Ils et elles sont retraités du nucléaire ou de RTE, chercheuse reconvertie en biographe ou encore ancienne éducatrice… et leur talent littéraire a été reconnu par la CCAS, pour des ouvrages écrits parfois en parallèle de leur carrière, ou à la faveur d’une crise douloureuse. Qu’est-ce qui a poussé ces écrivains amateurs à se lancer ? Entretiens.
Un Français sur trois aurait déjà écrit un livre, selon un sondage Odoxa sur le plaisir d’écrire. Pour donner à ses bénéficiaires l’opportunité de se faire connaître, ou de découvrir que des écrivains se cachent parmi leurs collègues et leur famille, la CCAS a lancé en 2017 un concours national destiné à ces auteurs amateurs. Car lorsque certains y pensent, d’autres se lancent…non sans succès. Rencontre avec les trois lauréats et le récipiendaire de la mention spéciale du concours Écrivains des IEG 2022, dont les ouvrages viendront garnir les bibliothèques des villages vacances de la CCAS dès cet été.
Écrire pour… « conter de petites histoires »
Avec « Le monde en fables », Daniel Ribailler, alias Bryan de La Rillie, a publié son premier ouvrage à 65 ans… ouvrage qui lui a valu, dans la foulée, « la mention spéciale » du jury CCAS ! Rembobinons. Il y a dix ans, fraichement retraité de RTE, Daniel se prend du plaisir d’écrire. Sa carrière dans l’industrie ayant laissé « peu de place à la création », le loisir littéraire lui permet d’évacuer son insatiable imagination. Lors d’ateliers d’écriture, il découvre les textes d’autrui, s’imprègne des échanges et des manières de faire. Surtout, il mesure où se niche son habileté : « Jouer sur le sens, les mots, les rimes [et] conter de petites histoires ».
C’est ainsi que Daniel laisse libre cours à sa nouvelle passion et couche sur papier, avec une verve affranchie, des fables se déroulant sur tous les continents, formant un recueil où les traditionnels loups, renards et ours sont mis en scène dans des querelles de voisinage, des aventures incroyables et des amours impossibles. Un recueil de fables ? « On m’a mis en garde : ça risque d’intéresser personne ! ». Mais persuadé que « tous les Français [ont] en tête quelques vers de La Fontaine », ce naturel optimiste, primo-auteur désormais auteur primé, peut affirmer qu’il faut « toujours cultiver sa singularité », et « se lâcher, s’amuser, faire des choses inattendues ».
Écrire pour… « amener les gens à s’emparer des mots »
Muriel Meunier, ayante-droit de la CMCAS Caen, porte pour sa part l’amour des belles-lettres depuis l’enfance. Elle grandit « autour des livres », échange des correspondances durant l’adolescence, et poursuit un bac littéraire. Ses aventures professionnelles sont naturellement tournées vers l’écriture : éducatrice auprès de personnes illettrées, responsable libraire, correspondante de presse…. Un parcours guidé, confie-t-elle, par « l’envie de partager aux autres le goût de lire et d’écrire, et d’amener les gens à s’emparer des mots ».
Autrice d’une quinzaine de romans, elle explique que l’acte d’écrire est aussi un prétexte pour apprendre. Et en effet : à la faveur de son roman historique « Julie, matricule 247 », qui retrace la vie d’une ancienne bagnarde injustement condamnée à l’exil en 1896, la lauréate a consulté pléthore d’archives, de dossiers et de thèses, et a contacté l’arrière-petit-neveu de son héroïne, née comme elle à Bolbec (Seine-Maritime). Tant et si bien qu’à force, confie-t-elle, « j’ai vraiment eu l’impression de la connaitre ». Voilà comment elle peut nous faire vivre « sa petite histoire dans la grande », nourrie çà et là de la richesse de son terroir normand, et du passé de son pays.
Écrire pour… « prendre du recul sur des souvenirs douloureux »
Chez ceux qui les remplissent, les pages blanches sont aussi un outil pour extérioriser une blessure. Un support d’alerte pour laisser des traces. À l’origine de l’ouvrage collectif « À s’en brûler les ailes », dont Corinne Le Bars, ayante droit de la CMCAS Caen, est coautrice, il y a la conviction qu' »écrire permet de mettre à distance les émotions ». Écrire ce livre, témoigne-t-elle, « nous a aidées à prendre du recul sur des souvenirs douloureux ».
Ce « nous » dont parle Corinne, ce sont sept femmes de 30 à 60 ans, originaires du Calvados, qui se rencontrent au hasard d’un atelier animé par des assistantes sociales afin d’échanger sur leur burnout. Au-delà du lien qui se crée entre ces femmes, leurs maux accouchent d’un livre et d’une association, Les Pest, pour Patientes expertes de la souffrance au travail, constituée en vue de « prévenir des effets destructeurs du mal-être professionnel ».
De son côté, après avoir été salariée pendant 21 ans dans la même entreprise, Corinne le Bars s’est reconvertie : la docteure en Sciences de l’éducation est devenue biographe. Autrice d’une demi-douzaine d’essais, elle résume : « les mots que j’avais perdus pendant mon burnout, je les ai retrouvés et je les mets dorénavant à disposition de gens qui me confient leur vie ».
Écrire pour… « partager son art »
Aller « à la rencontre des gens », les écouter pleinement et en capter l’essentiel : Erick Baldassari s’astreint à cette démarche artistique « de bonne grâce » depuis ses 15 ans. Photographe amateur, il réalise son premier reportage en 1978 « dans un gros camion qui faisait des livraisons entre la Savoie et l’Italie ». Et depuis, au fil des décennies, au travers de métiers singuliers, il raconte en images des histoires humaines, qui ont donné lieu à bien des expositions.
Deux ans et demi de reportages photos l’amènent enfin à un livre, « D’une terre à une autre. Une transhumance des Alpilles à la Maurienne », qui dépeint la vie de Roger Pellat, propriétaire de 2 000 moutons, et offre une description d’ensemble du labeur, des peines et des joies des maîtres bergers.
« Tout le monde n’a pas forcément le temps ni la condition physique pour vivre des aventures comme je le fais, commente Erick. En façonnant ce livre, je me suis mis dans la peau de celui qui va regarder les images, lire les textes, pour comprendre au mieux l’esprit et les codes culturels de cet univers passionnant ». À 67 ans, ce retraité d’EDF exerce aussi sa « soif de partage » au sein d’un club photo qu’il a créé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans le sud de la Drôme. Car il ne fait aucun doute pour lui : « si l’art pose un acte solitaire au départ, il n’a d’intérêt que s’il est partagé ».
Photographie, écriture… Plein feux sur vos talents !
Les Activités Sociales organisent annuellement deux concours mettant en lumière les pratiques amateurs des agents et de leur famille : le concours Écrivains des IEG, dédié à l’écriture, et le concours Émoi d’images, dédié à la photographie.
Ces concours sont ouverts à l’ensemble des bénéficiaires : agents actifs et inactifs, conjoints et enfants d’agents.
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