« Vivre une retraite dynamique », ce premier forum organisé par les CMCAS Finistère-Morbihan et Haute Bretagne le 18 mai dernier au centre de vacances de Colpo (Morbihan) a rassemblé trois générations d’inactifs. L’âge, l’isolement, la maladie ont été traités avec humour par une troupe de théâtre avant d’ouvrir le débat. L’atelier sur « la retraite conjugale » a fait salle comble.
Autant d’hommes que de femmes, ou presque. Ils sont tous face à Renaud Le Gall dans cette salle du centre de vacances fraîchement rénové. Tous concentrés. Le moment paraît sensible. Le psychologue et sexologue qui exerce à Saint-Brieuc est venu parler du sentiment amoureux. C’est vrai, nous sommes loin de l’étiquette affichée sur la porte qui indique « retraite conjugale ». Car, comme Marie-Christine, tout le monde s’attend « à recevoir des clefs pour mieux se supporter à la retraite ». Mais le spécialiste déroute. Première question : « Qui est en couple ? » La majorité des doigts se lèvent. « Qui est amoureux ? » Les doigts se lèvent de nouveau.
C’est arbitraire, Renaud Le Gall a préféré revenir aux fondamentaux. Quand le rêve l’emportait sur la réalité, le quotidien. Au sentiment d’origine, à cette flamme que le temps ou les habitudes ont diminuée. C’est « à cause » de sa formation canadienne, sourit-il. Comprenez qu’il ne veut pas « poser les statistiques de divorces des jeunes retraités ». En quarante-cinq minutes, le spécialiste entend interpeller chacun dans son lien avec l’autre, sa responsabilité dans le regard qu’il porte sur son partenaire. Il est important de redéfinir sa possibilité « d’être amoureusement rêvable et sexuellement désirable ».
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Car « maintenant que les conjoints ont à nouveau le temps, qu’ils se retrouvent ou se découvrent, le couple vit malheureusement sur un sentiment acquis qu’il croît naturel ». Or souvent ces retrouvailles sont émaillées de tensions, « parce que le couple n’a plus l’habitude de vivre vraiment ensemble, il fait face aux limites de l’autre. Un moment important décrit par les participants eux-mêmes comme la routine, l’usure où chacun accuse l’autre ».
« ‘Tu ne m’aides jamais, tu ne fais pas attention à moi, tu ne fais pas ci ou ça… Tu… Tu.’ Le ‘tu’ tue ! », analyse Renaud Le Gall en pointant le doigt et en imitant le bruit de la mitraillette.
« Cette expression paradoxale de besoins à combler, tout comme le silence ou la distance, fragilise le sentiment, fait disparaître la séduction et, à terme, ces couples ne durent pas. » C’est à ce moment que le thérapeute préconise de « clairement exprimer ses besoins mais toujours de façon positive et constructive ». Autre astuce : érotiser la distance dans les moments de séparation, c’est-à-dire se préparer mentalement à revoir l’autre. On oublie souvent que le couple, « c’est une équipe et qu’elle doit travailler ensemble et non pas l’un contre l’autre ».
Jamais trop tard pour se recentrer
« La conclusion, c’est qu’il n’est pas trop tard pour se recentrer », résume Anne, inactive depuis le 1er décembre dernier. La retraite conjugale ? « Forcément » que ça lui parle. « La vie tous les deux, tous les jours, c’est aussi l’heure du bilan. » Son « truc » à elle pour ne pas s’asphyxier, c’est le bénévolat. « S’occuper des autres me rend disponible à la maison. » Yvonne et Marie-Christine, deux générations de retraitées, racontent ces petits moments difficiles où chacune devait trouver sa place une fois devenue inactives. Ce qui a sauvé leurs couples, c’est aussi les activités « chacun de son côté ». Ginette reconnaît qu’elle a connu quelques frictions avec son mari, Dominique, depuis la fin de sa carrière. Tous les deux affirment néanmoins être amoureux depuis vingt-cinq ans. Ginette précise : « Peut-être que le rose est un peu fané par rapport à l’ardeur de la jeunesse mais c’est un rose solide. »
Plus de 70% de retraités
Une centaine de jeunes et de moins jeunes inactifs ont répondu présent à ce premier forum sur la retraite dynamique. Une première édition ouverte par la compagnie Impro Infini qui, à travers des saynètes sur la souffrance ou le bénévolat, a provoqué le débat. Le pari est réussi pour les présidents des CMCAS Finistère-Morbihan et Haute Bretagne, Bruno Rathouit et Jean-François Larher, qui souhaitaient amorcer « avec humour des questions sérieuses ». Il faut dire que les deux territoires accueillent plus de 70 % d’inactifs parmi les bénéficiaires.
« Nous avons des jeunes retraités de 55 ans et de plus de 100 ans. L’objectif pour nous est donc de répondre à cette grande diversité, commente Bruno Rathouit. Les besoins, nous les connaissons : les séjours, l’amélioration de l’habitat, l’éventail de notre réseau de bénévoles. Maintenant, reste à savoir si nous le faisons bien car il est vrai qu’il y a des tranches d’âges que nous voyons moins. »
Après les ateliers intitulés « La retraite, quel stress » et « La retraite conjugale », les pensionnés pouvaient se renseigner auprès d’une dizaine de stands (Camieg, Mutieg, les Réseaux solidaires…).