Le tourisme de masse, stoppé net par la crise sanitaire, est critiqué depuis longtemps pour ses dégâts écologiques et humains. Des approches plus responsables, comme celle défendue par les Activités Sociales et ses partenaires, gagnent enfin en visibilité.
Soixante-dix pour cent de touristes en moins dans le monde en 2020 : l’estimation de l’Organisation mondiale du tourisme donne une idée du crash économique et social que subissent des centaines de millions de personnes dépendant de cette activité. Six mois après la faillite de Thomas Cook, premier voyagiste de l’histoire en 1841, le Covid-19 a mis à l’arrêt une économie planétaire basée sur le transport aérien et l’hypermobilité.
Mais si le secteur du tourisme affichait ces dernières années des chiffres de croissance insolents, ses « effets collatéraux » étaient de plus en plus décriés : pollutions massives (le tourisme générant 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, principalement à cause du transport), main-d’œuvre locale surexploitée, villes devenues invivables…
Il faut dire que le nombre de touristes a été multiplié par 60 depuis 1950. Avec ses 32 millions de visiteurs par an – 500 fois plus que le nombre d’habitants – Venise est devenu l’un des nombreux symboles de ce tourisme irresponsable qui laisse dernière lui des montagnes de déchets et fait flamber les prix de l’immobilier, obligeant les gens à fuir leur quartier.
Années 1990 : naissance du tourisme durable
Il a fallu attendre les années 1990 pour que de véritables alternatives, plus respectueuses des hommes et de leur environnement, commencent à se structurer. Tourisme vert, responsable, lent, équitable, solidaire : la galaxie du tourisme durable compte aujourd’hui une myriade d’acteurs de petite taille, proposant à leurs clients des séjours répondant à des cahiers des charges parfois très ambitieux.
Le tourisme alternatif en 6 dates
1964 – Création du label écotouristique « station verte »
1992 – Inscription du tourisme durable à l’Agenda 21
1995 – Adoption par l’ONU de la charte mondiale du tourisme durable
1999 – Adoption du Code mondial d’éthique du tourisme
2006 – Création de l’ATES, association pour le tourisme équitable et solidaire
2011 – Création de l’association ATD, Acteurs du tourisme durable
Comment traversent-ils la crise économique et sanitaire actuelle ? Sont-ils menacés de disparition comme certains tour-opérateurs ? Pour Jean-Pierre Lamic, fondateur de l’association Voyageurs et voyagistes écoresponsables (VVE), large réseau organisateur de « séjours de proximité, solidaires et participatifs » en France et à l’étranger, l’été 2020 a été catastrophique. « La crise est en train d’étouffer les structures artisanales », s’inquiète cet accompagnateur de montagne, qui a publié, en 2019, « Tourisme durable, de l’utopie à la réalité ».
Un tourisme respectueux de l’environnement et de ses habitants
Partenaire des Activités Sociales de l’énergie, l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES), défend une vision particulièrement exigeante du tourisme. Ses adhérents ne se soucient pas uniquement de l’environnement, mais aussi des femmes et des hommes qui y vivent.
Consciente des turbulences que traverse la profession, Caroline Mignon, directrice de l’ATES, reste malgré tout optimiste : « Le tourisme durable a un vrai rôle à jouer. Si nous passons cette crise, je pense que les valeurs que nous portons auront de plus en plus la cote auprès des consommateurs. »
Lire notre entretien avec Caroline Mignon :
« Demain, le tourisme sera durable ou ne sera pas »
Voyager au plus près des habitants, en tous petits groupes, plutôt que de rester entre touristes dans des grands hôtels où les conditions de travail laissent à désirer ; soutenir les artisans et commerçants locaux, partir moins souvent dans des pays lointains, mais y rester plus longtemps… « Nous ne disons pas : arrêtez de voyager ! Nous disons : voyagez mieux ! », résume Caroline Mignon.
Le message semble convaincre une majorité de Français si l’on en croit une étude réalisée en 2017 par Consoglobe et Harris Interactive : 74% de nos compatriotes considèreraient le voyage responsable comme l’avenir du tourisme.
« On a le sentiment d’être enfin entendus »
Longtemps ignorés par les pouvoirs publics, les artisans du voyage alternatif tiennent-ils leur revanche ? C’est ce que veut croire Romain Vallon, cofondateur en 2008 du site d’information voyageons-autrement.com. Il voit dans la crise sanitaire actuelle un véritable « accélérateur » de la transformation du secteur touristique.
Un changement de braquet qui semble même avoir été déclenché avant l’arrivée du virus, d’après Caroline Mignon, également trésorière d’Acteurs du tourisme durable. Cette association qui rassemble la plupart des acteurs du secteur est devenue depuis deux ans « l’interlocuteur privilégié des instances touristiques nationales ».
« On a l’impression d’être enfin entendus », se réjouit celle qui défend la cause du tourisme durable et social depuis vingt-cinq ans. Mais pour que ce dernier puisse se développer, il faut que l’État s’engage de manière concrète. Notamment en mettant en place « des indicateurs permettant de mesurer la part du tourisme durable dans le secteur, son impact positif sur les territoires, les populations, l’environnement, etc. »
Tandis que le gouvernement maintient son cap de 100 millions de visiteurs étrangers en France à l’horizon 2022 (90 millions en 2019), les acteurs du tourisme durable prennent un autre chemin, celui de la qualité plutôt que de la quantité. « Demain, le tourisme sera durable ou ne sera pas », conclut Caroline Mignon.
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