« L’Assemblée » capte la fièvre de Nuit Debout

« Est-ce qu’on vote, ou pas ? » Telle est la question centrale de Nuit Debout, mouvement populaire né en avril 2016. Durant trois mois, la cinéaste Mariana Otero a filmé l’effervescence démocratique sur la place de la République à Paris. En résulte un documentaire passionnant, « L’Assemblée », soutenu par l’Acid et la CCAS.

A l’occasion des manifestations contre la loi El Khomri, naît le mouvement Nuit Debout. Le lendemain du 31 mars 2016 (le 32 mars pour les participants, décidés à marquer ce jour d’une pierre blanche), des centaines de personnes se rassemblent sur la place de la République à Paris, et dans de nombreuses autres grandes villes de France. Leur défi : réinventer la démocratie. Intriguée, Mariana Otero décide de poser sa caméra entre les bâches et les stands de merguez pour filmer la naissance de cet ovni politique. « L’Assemblée », sorti en salles le 18 octobre, retrace la chronique de cet élan citoyen.

Chaque jour, durant trois mois, la foule se rend sur cette place éminemment symbolique. Hier site de commémoration des attentats, cet espace devient le lieu d’une renaissance : celle d’une conscience citoyenne. On débat ici sur le changement climatique, là sur le monde de l’entreprise, ailleurs encore, on monte un atelier pour apprendre à modérer les débats. Avant chaque assemblée, on révise les signes qui permettent à l’audience de rester silencieuse : les mains qui s’agitent vers le ciel pour dire « d’accord », qui font le « T » de temps mort pour demander un point technique ou miment le roulement quand l’orateur est trop long… La plupart du temps sous une pluie battante, qui ne refroidira pourtant pas les ardeurs des débatteurs. L’une des participantes en tirera une conclusion ironique : « la météo est bien de droite! ».

La parole dans tous ses états

Le film de Mariana Otero adopte une forme adaptée à son objet : une narration décousue, parfois brouillonne, à l’instar du mouvement lui-même, qui se cherche, se construit peu à peu, entre improvisation et interruptions violentes par les lacrymos policières. La réalisatrice ne choisit pas de personnage principal, car l’essentiel n’est pas là. D’ailleurs, l’assemblée n’a ni leaders, ni simples spectateurs. Egalité parfaite. Car l’enjeu du film, c’est la parole elle-même, la façon dont elle circule, dont elle produit du sens par l’échange. Avec en ligne de mire une obsession, déclinée à l’infini : comment parler ensemble sans parler d’une seule voix ? Comment construire quelque chose ensemble tout en considérant chacun dans sa singularité ? Comment réinventer le collectif ?

L’Acid, partenaire de la CCAS

L’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid) est née en 1992 de la volonté de cinéastes de s’emparer des enjeux liés à la diffusion des films, à leurs inégalités d’exposition et d’accès aux programmateurs et spectateurs. Ils ont très tôt affirmé leur souhait d’aller échanger avec les publics et revendiqué l’inscription du cinéma indépendant dans l’action culturelle de proximité. En cela, elle partage la philosophie de la CCAS, dont elle est partenaire, notamment à l’occasion du festival Visions sociales.

Dans un marché cinématographique où les 10 premiers films occupent chaque semaine 93% des écrans, les cinéastes de l’Acid soutiennent et accompagnent chaque année une vingtaine de nouveaux longs métrages réalisés par d’autres cinéastes, français ou internationaux. Choisir ces films, c’est pour eux se poser la question du renouvellement et de la pluralité des regards en donnant de la visibilité à des œuvres insuffisamment diffusées, et en proposant une alternative à l’hyperconcentration et au regard unique.