À l’occasion de l’examen des conclusions du droit d’alerte déposé par le Conseil social et économique central d’EDF SA au conseil d’administration d’EDF, le 29 juin, son secrétaire, Philippe Page Le Mérour, a rappelé lors d’une conférence de presse les principales mesures proposées par les syndicats pour endiguer l’augmentation des prix de l’énergie sans affaiblir l’électricien public.
« Il faut changer de toute urgence la régulation des prix de l’électricité », à défaut de quoi « EDF ne passera pas l’année ! », a prévenu Philippe Page Le Mérour, secrétaire du Conseil social et économique central d’EDF SA (CSEC), le 14 juin lors d’une conférence de presse. Le 2 juin, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a en effet suggéré au gouvernement une deuxième augmentation de l’Arenh (Accès régulé à l’énergie nucléaire historique) au bénéfice des concurrents d’EDF, dont le volume s’ajouterait aux 120 térawattheures (TWh) déjà à leur disposition dans le cadre de l’Arenh et du « bouclier tarifaire ».
En janvier dernier, dans le cadre de ce « bouclier tarifaire » visant à endiguer la flambée des tarifs, le gouvernement avait en effet ordonné à EDF de vendre 20 TWh supplémentaires à ses concurrents au prix toujours imbattable de 46,20 euros par mégawattheure (MWh), soit huit à neuf fois moins cher que sur le marché. Le manque à gagner pour EDF était alors évalué à 8 milliards d’euros. Le 26 janvier, les salariés du service public tiraient le signal d’alarme, en participant massivement à une journée d’actions et de grève (plus de 50 % de grévistes).
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Aujourd’hui, si la recommandation de la CRE était suivie par le gouvernement, le volume d’électricité que le groupe public se voit contraint de céder à ses concurrents depuis 2010 et la loi Nome passerait donc de 100 TWh, historiquement prévus par l’Arenh, à 130 TWh. Et la dette de l’électricien public passerait, selon le secrétaire du CSEC, à 50 milliards voire 60 milliards d’euros.
Deux mesures d’urgence proposées par les syndicats
Dans sa résolution du mardi 14 juin, adoptée à l’unanimité par les organisations syndicales représentatives lors d’une séance extraordinaire, le CSEC a proposé deux mesures d’urgence. La première est la suspension du mécanisme de l’Arenh, mesure prévue par le Code de l’énergie en cas de « circonstances exceptionnelles », en l’espèce, « la crise structurelle de l’énergie, le ‘choc gazier’ qu’entraîne la guerre en Ukraine, et les indisponibilités conjoncturelles du nucléaire qui vont peser jusqu’en 2023 sur la production française ».
La seconde concerne la construction du TRVE (tarif réglementé de vente d’électricité), qu’il s’agirait d’adapter au mix électrique français, nucléaire et hydraulique : le TRVE serait découplé du marché (qui en représente plus de la moitié) et notamment du prix du gaz. Et les élus de rappeler la dérogation accordée en ce sens par l’Union européenne à l’Espagne et au Portugal en mai dernier, entraînant une baisse prévisionnelle des factures de 25 à 30 %.
Cette mesure, couplée à la baisse de la TVA sur l’énergie (de 20 % à 5,5 %), mesure revendiquée par les quatre fédérations syndicales représentatives dans la branche, permettrait de contenir plus fortement l’augmentation du TRVE que la recommandation de la CRE selon les experts du cabinet d’expertise Secafi, qui assiste le CSEC sur le droit d’alerte qu’elle a déposé en février dernier.
Les conclusions de la procédure de droit d’alerte du CSEC ont été présentée le 29 juin lors du conseil d’administration d’EDF, qui a un mois pour apporter des « réponses motivées » à ces propositions.
Les consommateurs et les communes vent debout
Le CSEC peut compter sur les associations de consommateurs, dont certaines siègent au Conseil supérieur de l’énergie, qui a de nouveau voté à la majorité le retrait de la mesure d’augmentation de l’Arenh. « On est bien obligé de dire que la concurrence dans l’électricité, ça ne marche pas, résumait quant à lui Pierre Carlier, délégué national de l’association de défense des consommateurs usagers CLCV, lors du Conseil national de l’énergie, réuni le 17 mai dernier à l’initiative du CSEC. Il y a un an, ajoutait-il, c’était impossible de bouger le cadre européen. Aujourd’hui, bien sûr que ce cadre va bouger, c’est évident. La question, c’est comment ? »
Guy Hourcabie, élu de la Nièvre et vice-président de la Fédération nationale des communes concédantes et régies (FNCCR), forte de ses 800 villes adhérentes – propriétaires, on l’oublie trop souvent, des réseaux de distribution locaux, concédés à Enedis – rappelle quant à lui que « les communes de France n’ont plus accès au tarif régulé de l’électricité et du gaz. On nous a contraints de nous tourner vers le marché ».
Les élus sont actuellement contraints d’arbitrer entre le paiement de la hausse brutale des factures et la continuité de leurs services publics locaux ou, paradoxalement, la mise en veilleuse de leurs projets d’isolation thermique des bâtiments publics, comme le rapporte Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (25 000 adhérents), évoquant une « crise démocratique ». « En fait, on est tous pris au piège, conclut le maire de Barentin (Seine-Maritime) : EDF, ses salariés, les collectivités locales, les particuliers, les entreprises. »
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