Partis de Toulouse pour le cercle polaire, les deux techniciens réseau de Tannak Aventures ont réussi leur pari malgré des conditions climatiques plus difficiles que prévu.
« Avant, je me considérais comme un sportif. Aujourd’hui, je me sens un peu comme un aventurier », répond Michel Boubekeur, technicien réseau chez Enedis à Toulouse, quand on lui demande comment il se sent depuis son retour du cercle polaire. Avec Romain Dupuy, également chez Enedis, mais à Gimont (Gers), et deux amis, ils ont accompli un périple en chiens à traîneau et motoneiges aux confins de la Norvège, de la Finlande et de la péninsule de Kola en Russie. Les températures affichaient parfois les -33°C, l’air glacé brûlait les poumons mais le dépaysement était au rendez-vous et les aurores boréales d’une beauté à couper le souffle. Elles auraient pu être plus belles encore si la météo avait été meilleure.
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La motoneige s’enfonce dans le lac
« Nous avons eu du mauvais temps quasiment tous les jours, explique Michel Boubekeur. Il a fallu qu’on s’adapte. » Alors qu’ils s’attendaient à trouver des pistes facilement repérables, c’est le grand blanc qui s’offrait à eux, « immense comme un océan, sans trace, sans bruit ». Ils ont réussi à s’orienter grâce au relief, notamment les fjords qui étaient dessinés sur la carte, et au GPS, quand les téléphones parvenaient à conserver un peu de batterie. Le plus difficile aura été de se déplacer dans de la poudreuse haute de cinquante centimètres à un mètre. « Il est arrivé que les motoneiges mettent quatre heures et demie pour parcourir 400 mètres. Il fallait déblayer à la pelle des mètres cubes de neige pour qu’elles puissent avancer. »
Un soir, une motoneige tirant un grand coffre contenant les affaires, une pulka, s’est enfoncée de cinquante centimètres dans la glace d’un lac, l’eau surgissait de tous côtés et prenait aussitôt. Équipés de frontales, ils ont passé des heures à casser la glace qui enserrait la machine, essayant de l’extraire du lac avec des palans. « Si nous avons réussi, c’est grâce à notre métier de technicien, assure Michel Boubekeur. Nous savons nous sortir de situations compliquées. Nous avons appris à évaluer le danger ; là c’est vrai, on a pris des risques, mais il était hors de question de laisser la pulka au milieu du lac. » Suite à cet épisode périlleux, la décision a été prise de diviser l’équipe en deux : une partie continuerait le défi sportif avec les chiens, l’autre, dont Michel et Romain, poursuivrait en motoneige, prendrait le temps de filmer et d’aller à la rencontre des gens.
27 heures à la frontière
C’était la deuxième fois qu’ils risquaient de perdre leurs motoneiges. La première fois, c’était à la frontière russe, quand des militaires ont voulu les leur confisquer au prétexte qu’elles n’avaient pas de plaques d’immatriculation, obligatoires en Russie mais pas en France où elles ne sont pas considérées comme des véhicules. « On est restés coincés 27 heures à la frontière, se souvient-il. La Russie, c’est un autre monde. Dès que tu passes la frontière, tout est différent, très surveillé. »
Michel Boubekeur et ses compagnons savaient que le trajet qu’ils allaient emprunter traverserait une zone militaire, ils ignoraient que c’était une des zones les plus protégées au monde. Pendant 100 kilomètres, ils ont longé des barbelés, ponctués tous les 200 mètres de caméras et de miradors. « Aucun journaliste, affirme-t-il, n’a jamais pu pénétrer dans cette zone où pourrissent des sous-marins nucléaires. C’est un futur Tchernobyl qui se prépare. »
Soudain, ils ont vu un gros nuage noir à l’horizon. C’est Nikel. Une ville de 12 000 habitants, extrêmement polluée, construite sous Lénine pour exploiter une mine de nickel. « On avait l’impression qu’il y avait eu la guerre la semaine précédente. Les façades des immeubles étaient grises, les vitres brisées, témoigne Michel Boubekeur, photos à l’appui. Dans les rues, les gens étaient alcoolisés. On devait dormir là, mais on a préféré partir. »
Un réchauffement climatique bienvenu
Un soir, qu’ils étaient perdus sur un lac glacé en Finlande et que la batterie de leur portable les avait lâchés, un garde-forestier, Peka, est venu à leur rencontre. « Il nous avait repérés avec ses jumelles, explique-t-il, et nous a emmenés chez lui où il nous a donné à manger. » Ensemble, ils ont percé la glace du lac pour avoir de l’eau. Et parlé longuement, notamment du réchauffement climatique. « Il y a dix ans, ils avaient entre -35°C et -40°C tous les jours, poursuit Michel Boubekeur. Aujourd’hui, il peut faire -30°C un jour et -15°C le lendemain. Le réchauffement climatique ne les dérange pas du tout. Bien au contraire. Les hivers sont plus doux, plus courts et ils peuvent pêcher plus longtemps. »
Un avis partagé par les trois autres Samis (Lapons) qu’ils ont rencontrés. Bjorn, un Norvégien qui leur a montré sa pisciculture bio et a partagé avec eux des sushis de saumon, Kieza, une étudiante finlandaise en psychologie qui a choisi de vivre seule dans la forêt cinq mois par an pour être au plus proche de la nature, et Tinja, une éleveuse de chiens, également finlandaise.
Les petits élèves toulousains ont suivi l’avancée des explorateurs au jour le jour, et le nombre d’abonnés de la page Facebook Tannak Aventures est passé de 300 à plus de 800 en trois semaines. Aujourd’hui, l’objectif est de faire connaître cette expédition à travers les photos et le film qui en sera tiré pour attirer de nouveaux sponsors susceptibles de financer les projets à venir. « Même si on a souffert, conclut Michel Boubekeur, c’était d’enfer. On sait qu’on a fait quelque chose d’unique. »
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