Président de la CMCAS Béthune-Arras de 1972 à 2001, élu municipal durant trente ans, Henri Tobo assure devoir beaucoup au militantisme syndical. Toujours très impliqué dans la défense des droits des travailleurs, il ne compte pas baisser les armes pour le moment.
Il est venu nous chercher à la gare de Béthune – même si l’antenne de la CMCAS n’est qu’à 400 mètres – « parce que, dans le Nord-Pas-de-Calais, c’est comme ça ». Casquette vissée sur la tête, écharpe rouge vif, Henri Tobo se soucie des autres. Arpenter avec lui les rues de la cité béthunoise, c’est croiser une trentaine de personnes qui le connaissent et qu’il salue souvent d’un « Cha va tisot ? » (« ça va toi ? » en ch’ti).
Cette notoriété, l’ancien gazier la doit à ses fonctions d’élu : conseiller municipal communiste de Béthune à partir de 1977 et durant trente ans, il fut aussi maire adjoint de Bernard Seux entre 1997 et 2002. Habitué de la salle du conseil municipal de l’hôtel de ville de Béthune comme de celle du conseil d’administration de la CCAS à Montreuil (1988-1994), il est aussi connu comme celui qui porte un grand tablier avec la mention « Les crêpes d’Henri » et se tient derrière la crêpière. Il officie à la braderie de Béthune, au Salon du livre d’Arras, aux fêtes des CMCAS Nord Pas-de-Calais ou encore à Soulac, où il s’acquittait de sa tâche jusqu’à 4 heures du matin, saisissant l’occasion de rencontrer les jeunes agents et d’échanger. « Combien de milliers d’œufs ai-je cassé depuis trente ans ? », plaisante-t-il.
Un syndicalisme émancipateur
Engagé très jeune politiquement (dès 1967), il assure tout devoir au syndicalisme. « Ma mère nourricière », affirme-t-il. À la fin des années 1960, le jeune homme, qui rejoint le monde du travail, a certes du courage mais pas encore d’aplomb. « Quand j’ai commencé à militer, à 18 ans, il m’était impossible de m’exprimer en public sans rougir. Prendre des responsabilités syndicales et sociales m’a poussé à lire et à m’intéresser à beaucoup de sujets. Cela m’a surtout permis de dépasser une grande timidité. » Peu à peu, la parole devient une arme de combat. Henri aime parler à tout le monde. « Si j’ai les arguments pour convaincre, je n’hésite pas. »
Sa mise en inactivité de service en 2002 n’a modifié en rien son énergie joyeuse et communicative. En ce début d’année 2023, à l’heure des rassemblements matinaux contre la réforme des retraites, c’est encore lui qu’on appelle pour donner de la voix sur le parking de la gare de Béthune. Une belle revanche. Le militant continue de battre le pavé des villes du Nord-Pas-de-Calais car il sait bien que repousser l’âge de départ à la retraite, c’est raccourcir cette vie nouvelle qui s’offre aux retraités, du public comme du privé. Il déplore juste de ne plus pouvoir participer à deux manifestations par jour : « Une, ça suffit pour ma sciatique. »
« Je suis né avec la nationalisation, en 1946, et j’ai commencé à travailler avec la reprise des Activités Sociales, en 1964. »
Désormais animateur de l’Union syndicale des retraités CGT et membre actif du collectif UFR Hauts-de-France, il s’enorgueillit de deux dates importantes qui ont jalonné son existence : « Je suis né avec la nationalisation, en 1946, et j’ai commencé à travailler avec la reprise des Activités Sociales, en 1964. » De 1963 à 1964, il a fréquenté l’école de métiers de Lyon-la Mouche, puis il a été affecté à Paris-Gaz. De son séjour en foyer de jeunes travailleurs, il ne conserve que des bons souvenirs : « J’ai appris un métier, j’ai rencontré le collectif. »
De retour dans sa région en 1971, il est affecté à l’unique atelier de réparation des compteurs de gaz de France. Ce sont des jours heureux, brutalement assombris lorsque, à 25 ans, sa très jeune épouse décède, lui laissant Frédéric, un nourrisson âgé d’un mois. Pour surmonter cette épreuve et prendre soin de Frédéric, « les autres » vont l’aider : ses collègues de combat militant, ses parents et deux bons amis, ses voisins. « Mes cantiniers, chez qui je mange encore tous les midis », dit-il en souriant.
Parcours militant
Mais plutôt que d’évoquer sa vie, Henri revient sur l’histoire de sa région et des combats à mener. La tempête de 1999, durant laquelle un millier de collègues du Nord-Pas-de-Calais sont partis dépanner le réseau électrique un peu partout en France. « Cette mémoire vivante a été recueillie dans l’ouvrage « Avis, vies de tempête », publié en 2001, avec le concours des CMCAS et des Activités Sociales. Un livre écrit avec les mots des agents, avec leurs sensibilités. » Et un plaidoyer pour le service public de l’énergie.
Il cite aussi « Cha sin le gaz », ouvrage publié à l’initiative de l’association Colères du présent, dont il a intitulé la postface : « Sous nos pieds une mine d’or ». Il y relate l’exploitation du sous-sol du Nord-Pas-de-Calais, qui a été vendue au plus offrant après la fermeture du bassin minier. « L’exploitation du gaz de mine présentait alors de multiples débouchés. Ils ont été stoppés en 2007 par l’adjudication du sous-sol à un groupe australien dirigé par Albert Frères qui a le droit de l’exploiter jusqu’en 2025 », déplore-t-il encore.
En tant que responsable du réseau solidaire de sa CMCAS, Henri prend le pouls de sa région depuis longtemps. « Les jeunes se sont expatriés pour trouver des emplois, ils vivent loin de leurs parents, qui, une fois âgés, restent seuls. Sans jamais nous substituer à la famille, nous sommes là pour identifier les situations critiques. » Le lendemain de notre rencontre, il sera encore à bord du vingt-cinquième bus affrété pour rejoindre une des manifestations de la région. « C’est aussi un moteur pour moi », avoue-t-il, avant d’ajouter : « Si tu veux recevoir, commence par donner. »
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