Pendant sept mois, trois journalistes ont documenté la vie des Enfants du Marais : 250 exilés, dont 80 enfants, qui ont investi une friche industrielle à l’abandon, avant d’en être expulsés en octobre 2019. ©Les enfants du Marais/Facebook
Projeté au dernier festival Visions Sociales, le documentaire « Les Enfants du Marais » pose un regard à la fois sobre et sombre sur le quotidien de migrants logés au sein d’un squat autogéré à Caen, dans d’anciens locaux d’EDF-GDF abandonnés. À voir jusqu’au 31 décembre sur la Médiathèque, en accès libre.
Centre-ville de Caen, 2019. Dans des bureaux abandonnés, propriété d’Engie, c’est l’effervescence. Au sein de ces 32 000 m2, quelque 250 migrants de toutes nationalités ont trouvé refuge depuis un an, transformant le lieu en une véritable tour de Babel. Un lieu de vie singulier, bouillonnant et en totale autogestion. Avec ses règles strictes d’hygiène, ses moments de partage, de joie et de respect, mais aussi parfois de violence.
Dans deux mois, ce sera la fin de la vie en commun pour ces déracinés, épris de justice et de reconnaissance. L’expulsion ordonnée par la préfecture sonne le glas de l’expérience pour Nafissat, Rudina, Puja, Salman et Myriam, « indésirables » au cœur de cette France qu’ils arpentent, pour la plupart, depuis des années.
Voir sur la médiathèque (accès libre)
En posant leur caméra et leur regard à l’intérieur (et à l’extérieur) du squat, les trois réalisateurs nous guident dans une immersion, sans misérabilisme ni parti pris. « Nous n’avons voulu entrer dans aucune considération politique ni adopter aucune posture militante. Notre but était juste de montrer le quotidien de ce lieu à travers l’histoire de quatre familles, avec leurs craintes, leurs espoirs et leurs galères, en leur donnant la parole », explique Raphaële Taquard, coréalisatrice du film.
« Utopie concrète »
Le film, tourné par trois journalistes locaux indépendants grâce au financement participatif, témoigne de l’ »utopie concrète » construite par ces 250 habitants : « Le Marais aura existé un an et demi, racontent les auteurs, mais tout ce qui a été construit restera gravé dans les esprits de ces habitants et militants, qui forment désormais la grande famille des enfants du Marais. »
Authentique et forcément touchant, le documentaire aborde la condition et la dignité de ces migrants, condamnés à l’errance depuis leur arrivée en France. Là, dans cet abri de fortune et d’infortune, véritable microsociété, les adultes tiraillés entre espoir, fatalité et un profond désir d’exister veillent à ne pas trop annihiler l’insouciance des enfants, qui dansent ou jouent au foot.
« Le 22 octobre 2019, Raid, gendarmes et CRS évacuent le squat du Marais alors qu’il fait encore nuit à Caen, en seulement deux heures. Ces murs résonnent encore des rires des enfants et des familles qui y ont vécu. » ©Les Enfants du Marais/KissKissBankBank
Là, dans des pièces exiguës, souvent séparées de façon rudimentaire, se cachent des histoires d’hommes et de femmes abîmés par des nuits d’autrefois, passées dans des garages ou des voitures, mais qui restent tellement déterminés.
« Les Enfants du Marais », ce sont des tranches de vie captées : celles de personnes à la foi inébranlable qui luttent pour ne plus être invisibles. Pour survivre. Pour ne plus avoir honte, à l’instar de Myriam, lycéenne d’origine nigériane, « qui ne dit rien au lycée » de sa condition, qui tait ses angoisses pour mieux étudier et se sentir libre. Pour entrevoir un avenir meilleur, tel Salman, jeune Tchétchène et coiffeur improvisé pour ses compagnons, ou telle Nafissat, soudée à son fils, qui est sur le chemin de l’émancipation… en attendant la fatalité de l’expulsion.
« Les Enfants du Marais », c’est tout ça. Un documentaire utile à voir, en accès libre sur la Médiathèque des Activités Sociales jusqu’à la fin du mois.
À voir
« Les Enfants du Marais »,
de Quentin Cezard, Raphaële Taquard et Thomas Gathy, 2021, 52 min.
« En avril 2018, sur proposition de syndicalistes de la CGT Enedis, le collectif « L’AG de lutte contre toute les expulsions » et des militants décident de s’approprier […] d’anciens bureaux d’EDF-GDF à l’abandon qui pourraient bien attirer l’œil de promoteurs immobiliers. 250 migrants, dont 80 enfants, s’installent dans ces locaux vides. Le squat du Marais vient de naître. »
À voir sur la Médiathèque des Activités Sociales jusqu’au 31 décembre.
Voir sur la médiathèque (accès libre)
Tags: Cinéma Réfugiés Visions sociales
