Chevelure d’argent sur chemise noire, Timothée Laine, passeur de mots, nous embarque dans un voyage enivrant à la rencontre des grands poètes.
Passeur de mots, c’est une mission ?
Mon obsession c’est la relation entre la parole et l’écrit. Quand on ouvre un livre, on n’y trouve pas seulement des traces noires sur une page blanche. Il s’agit aussi de sentir la vitalité de l’auteur, son énergie vitale. Ce n’est pas seulement un travail visuel qu’il faut faire, c’est un travail pour entendre le souffle de l’auteur, son cœur qui bat.
Dans vos récitals, chacun peut choisir dans une liste de plus de 200 poèmes ceux que vous allez interpréter. Vous êtes une sorte de juke-box poétique…
Je ne sais jamais comment les textes vont s’enchaîner. Ça m’ouvre à des voyages à chaque fois différents. Le public est effronté. Un soir, après une heure et quart de récital, je commençais à me sentir très fatigué, et une petite fille de 8 ans me demande « Nuit de décembre », d’Alfred de Musset, un poème qui dure au moins six minutes. Je lui dis : « Tu sais, c’est long ». Elle me répond : « Je veux ce poème ! » Il s’est passé quelque chose d’incroyable : le texte est sorti tout seul. J’avais l’impression que l’écoute de la petite fille portait à elle seule le texte.
Vos performances suscitent de vraies émotions chez les gens. Y a-t-il une rencontre récente qui vous a particulièrement touché ?
Oui, c’était à Tiru (Traitement industriel des résidus urbains d’Ivry-sur-Seine, filiale d’EDF, NDLR) , dans la cantine du site. Ça a été l’une de mes plus belles expériences du Printemps des poètes. J’ai eu des échanges extraordinaires avec le chef cuisinier et les ouvriers qui m’ont invité à leur table. Ils ont écouté mes poèmes dans un très beau silence et m’ont posé des questions très pointues. En partant, je me suis dit : « Tout est possible à partir du moment où il y a cette curiosité-là. »
Vous intervenez aussi en milieu carcéral.
De temps en temps. Il m’arrive d’y faire des récitals de deux heures et demie… Ce moment devient un espace de liberté pour les détenus. Ils vont à l’essentiel et choisissent les grands auteurs, comme Voltaire.
Pour les rendre accessibles, doit-on sortir les mots de leur prison de papier ?
Les textes, c’est notre capital, notre patrimoine. Certaines personnes ne savent pas que ça leur appartient, que c’est leur richesse. C’est comme si on réservait cette richesse à une élite. Il est important de dire aux gens : « Vous pouvez vous l’approprier. »
Tout un poème…Auteur et interprète, Timothée Laine propose des récitals de voix parlée intitulés « Épopée du poème, épopée du public » à partir de plus de 200 textes mémorisés. |