À travers le récit d’un bras-de-fer autour de la fermeture d’une usine, Stéphane Brizé décortique avec ardeur, mais sans simplisme ni complaisance, les mécanismes qui mènent à la violence lors d’un affrontement social. Un film projeté en 2018 à Visions sociales, à voir sur la médiathèque des Activités Sociales.
Les premières images du film « En guerre », de Stéphane Brizé, nous sont familières. Ce sont celles que nous voyons défiler quasi quotidiennement sur nos écrans depuis un certains nombre d’années maintenant. Celles d’un reportage sur des ouvriers en lutte contre la fermeture de leur usine, diffusé sur BFM TV. Ce film, en compétition au Festival de Cannes 2018, suit pas à pas le combat des ouvriers de l’entreprise Perrin Industrie d’Agen, menés par le bouillant Laurent Amédéo, syndicaliste de son état. En pleine actualité sociale enflammée par le mouvement des « gilets jaunes », la CCAS choisit de remettre en lumière ce film poignant, visible en VOD sur la médiathèque (voir comment y accéder plus loin).
Pour narrer ce combat, Stéphane Brizé, parrain de l’édition 2018 du festival Visions sociales, a opté pour la fiction, même si sa manière de filmer peut parfois rapprocher son film du documentaire. Pourquoi ? « Parce que le cinéma de fiction me permet d’aller là où le documentaire s’arrête », explique-t-il. De fait, la caméra suit les protagonistes dans des lieux auxquels elle n’a habituellement pas accès, comme les réunions de négociation avec le conseiller social de l’Élysée.
Tous les ingrédients du conflit social sont là : la menace de fermeture d’une usine appartenant à un groupe qui réalise des bénéfices, les syndicats ultra-mobilisés, les patrons rétifs, les tentatives de conciliation de l’État, entre efforts réels et langue de bois, la fissuration du front syndical lorsque le conflit se durcit, jusqu’à l’explosion de violence finale… Les images de ce conflit fictif en rappellent d’autres : Continental, Goodyear, ArcelorMittal, Renault, et plus récemment Ascoval ou Whirlpool, dont les salariés virent défiler les candidats à la dernière élection présidentielle.
Ce que les médias ne vous montreront pas
Brizé ne se contente pas de ces reportages de façade. Ce qui l’intéresse, c’est ce qui se passe une fois les caméras éteintes. Tout ce qu’on nous montre rarement avant le face à face violent entre les grévistes et les CRS, avant la mise en pièces de la chemise d’un DRH. Les étapes de la lutte sont scrutées à la loupe, par opposition au récit lacunaire des journaux télévisés, qui ne disposent ni du temps ni du luxe de la nuance.
Si l’on prend rapidement fait et cause pour les salariés et leur ombrageux leader, incarné avec panache par Vincent Lindon, le récit n’est pas manichéen. Les cadres de la direction, comme les ouvriers, tiennent un discours charpenté par des arguments solides qui peuvent parfaitement s’entendre. Chacun est dans sa logique, y compris l’État qui doit jongler entre sa mission de préservation de l’emploi et les contraintes de la mondialisation.
Mais le film s’attache à mettre en lumière un rapport de forces fondamentalement inégalitaire. Le réalisateur met finalement en parallèle deux types de violence : la violence feutrée générée par le capitalisme via des décisions brutales qui se prennent dans un bureau et condamnent à la mort sociale des centaines de personnes ; et la violence physique liée à l’explosion de colère de salariés désespérés, qui advient à la suite d’une longue série d’humiliations et d’actions de résistance syndicale classiques.
La seconde choque, tandis que la première est tacitement acceptée par l’ensemble de la société. Si le conflit du titre du film n’est pas militaire, c’est pourtant bien d’une guerre qu’il s’agit : guerre entre le financier et l’humain, guerre des nerfs, guerre du pot de terre contre le pot de fer. Une guerre qui se termine forcément mal.
La fiche
« En guerre », un film de Stéphane Brizé
Avec Vincent Lindon, Mélanie Rover, Jacques Borderie, David Rey…
France, 2018, 1 h 53 min.
Producteurs délégués : Christophe Rossignon et Philip Boëffard. Coproducteurs : Nord-Ouest Films, France 3 Cinéma. Distribution : Diaphana
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