Après sept semaines de grève d’une partie du personnel, la direction d’EDF Guyane s’est engagée à assurer les moyens humains nécessaires à la mission de service public des agents. Entretien avec Davy Rimane, secrétaire général de l’UTG Éclairage, le principal syndical guyanais de l’électricité.
Secrétaire général de l’Union des travailleurs guyanais – Section éclairage, Davy Rimane est également porte-parole du collectif Pou Lagwiyann dékolé (en français : Pour une Guyane qui décolle), fer de lance du mouvement social guyanais. Il y a un mois, à l’issue d’une mobilisation d’une ampleur inédite, il a signé, au nom de ce collectif, un accord historique avec l’Etat et la Collectivité territoriale de Guyane.
Le 21 avril dernier, vous avez signé un accord avec l’État à hauteur de 3,2 milliards d’euros. Est-ce une victoire historique pour les Guyanais ?
Le mouvement est historique, c’est indéniable, et cet accord est une réussite. C’est un premier pas vers une évolution positive de la situation de la Guyane. Mais il ne règle pas les problèmes profonds de la Guyane.
Après sept semaines de grève, vous avez également arraché à la direction d’EDF Guyane des concessions importantes en faveur des agents.
Oui. Nous allons tout revoir : l’organisation, le fonctionnement et les effectifs, à la fois sur le littoral et dans les communes de l’intérieur [communes situées en forêt amazonienne, ndlr]. Nous avons revu la prise en charge de la formation professionnelle et les parcours professionnels pour que les salariés locaux puissent avoir accès aux postes d’encadrement. Nous nous sommes aussi mis d’accord sur des investissements pour les cinq prochaines années en termes de moyens humains et matériels afin d’améliorer l’accès à l’énergie. Nous avons demandé à mettre fin au plafond de verre en matière d’effectifs.
Qu’entendez-vous par « plafond de verre » ?
Quand le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a annoncé son plan d’austérité et de réduction des effectifs, la Guyane n’a pas été épargnée. Tous les projets initiés se sont retrouvés contraints par cette austérité imposée au niveau national. Quand on connaît le taux de chômage en Guyane – 24% officiellement mais en réalité pratiquement 40% -, on ne peut pas accepter de perdre des emplois. C’était l’un des points de blocage majeurs du conflit.
Vous souhaitez que la Guyane puisse bénéficier d’un traitement de faveur ?
Les électriciens guyanais n’ont pas à subir l’austérité qui est une conséquence des décisions d’investissement d’EDF, notamment la décision de mettre en œuvre le projet Hinkley Point. La réalité guyanaise n’est pas celle de la Corse ni celle de la région Paca. Nous avons un retard structurel de plusieurs décennies et un besoin en énergies qui croît d’année en année. Près de 40 000 Guyanais n’ont pas à accès à l’énergie (sur une population totale de 260 000 habitants, ndlr). Nous devons à la fois rénover notre réseau de transport et de distribution et investir dans des lignes nouvelles.
L’accès à l’électricité est un serpent de mer en Guyane.
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) signée il y a deux mois par l’ex-ministre de l’Énergie Ségolène Royal peut-elle régler ce problème ?
Cette nouvelle PPE ne nous rassure pas du tout. Elle ne prévoit rien de vraiment concret. Elle ne prévoit pas d’interconnexions et ne détaille pas les étapes des grands chantiers. Bref, tout reste très flou. Le dernier rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) parle beaucoup de la biomasse mais laisse de nombreuses questions sans réponse. En particulier : comment va-t-on développer la biomasse ? Il y a beaucoup d’opportunités énergétiques en Guyane : hydroélectricité, solaire, courants marins… Mais il n’y a pas eu de débat sur ces questions-là.
La loi sur la transition énergétique vise l’indépendance énergétique pour les territoires d’outre-mer d’ici à 2030. N’est-ce pas illusoire quand on sait que la Guyane importe aujourd’hui près de 80 % de ses ressources énergétiques ?
Totalement. Avant de parler d’indépendance énergétique, on devrait peut-être parler d’indépendance alimentaire. Le carburant qu’on consomme ici est importé. Certes, aujourd’hui 60 à 65 % de notre consommation électrique est d’origine renouvelable (hydraulique, solaire, biomasse). Mais vouloir passer à 100 % en 2030, c’est un leurre total.
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