L’Allemagne est souvent présentée comme un modèle en matière de transition énergétique. Il ne fait cependant pas que des heureux : coup sur coup, les principaux énergéticiens allemands viennent d’annoncer de très lourdes pertes sur leurs exercices 2014, qui en viennent à menacer l’avenir des entreprises.
Sortie totale du nucléaire d’ici à 2022, développement intensif des renouvelables qui devront fournir 80 % du mix énergétique en 2050, économie massive d’énergie… L’Allemagne est souvent présentée comme un modèle en matière de transition énergétique. Cette Energiewende bénéficie d’un vaste soutien tant des entreprises que de la classe politique ou des consommateurs, qui acceptent de payer une des électricités les plus chères d’Europe. Mais les principaux énergéticiens allemands viennent d’annoncer de très lourdes pertes sur leurs exercices 2014, qui en viennent à menacer l’avenir des entreprises.
Poids lourd international avec ses 132 milliards d’euros de chiffre d’affaire (près du double de celui d’EDF), E.ON a perdu lors de son dernier exercice 3,1 milliards d’euros. Lors de l’exercice précédent, c’est son concurrent RWE qui avait subi la plus grosse perte de son histoire – et la première depuis 1949 – avec un déficit de 2,8 milliard d’euros. Et le numéro 3 de l’énergie en Allemagne, EnBW (ancienne filiale d’EDF) a à son tour plongé lors de l’exercice 2014, avec une perte de 451 millions. Comme le reconnaît le PDG de RWE, «la situation économique des producteurs d’électricité conventionnelle est dramatique. C’est la pire crise structurelle de l’histoire de l’approvisionnement en énergie».
Le choix du développement à marche forcée des énergies renouvelables est la principale cause de cette crise profonde, économique autant que sociale puisque RWE compte supprimer le dixième de ses effectifs. L’électricité des éoliennes et des fermes photovoltaïques est prioritaire sur le réseau. S’il vente ou s’il fait soleil, les centrales thermiques qu’exploitent E.ON, RWE et EnBW sont donc contraintes de s’arrêter. De ce fait leur rentabilité s’effondre, l’équipement industriel tournant en sous-régime. Les énergéticiens allemands ont tenté de répondre au problème en faisant tourner leurs centrales en permanence pour exporter leur kW vers les pays voisins. Mais la chute des prix de gros de l’électricité, divisés par deux depuis 2008, rend l’opération de moins en moins rentable. Les géants allemands de l’électricité sont ainsi obligés de conserver en état leurs capacités de production, indispensable au pays lorsque la météorologie fait chuter l’apport des renouvelables (27% du mix énergétique allemand en moyenne annuelle, mais avec d’énormes variations d’un jour à l’autre), alors même qu’elle sont en sous-utilisation chronique. A ce manque à gagner, s’ajoutent les surcoûts liés au démantèlement à venir des 17 centrales nucléaires allemandes d’ici 2022, sujet brûlant sur lequel les trois entreprises sont en conflit juridique avec l’Etat allemand.
Le pire est sans doute que les difficultés économiques des énergéticiens allemands ne font que commencer. Car la sortie du nucléaire décidée par l’Allemagne en 2002 et confirmée par le gouvernement d’Angela Merkel après la catastrophe de Fukushima a conduit à une envolée des émissions de gaz à effet de serre du pays. Pour tenir ses engagements internationaux, l’Allemagne va devoir réduire massivement ses émissions en taxant le carbone. Or, près de la moitié des capacités de production de E.ON, RWE et EnBW repose sur des centrales brûlant de la houille ou de la lignite, de loin les plus polluantes. Un récent rapport du Carbon Disclosure Project montre que les énergéticiens allemands sont, en Europe, les plus exposés économiquement à l’augmentation attendue des prix du carbone. Sur une base actuelle de 4 euros la tonne de carbone, RWE, EnBW et E.ON dépensent déjà respectivement 10%, 7 % et 4 % de leur résultat d’exploitation à payer leurs émissions polluantes. Mais à 18 euros la tonne de carbone, l’effet négatif atteindrait 43% pour RWE, 28% pour EnBW et 18% E.ON, soit une sérieuse menace sur la rentabilité des entreprises.
Il n’est pas exagéré de dire que les industriels allemands de l’électricité luttent aujourd’hui pour leur survie, victime du choix gouvernemental d’une transition énergétique rapide. Leader du secteur, E.ON a pris au début de l’année une décision drastique : ne conserver que ses activités dans les domaines, présumés d’avenir, des énergies renouvelables, de la distribution d’électricité et des réseaux intelligents, et se débarrasser de ses centrales thermiques concentrées dans une nouvelle entreprise baptisée Uniper. Mais comment cette dernière pourra-t-elle survivre à ce contexte économique sinistre ? Et quelles seront les conséquences pour ses dizaines de milliers de salariés ?
bonjour. Bien bien mais que se passe t il lorsque nous n’aurons plus que des éoliennes, par temps couvert? Arte a fait un excellent documentaire sur le sujet, dommage que ces docs ne passent qu’a des heures ou peut peuvent les regarder. Donc pour « lisser » la production fluctuante du vent et du soleil il faut des centrales a charbon productrice de CO2. L’Allemagne a fait également dans la méthanisation (le bon vieux système mis au point par fiat dans les années 50-60) mais les « anes » produisent bien du CO2 lors de la combustion, n’est il point? Comme pour le nucléaire une décision rapide cause plus de dommage que de bienfaits. at’chao Watson.