Alors que battait le cœur des Ardennes avec la 21e édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, le site Enedis de Charleville-Mézières accueillait le temps d’un week-end deux spectacles. Soit six représentations ouvertes à tous les publics, résultat d’un partenariat tripartite avec la CMCAS Ardennes Aube Marne et le festival.
Charleville-Mézières a retrouvé, du 17 au 26 septembre, son Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes. Pour son soixantième anniversaire, 104 spectacles venus de seize pays, 162 compagnies et plus de 150 000 visiteurs ont foulé les pavés de la vieille ville ou rempli les salles du in et du off.
Particularité de la tenue de cet événement cher au cœur des Ardennais : les deux tiers des artistes sont logés habituellement chez l’habitant. Comme les autres Carolomacériens, les agents sont nombreux (voir encadré ci-dessous) à accueillir chez eux des troupes de théâtre, parfois durant plus d’un mois, répétitions et installations obligent. « C’est une tradition, souligne Gilbert Vannet, président de la CMCAS Ardennes Aube Marne : on ouvre nos portes. »
Ancré dans la tradition locale, le site Enedis a ouvert ses grilles, à quelques encablures de la célèbre place Ducale, tout près de la Meuse, les 25 et 26 septembre. Sous un soleil éblouissant, une vingtaine d’agent.es bénévoles se sont relayés pour accueillir quelque 400 spectateurs de tous âges durant deux jours.
De gauche à droite : Stéphane Allain, directeur territorial du site Enedis Ardennes ; Alexis Robinet, agent technicien intervention Enedis et bénévole sur le festival ; Thomas Zanelli, président de la SLVIE Ardennes Sud. ©Julien Millet/CCAS
Tee-shirt de la SVie Ardennes sud sur le dos et large sourire aux lèvres, Stéphane Allain, directeur territorial du site Enedis où travaille une centaine d’agents, est venu prêter main forte à l’équipe de bénévoles postée à l’entrée du site. « De nombreux salariés d’Enedis sont investis dans le domaine associatif sportif ou culturel du territoire, explique-t-il. C’est donc avec un très grand plaisir que l’entreprise essaie de les soutenir et d’être présent, autour de ce qui contribue à maintenir et créer du lien social. À l’approche des deux grands festivals de la région, il aurait été dommage de ne pas en profiter. Il nous fallait une jauge de huit bénévoles pour que ça fonctionne et il y en a une vingtaine : c’est un vrai bonheur ! » À l’image d’Alexis Robinet, 25 ans, agent technicien intervention, « venu pour faire perdurer les Activités Sociales. Mais aussi pour le plaisir d’être là, aujourd’hui, avec les autres. Le bénévolat, c’est aussi un plaisir ! »
Culture, travail et lien social
Selon les termes de ce partenariat, l’achat des deux spectacles est revenu à la CMCAS tandis que le festival installait la logistique (sonorisation, gradins…). Entre deux représentations, le président de la CMCAS, Gilbert Vannet, ne cache pas sa satisfaction d’avoir construit ce qu’il considère comme « un partenariat historique à l’heure où les entreprises prennent parfois leurs distances avec les Activités Sociales ». Le festival n’est pas une finalité, nuance-t-il toutefois. « Notre démarche est d’amener la culture sur les lieux du travail. »
Constat partagé par Thomas Zanelli, jeune président de la SLVie Ardennes Sud, particulièrement enthousiaste, à côté de la machine à barbe à papa qui tourne à plein régime : « Après les temps moroses et sclérosants qu’on vient de traverser, on a eu envie de faire bouger les lignes. Dans notre beau territoire des Ardennes, on a la chance d’avoir un festival d’envergure internationale (deux avec le Cabaret Vert !) : on a eu envie de le valoriser à travers les Activités Sociales. Et on a voulu que les spectacles soient ouverts à tous, pas qu’aux agents », précise-t-il.
Au milieu du vaste parking vidé pour l’occasion de ses habituelles voitures bleues, deux petites baraques foraines font face à des gradins en bois. La première est celle de la compagnie Le Pilier des Anges qui nous présente « Les aventures extraordinaires de Oualala », un conte humaniste congolais. L’autre, celle de la « Boucherie Bacul » (compagnie belge Pikz Palace). Dans ce petit commerce itinérant à l’ancienne, au lieu de la viande, le boucher et sa sœur travaillent à partir de… peluches. De la tête de doudou à la cuisse de Barbie, la bouchère propose des mets uniques, nous livrant ses recettes artisanales au passage, tandis que le boucher tape, coupe, triture… des peluches ou des poupées. Les murs carrelés sont maculés de gouttes rouges. « Ce sont des Barbies élevées en plein air, donc elles sont très très fermes », vante la bouchère au public estomaqué. Humour noir et subversif qui régale les enfants et ne laisse aucun adulte indifférent.
Loin des clichés des spectacles autrefois réservés aux enfants, les représentations démontrent à quel point le théâtre de marionnettes contemporain est devenu l’un des plus innovants des arts de la scène. Un art populaire, singulier et pluriel, qui réserve toujours des surprises. Alors qu’elle sillonnait les rues de Charleville ce samedi, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a tenu à rappeler l’importance des rares festivals qui « réconcilient les Français avec une culture dont ils se sentent parfois éloignés ».
Philippe Schindler sait recevoir
Lorrain d’origine, Philippe Schindler est arrivé dans les Ardennes en 1986. Il se souvient d’un accueil chaleureux, immédiat. Il y est resté. Son expérience avec le théâtre de marionnettes remonte aux années 90. « J’emmenais mes enfants, souvent le dimanche, voir des spectacles de rue. Ils adoraient ça et j’ai moi-même découvert la diversité de cet art. » Chargé d’affaires à Enedis, bénévole sur le festival, Philippe est aussi « runner » pour le Cabaret Vert, festival musical éclectique (19 août-26 septembre). Sa mission : véhiculer les artistes des aéroports jusqu’à Charleville-Mézières (et vice versa).
Philippe Schindler, chargé d’affaires à Enedis et bénévole sur le Festival international de théâtre de marionnettes de Charleville-Mézières et au Cabaret vert (photo). ©Julien Millet/CCAS
« Le festival de marionnettes, c’est l’ADN de Charleville », résume-t-il. Raison pour laquelle, à chaque édition, les habitants qui ont de la place chez eux hébergent un artiste, une troupe, un producteur… parfois venus de l’autre bout de la planète. Philippe ouvre ses portes à partir de 2006. « Une artiste sino-américaine, une troupe espagnole, une troupe québécoise… bien sûr on ne communique pas forcément avec tous de la même manière mais, parfois, avoir un échange avec ces artistes s’avère être une expérience d’une richesse inoubliable. Ce qui me plaît dans la marionnette et les formes animées, c’est la manière de raconter des histoires sérieuses en les détournant totalement. Aujourd’hui, ce sont des spectacles très complets, extrêmement variés et innovants : il y a du théâtre, de la danse, du mime, du graphisme, des jeux d’ombres et de lumières, de la musique et des sons, de la contorsion, de l’expression corporelle… Tous les âges y trouvent leur compte. » Avant de formuler un regret : la part du « off » a tendance à diminuer. « Il ne faudrait pas que cette tendance s’accentue au risque pour l’événement de perdre son âme populaire », plaide-t-il.
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