plus tard, en 2000, la naissance de ses jumeaux n’entame nullement sa pratique musicale. « J’emmenais les jumeaux aux répétitions et aux concerts ; ils dormaient dans la poussette, se remémore-t-elle. Morgan et Logan ont appris le solfège bien avant de savoir lire ! ». C’est une grande joie, pour elle, d’avoir transmis le goût de la musique à ses enfants.
Morgan est trompettiste. Logan, gendarme mobile, joue du tambour dans l’harmonie de la gendarmerie. Et Flavie, l’aînée, est saxophoniste. « La musique est un truc que j’ai en commun avec mes enfants, que je partage avec eux, une sorte d’endroit à nous où l’on se retrouve », reconnaît Dominique. Et que dire du bonheur de faire carnaval avec eux ? « Même si nous ne sommes pas dans la même bande, on est ensemble », s’émerveille la joueuse de fifre. Un lien impalpable qui les relie où qu’ils soient.
Le pouvoir d’insuffler la joie
Lorsque l’intéressée décide d’arrêter l’harmonie municipale en 2014, c’est pour se consacrer à la Band’As Co, un groupe de musiciens qui donne de la voix tout au long de l’année. Au carnaval bien sûr : « Tu joues tous les week-ends car tous les villages alentour ont le leur. La musique c’est le cœur et l’âme du carnaval », martèle Dominique. Un pur enchantement, un vrai plaisir malgré une cadence soutenue. « On fait la fête ensemble ; c’est un vrai moment de décompression durant lequel tu oublies tout ; tu es un autre », explique-t-elle. Contre vents et marées, les bandes jouent jusqu’au bout de la nuit. « Une année, se rappelle-t-elle, la grêle ne s’arrêtait plus de tomber. On a joué quand même jusqu’à la fin ».
Pour Dominique, c’est une évidence, ce langage universel fédère les gens, leur fait un bien fou. « La musique apporte du baume au cœur de tout le monde ». Et voilà Dominique transformée en souffleuse de joie le temps d’une mélodie. « On va régulièrement jouer bénévolement dans les Ehpad et les instituts médicaux spécialisés. Au fur et à mesure, on voit les sourires apparaître sur les visages, la gaité dans les regards. C’est énorme ! », confie-t-elle pudiquement. La magie de la musique a opéré… Le pouvoir de les emmener ailleurs, de leur offrir une parenthèse chaleureuse, une inestimable récompense pour la musicienne.
Bio express
- 1970 – Naissance le 11 novembre à Valenciennes (Nord)
- 1993 – diplômée Bac pro en secrétariat
- 1994 – embauche à la distribution, agence EDF de Coudekerque-Branche (Nord) comme secrétaire du chef d’agence
- 2003 – mutation à la Centrale nucléaire de Gravelines comme agent de planification des arrêts de tranches
- 2008 – correspondante de la SLVie de Gravelines (Nord)
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