Le fabuleux destin de Gabriel et Christiane Dréan

Le fabuleux destin de Gabriel et Christiane Dréan | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 112646 Portrait Gabriel Drean

Gabriel et Christiane Dréan, bénéficiaires de la CMCAS Loire-Atlantique Vendée, nous racontent leur incroyable histoire d’amour et d’engagement. ©Charles Crié/CCAS

Il était prêtre, elle était religieuse. Avant d’entrer à EDF-GDF, il y a cinquante ans, Gabriel rencontre Christiane. C’est le début d’une longue histoire d’amour, mais aussi d’un engagement syndical et associatif. Un destin insolite qui a inspiré à leur fille cadette un très beau documentaire intitulé « Tous nos vœux de bonheur ».


Le 20 novembre 2022, le théâtre Ligéria, à Sainte-Luce-sur-Loire, près de Nantes, était plein à craquer. Une projection exceptionnelle de « Tous nos voeux de bonheur » réunissait  plusieurs centaines de spectateurs autour de Christiane, Gabriel et leur fille Céline, réalisatrice du documentaire. La séance fut suivie d’un long et émouvant temps d’échange.

Christiane et Gabriel s’apprêtaient à fêter, le 1er décembre, les 50 ans de leur mariage secret. Mais le lendemain de la projection, Gabriel est décédé. Il avait 83 ans. La rédaction du Journal des Activités Sociales transmet toutes ses pensées amicales et son soutien à Christiane, Céline et leur famille.


Ils ont le rire facile, les yeux pétillants et une complicité que les années ne semblent pas avoir altérée. Gabriel et Christiane Dréan nous reçoivent chez eux, à Sainte-Luce-sur-Loire, près de Nantes, en un bel après-midi de novembre. Un moment de grâce volé au temps qui passe. Au bout d’une heure de discussion, la question s’impose : « C’est quoi votre moteur, le secret de votre joie de vivre ? » Christiane répond sans hésiter : « D’abord, on s’aime. » Un amour qui dure depuis un demi-siècle. Plus fort que les vents du Morbihan. Plus solide que le granit des églises bretonnes.

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Christiane et Gabriel se marient en secret, à Clamart, en décembre 1972. Le Vatican mettra deux ans à répondre à leur requête de mariage religieux. ©Charles Crié/CCAS

Quand ils se rencontrent, en décembre 1971, à Lorient, Gabriel est vicaire de sa paroisse et Christiane institutrice et pensionnaire d’une communauté religieuse. Leur destin semble scellé, tout entier tourné vers Dieu. Surtout pour Gabriel, cinquième d’une famille de sept enfants : « Ma mère faisait des prières tous les jours pour me voir en soutane », se souvient-il. Quant à Christiane, orpheline élevée par des « tantes célibataires bourgeoises », elle est sur le point d’embrasser une vie d’ascèse et de chasteté. « En entrant au couvent, j’avais l’impression de faire un acte révolutionnaire ; je me disais que j’allais participer à une grande histoire. J’avais envie de faire le bien », confesse-t-elle.

Une église déconnectée de la réalité

Mais le vernis a déjà commencé à se craqueler. Quand survient mai 1968, Gabriel a l’impression de vivre en dehors de la société et de ses frémissements. Il livre son ressenti à Christiane, qui partage son point de vue. Engagés au sein de l’Action catholique ouvrière (ACO) et de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), ils fréquentent tous les deux le quartier lorientais de Keryado, peuplé de travailleurs de l’arsenal et du port de pêche : « On vivait des moments très forts avec certaines familles, on partageait leurs soucis. Alors qu’il y avait des gens qui souffraient, la communauté religieuse, elle, vivait dans le confort et la sécurité. » Christiane et Gabriel se sentent de plus en plus comme deux brebis égarées.

Même nos amis les plus proches n’étaient pas au courant [de notre histoire].

Finalement, c’est la paroisse elle-même qui va précipiter le « divorce » avec ses deux « moutons noirs ». Quand l’autorité religieuse apprend que l’institutrice fréquente le vicaire, la messe est dite. À 27 ans, Christiane décide de partir à Paris. Elle y sera rejointe trois mois plus tard par Gabriel, en juillet 1972. Ils se marieront en décembre, sans robe de mariée, sans flonflons, sans cotillons. Et garderont pendant près de cinquante ans le secret de cette union non approuvée par l’église catholique. « Même nos amis les plus proches n’étaient pas au courant », glisse Christiane.

Un documentaire qui « a libéré la parole des gens »

C’est Céline, leur fille cadette, réalisatrice, qui va les convaincre de raconter leur étonnant parcours dans un documentaire intitulé « Tous nos vœux de bonheur ». Un film diffusé sur France 3, puis présenté au Mois du film documentaire, et qui a obtenu le prix du public au Festival du film de famille de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). « Lorsque le film est sorti, on a reçu plein de courriers, de messages et de mails de gens qui ont vécu quelque chose d’analogue. Ça a libéré la parole de beaucoup de gens », se réjouit Christiane.

  • Le documentaire « Tous nos vœux de bonheur » sera en libre accès sur la médiathèque des Activités Sociales jusqu’au 31 décembre.
    > Voir sur la Médiathèque

« On a toujours voulu s’engager vis-à-vis des autres »

« Elle est très patiente », dit Gabriel de son épouse. « Il est très sociable », dit Christiane de son mari. ©Charles Crié/CCAS​

L’histoire de Christiane et Gabriel n’est pas seulement celle d’un amour interdit. C’est aussi celle d’une femme et d’un homme qui ont osé défier le conservatisme de la société. Celle d’un couple qui s’est forgé autour de solides valeurs communes. « Dès qu’on a quitté nos communautés religieuses, on s’est tout de suite engagés dans le militantisme », raconte Gabriel.

Après une première expérience à EDF en tant que magasinier, l’ancien prêtre rejoint Gaz de France en 1976, à Nantes, où il prend des responsabilités syndicales. Christiane, embauchée dans le privé, défend elle aussi ses collègues : « Dans les réunions syndicales, on partageait des choses beaucoup plus profondes qu’au sein de l’Action catholique ouvrière, dont on faisait partie auparavant. »

Devenus parents (en 1973 et 1975), les amoureux militants s’engagent dans l’école de leurs filles, participent à des actions d’alphabétisation, donnent de leur temps pour aider les déshérités… « On a toujours voulu s’engager vis-à-vis des autres, être solidaires dans le travail comme dans la vie associative », résume Christiane.

1 000 kilomètres à pied le long de la Loire

Et les Activités Sociales dans tout ça ? Pendant trois ans, à la fin des années 1980, Gabriel a été président de la commission santé de la CMCAS Nantes (devenue Loire-Atlantique Vendée). Christiane, quant à elle, garde d’excellents souvenirs de leurs vacances en famille avec la CCAS. Notamment des séjours à Latouille-Lantillac (Lot)… « Il y avait des clubs de lecture, des ateliers théâtre pour les jeunes, c’était gé-nial, témoigne-t-elle en détachant les deux syllabes pour appuyer son propos. On y est même retournés des années plus tard avec deux de nos petits-enfants. » Et puis, il y a Matemale. C’est là, dans les Pyrénées-Orientales, qu’ils attrapent « le virus de la marche ».

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La descente de la Loire à pied, un grand moment pour ces amoureux du fleuve royal. ©Charles Crié/CCAS

En 2010, alors âgés de 71 et 67 ans, ils décident de descendre la Loire à pied. Les avis contraires ne les arrêteront pas. Pas plus que le pacemaker et la hanche récalcitrante de Gabriel. Les voilà donc partis pour deux mois de randonnée-camping entre le mont Gerbier-de-Jonc et Nantes, accueillis à leur arrivée comme des héros par leurs proches.

Quand ils ne sillonnent pas les chemins, Christiane et Gabriel aiment passer du temps avec leur famille ou leurs amis, et jouer de la musique : elle au saxophone, lui à l’accordéon. Dans le documentaire que leur a consacré leur fille, ils ont choisi d’interpréter « L’Estaca », une chanson catalane de résistance composée en 1968 par Lluis Llach sous la dictature de Franco. « Une chanson qui correspond bien à notre histoire », ajoute Christiane dans un franc sourire.

 

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