Tiers-lieu destiné aux bénéficiaires de la CMCAS Gironde, qui y a installé ses bureaux, Luzin’e a réuni les familles pour visiter le mini-village associatif et assister à un concert participatif animé par le chanteur Makja, à l’occasion du Printemps des poètes, le 7 mars dernier. Reportage au cœur d’un véritable espace de solidarité, implanté sur le site de l’ancienne usine à gaz de Bordeaux.
Il n’est que 16 heures et déjà le « village » s’active. Luzin’e sort de ses murs et déborde sur le parking. Ici, le primeur installe ses fruits et légumes. Là, l’association Échanges Nord-Sud prépare son stand de dégustation de confitures solidaires artisanales. Le chanteur Makja, l’artiste programmé en soirée, est arrivé et discute avec les bénévoles. Audrey Fornies, nouvelle et première présidente de la CMCAS Gironde, sort d’une réunion et sourit en levant les yeux au ciel, qui est d’un bleu éclatant.
L’élue serre des mains et embrasse des connaissances. « Luzin’e est avant tout un lieu d’échange entre tous les bénéficiaires de la Gironde, un lieu vivant ! » explique-t-elle entre deux sourires. Située à quelques pas de Régaz-Bordeaux, où 300 agents gèrent la distribution publique de gaz aux communes de Gironde, Luzin’e se veut une extension de l’usine. Mais sur le mode du vivre-ensemble.
Un site qui appartient aux agents
Michel Peylaret, agent EDF à la retraite, est venu en proche voisin. Il fait partie du club photo de la CMCAS, qui se réunit tous les lundis dans une salle attenante. « On a de la chance d’avoir ce lieu, admet-il. Il apporte des choses qu’on ne trouve pas dans un comité d’entreprise, comme le marché de produits locaux. Il nous permet de retrouver des collègues qu’on n’a pas vus depuis longtemps. »
Après avoir salué les exposants, Julie Masson, la vice-présidente de la CMCAS, prend le temps d’expliquer le concept du tiers-lieu. « Le site appartient aux agents, il a été créé pour eux. Les gens ont besoin de lien social, besoin de se retrouver. (…) Luzin’e est un lieu qui a vocation à apporter aux salariés du bien-être et des choses qui sortent du cadre professionnel ».
Le jour s’efface, le parking se remplit. Ils sont maintenant plusieurs dizaines à déambuler d’un exposant à l’autre. Les rires sont communicatifs. Les mots s’envolent. Makja les rattrape pour les coucher sur son calepin. Il travaille depuis une douzaine d’années avec les Activités Sociales et anime les villages vacances jeunes et adultes de la région. Luzin’e ? Il découvre. Et dans le regard des gens, il y voit « un lieu de rencontre, de pause, quelque chose nouveau, où il y a tout à faire ».
Des services au quotidien
Vanessa Dedieu est tentée par une confiture à la courgette. C’est sa première visite sur le site. « J’ai participé au groupe de travail qui a monté Luzin’e il y a un an », explique cette technicienne séjours d’activités. Ce soir, elle est venue « en tant que bénéficiaire », et confie combien elle trouve « importan[t] de pouvoir lâcher prise après le travail, de faire connaissance avec les collègues le temps d’une soirée, de créer du lien. Sans oublier que c’est souvent autour d’un verre qu’émergent les plus beaux projets ».
Dans le hall d’accueil du bâtiment, Amandine Lavoisier, directrice de la conciergerie solidaire, discute avec une dame âgée, alors que son collègue règle un dossier administratif avec un bénéficiaire. Ici, on offre des services du quotidien (cordonnerie, repassage, blanchisserie…) et on met en relation les bénéficiaires avec des services à domicile (plomberie, jardinage…). Julie Masson souligne l’aspect solidaire d’un tel service : « La pandémie n’a pas aidé, le télétravail encore moins. On croit aux projets de solidarité comme celui de la conciergerie. »
À la découverte du slam
Plus que d’habitude, ce 7 mars est particulier puisque dédié au Printemps des poètes. Luzin’e a choisi d’inviter les bénéficiaires girondins à venir découvrir le slam avec Makja. Le hall s’est transformé en scène. L’artiste et son complice Bartab proposent des textes, co-écrits plus tôt avec les bénéficiaires eux-mêmes, sur le thème de l’éphémère, le thème du Printemps des poètes cette année. Les mots sont vifs, tranchants, percutants. Ils rebondissent sur le quotidien, l’actualité brûlante. On y parle de la condition des travailleurs à l’usine, celle d’en face. « C’est ça le boulot… »
Dehors, Patrice Genestal s’accorde une pause entre l’apéritif et la charcuterie. Cet « heureux retraité » est un familier des lieux et se dit « ravi de voir autant de monde ce soir ». Acteur de Luzin’e, où il s’occupe des mardis conviviaux (des sorties culturelles mensuelles pour les bénéficiaires), il discute avec « une ancienne de l’amicale des régies d’électricité de la Gironde », qu’il connaît depuis trente-cinq ans ! À l’intérieur, Makja a terminé son spectacle. Le bâtiment se vide. La nuit est définitivement tombée. Le primeur range ses étals. Les lumières s’éteignent. Le village s’endort.
Aux origines de Luzin’e
Sur la plaquette de présentation, on lit : « Luzin’e est un espace de vie ‘par et pour’ les bénéficiaires où ‘cohabite’ une diversité d’acteurs et où chacun est partie prenante du lieu… » « C’est un projet qui se veut solidaire et émancipateur », résume Audrey Fornies, la présidente de la CMCAS Gironde.
Ici, les bénéficiaires viennent se rencontrer, échanger, mais aussi réfléchir, proposer et créer pour devenir de véritables acteurs des Activités Sociales. On vient donc y consommer des produits et des services à la carte mais on peut aussi, et surtout, y entrer avec des idées. « Nous sommes tous issus des industries électriques et gazières et nous avons l’usine de la régie du gaz de Bordeaux à proximité, qui nous rappelle à notre histoire très riche », ajoute la présidente.
C’est après avoir constaté que les bénéficiaires venaient au complexe Gérard-Brocas (le site où se trouvent la CMCAS et Luzin’e) pour adhérer à une association sportive ou culturelle sans véritablement faire vivre le site que la CMCAS a décidé de créer son village : un tiers-lieu fait pour le vivre-ensemble. « Ce site était l’ancienne usine à gaz de Bordeaux », explique Julie Masson, la vice-présidente de la CMCAS Gironde, pour qui « il y a tout un message à faire passer entre les anciens gaziers et les nouveaux ». Après les halles, les docks, Luzin’e, ça « claque » bien et ça parle au plus grand nombre.
Au printemps dernier, la CMCAS a déménagé sur le site et inauguré Luzin’e, où elle a ses bureaux. Ouverts 24 heures sur 24 (ou presque). « Luzin’e pourrait fonctionner comme un centre de vacances, où il y toujours quelque chose à faire ! » lance Julie Masson. Elle ambitionne de voir les inactifs isolés se dire : « Tiens, je vais aller à Luzin’e voir ce qu’il s’y passe. »
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