Jusqu’à une période récente, il n’était question que de conquêtes en matière de droits des femmes. Aujourd’hui, aux États-Unis comme en Europe ou en Russie, il s’agit de se battre pied à pied contre leur recul.
« Les droits des femmes sont des droits humains », tel est le mot d’ordre que se sont donné les organisateurs de la Women’s March, l’immense manifestation qui a eu lieu le 21 janvier 2017 dans la capitale américaine, à la veille de l’investiture du président des États-Unis, Donald Trump, pour dénoncer à la fois son mépris affiché envers les femmes et, plus largement, le programme politique qui lui a permis de remporter la présidence. Des manifestations similaires ont eu lieu dans 400 autres villes américaines et dans 70 pays, réunissant entre 2 et 3 millions de personnes. On peut voir dans cette mobilisation massive une prise de conscience que c’est par les attaques aux droits des femmes que ceux des plus faibles sont directement menacés, comme l’a rappelé Angela Davis, présente ce jour-là à Washington :
« C’est une marche des femmes et cette marche des femmes représente la promesse du féminisme contre les pouvoirs pernicieux de la violence étatique. Et le féminisme inclut différents éléments qui font appel à nous tous pour rejoindre la résistance au racisme, à l’islamophobie, à l’antisémitisme, à la misogynie, à l’exploitation capitaliste. »
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Campagnes anti-avortement
Hélas, malgré le succès de cette marche, Donald Trump, qui affirmait durant sa campagne qu’il fallait « interdire » l’avortement, suggérant même de punir les femmes qui le pratiquent, signait le surlendemain un décret prohibant tout financement aux organisations non gouvernementales internationales qui favorisent l’avortement des femmes dans le monde. Le 21 janvier 2017, les polonaises étaient également dans les rues de Varsovie, comprenant parfaitement les appréhensions de leurs homologues américaines, car, dans leur pays, le sexisme ordinaire est exacerbé depuis que les conservateurs sont arrivés au pouvoir l’an dernier. Des femmes qui ont même installé un campement en face du Parlement polonais pour exprimer leur ras-le-bol, et dénoncent les menaces qui pèsent toujours sur leurs droits.
C’est grâce à un vaste mouvement de protestation qu’elles ont réussi à éviter l’interdiction totale de l’avortement qui faisait l’objet d’une proposition de loi fin 2016. Une victoire remarquable dans un contexte où les pays voisins multiplient les attaques contre le droit de disposer de son corps, à l’instar de la Hongrie qui avait offert un exemple flagrant de ce type de politiques régressives en 2011, avec une campagne d’affichage anti-avortement. Une campagne lancée sous couvert d’un programme gouvernemental voué à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et qui a été, à ce titre, financé par le programme pour l’emploi et l’innovation sociale de l’Union européenne, ironiquement nommé… Progress.
« Vous devrez rester vigilantes »
Mais la palme du cynisme revient sans conteste à la Russie où, à une écrasante majorité, les députés ont adopté, mercredi 25 janvier, un projet de loi visant à dépénaliser les violences commises dans le cercle familial. En réaction, un collectif de femmes annonce une série de manifestations pour protester contre la terrible réalité de la violence envers les femmes, qui sont, selon les statistiques officielles, plus de 10 000 à mourir chaque année sous les coups de leur conjoint. Quand il s’agit de s’attaquer aux droits des femmes, l’Europe occidentale n’est pas en reste : en Espagne, le gouvernement Rajoy soumettra bientôt au Parlement une loi qui réduit considérablement l’accès à l’IVG. Celle-ci ne serait plus autorisée que dans deux cas : s’il y a eu viol, ou si la santé physique ou psychique de la mère est menacée.
En France, le relatif succès de la Marche pour la vie organisée à Paris, qui a réuni 16 000 opposants à l’avortement le 22 janvier, a de quoi inquiéter : les manifestants affichaient leur hostilité à un amendement de la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes, en discussion à l’Assemblée nationale, proposant la suppression de la référence à une « situation de détresse » comme justification légale du recours à l’avortement… Au vu des positions du Front national sur le sujet et des déclarations du candidat de droite à l’élection présidentielle, François Fillon, qui considère ce texte comme une « faute morale et politique », on ne peut que déplorer que ce débat qu’on croyait appartenir au passé redevienne d’actualité.
Simone de Beauvoir avait prévenu : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » L’Histoire semble lui donner raison.
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