Premier employeur du pays, l’opérateur historique EDP, déjà détenu à 23,3 % par un grand groupe chinois, intéresse beaucoup Engie. EDPR, sa filiale spécialisée dans les renouvelables, est déjà un acteur majeur en Espagne, aux États-Unis et au Brésil.
Le Portugal est-il en train de devenir le cheval de Troie des multinationales de l’énergie ? Les événements de l’année écoulée peuvent le laisser penser. En avril, China Three Gorges Corporation (CTG) a fait une offre publique d’achat sur Energias de Portugal (EDP), premier employeur du pays avec 11 000 emplois. Le géant chinois de l’hydraulique (42 GW de puissance installée), déjà propriétaire de 23,3 % d’EDP, veut acheter les parts restantes, soit 76,7 % du capital. La prise de contrôle d’un opérateur historique par un acteur non européen, et donc l’abandon de souveraineté nationale qui en résulterait, serait une première sur le vieux continent.
Mais d’autres opérateurs veulent aussi leur part du gâteau. À commencer par Engie, qui se rêve en leader mondial des renouvelables. Délestée en moins de trois ans d’une bonne partie de ses centrales à charbon et de production de gaz naturel liquéfié (en Europe et en Asie), le groupe dirigé par Isabelle Kocher mise sur le « bas carbone ». Biogaz, photo voltaïque et surtout éolien. Le vent, c’est justement la force d’EDPR, filiale d’EDP présente notamment en Espagne, en Angleterre, au Brésil et aux États-Unis, marché particulièrement prometteur.
Monopoly planétaire
Huit mois après l’OPA lancée par CTG, aucun accord n’a été conclu. Si la perte de contrôle de l’entreprise publique ne semble guère émouvoir le Premier ministre portugais, ce n’est pas le cas de l’Amérique de Donald Trump. Celle-ci voit d’un mauvais oeil l’arrivée de la Chine sur son sol via EDPR. Une future alliance entre CTG, Engie, et/ou plusieurs autres acteurs européens comme les allemands RWE ou E.ON n’est pas impossible.
Sans parler des fonds de pension américains qui se verraient bien participer au festin. Que vont devenir les 11 000 salariés d’EDP dans ce Monopoly planétaire ? En quelques années, le Portugal est devenu un des leaders européens des énergies renouvelables. Plus de 9 000 emplois ont été créés dans ce secteur entre 2010 et 2016, selon EurObserv’ER. Après des années d’austérité budgétaire et de privatisations tous azimuts, le pays est courtisé par les multinationales de l’énergie engagée dans une « décarbonisation » à marche forcée de leurs activités. Pourvu que leur « responsabilité environnementale » s’accompagne aussi d’une responsabilité sociale.
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