Maurin Ollès est comédien et metteur en scène. Ce fils d’agent EDF a découvert le théâtre en colonie de vacances CCAS, et se donne tout entier à son art, pour porter haut les valeurs d’émancipation chères aux Activités Sociales.
« Être animateur de colo, c’est faire de la politique. » Maurin Ollès, 31 ans, comédien et metteur en scène marseillais, ne mâche pas ses mots. « Voilà ce dont j’ai pris conscience lors de mon stage de Bafa à la CCAS. » Ce grand brun au regard franc entretient avec les Activités Sociales une relation au long cours qui remonte à l’enfance. Colon dès l’âge de 6 ans, il est aujourd’hui l’invité du festival Contre Courant pour son spectacle « Vers le spectre », qui traite de la question de l’autisme, à travers un prisme social et politique. Déjà son premier spectacle, intitulé « Jusqu’ici tout va bien », analysait le rôle des éducateurs auprès de mineurs délinquants – cette pièce a été également jouée à Contre Courant en 2015, puis programmée dans les villages vacances dans le cadre des Rencontres culturelles.
« Rencontrer Matthias Lepers, qui était directeur de la colo dans laquelle j’étais animateur, et par ailleurs éducateur auprès de jeunes délinquants, m’a ouvert les portes d’un monde passionnant, poursuit Maurin. Grâce à mes échanges avec lui, j’ai pu approfondir un principe qui m’avait été enseigné lorsque j’ai passé le Bafa : un éducateur n’est pas là pour éduquer les jeunes mais pour les accompagner. Durant le stage, on nous a martelé que l’animateur devait à la fois ouvrir l’esprit des enfants et leur permettre de devenir acteurs de leurs vacances, afin de les guider vers l’émancipation. »
L’émancipation comme principe fondateur
Le mot est lâché. L’émancipation comme principe fondateur, préalable à tout engagement. Et son engagement à lui, Maurin, trouve ses racines dans la culture familiale. Sa mère, secrétaire dans un centre d’appels EDF, est une militante syndicale très active. « J’ai dû participer à ma première manifestation à l’âge de 3 ans ! », raconte-t-il avec amusement.
À l’époque, les chantiers navals de La Ciotat menacent de fermer, et la petite famille rejoint les salariés en lutte pour s’opposer à la casse sociale qui en résulterait. Pour sa part, Maurin commence à s’intéresser à la politique lors du référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005. Il n’a alors que 15 ans.
Au lycée, il rencontre de jeunes militants communistes, qui lui font prendre conscience d’un certain nombre d’injustices sociales, puis l’initient à la doctrine marxiste. Il rejoint alors leurs rangs avant même d’être en âge de voter. « J’ai suivi une formation théâtrale en parallèle », explique-t-il. Après avoir découvert cet art grâce à une colo CCAS à l’âge de 13 ans, il choisit de passer un bac théâtre, de suivre des études au conservatoire de Marseille, et finit par réussir le concours d’entrée de l’École nationale d’art dramatique de la Comédie de Saint-Étienne. « Je voulais déjà raconter des histoires à travers des mises en scène, alors que je n’étais encore qu’un petit étudiant. »
« La responsabilité de faire un théâtre populaire mais exigeant »
C’est donc assez naturellement qu’il envisage de transposer son engagement politique sur les planches. Avec en tête, encore et toujours, les enseignements tirés de ce fameux stage de Bafa : « Au-delà de l’émancipation des enfants, la question qu’on nous a fait toucher du doigt est celle de l’importance des services publics. » Celui de l’électricité bien sûr, mais aussi l’école, la santé, la justice ou la culture.
« J’ai choisi de travailler pour le théâtre public, subventionné. Je me sens donc la responsabilité de faire un théâtre populaire mais exigeant », explique celui qui a fondé la Compagnie La Crapule en 2016. Dans son prochain projet, Maurin devrait traiter des addictions et de leur corollaire : le rôle du système de santé et celui de la justice, dans la prise en charge sociale des personnes concernées. Avec encore et toujours au cœur, l’engagement plein et entier pour les idées qu’il défend.
En savoir plus sur Maurin Ollès : www.lacrapule.net
Une table ronde sur l’inclusion des personnes en situation de handicap
L’un des temps forts de Contre Courant a été le débat sur l’inclusion des personnes en situation de handicap. Il s’est déroulé le 17 juillet en présence de trois intervenants : Patrick Stoop, président de la Commission Santé Action sanitaire et sociale, Maurin Ollès, metteur en scène du spectacle sur l’autisme « Vers le spectre », et Georges Nikolaïdis, fondateur de Gradisca, collectif d’artistes valides et « différemment valides ».
Après un rappel par Patrick Stoop de l’importance accordée par la CCAS à cette thématique dans toutes ses activités et des actions qu’elle a mises en place (des séjours pluriels aux aides spécifiques, en passant par le partenariat avec la Fédération française de handisport), Maurin Ollès explique que les difficultés des personnes autistes ont une dimension éminemment politique : à travers ce prisme, il évoque dans le fonctionnement (défaillant) des institutions le travail extraordinaire des éducateurs et de toutes les personnes qui gravitent autour de la personne autiste : famille, enseignants, personnel soignant, qui tous se débattent avec les lourdeurs d’un système déshumanisé et déshumanisant.
Georges Nikolaïdis préfère parler d’ »obligation éthique, politique et sociale » plutôt que de « problématique » de l’inclusion. Et affirme : « Travailler avec des personnes atypiques pousse à l’innovation et au dépassement de soi. » En évoquant l’histoire de Jean-Pierre Dussert, pianiste virtuose autiste et membre de Gradisca, il martèle la nécessité de l’engagement de chacun : « L’inclusion des personnes différemment valides est une question de volonté politique, de la part des pouvoirs publics mais aussi de la vôtre. N’attendez pas d’être concerné par l’accident d’un proche pour militer en faveur de l’inclusivité. »
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