Fruits de leur immersion artistique au cœur des centrales hydrauliques, un film tourné par le vidéaste Shingo Yoshida et une exposition de photographies de Florence Levillain seront dévoilés lors de la prochaine édition du festival Visions Sociales, du 20 au 27 mai. Une manière pour le festival Visions Sociales d’interroger grâce à l’art les enjeux contemporains de l’hydroélectricité.
Au Japon, pays de montagnes par excellence, les barrages sont légion. Ils constituent un paysage familier pour l’artiste vidéaste Shingo Yoshida, qui y a grandi, avant de venir faire ses études en France. Dès lors, quoi de plus naturel que de lui proposer une résidence artistique sur les barrages de la vallée de la Roya ? C’est chose faite grâce au partenariat entre la CMCAS de Nice, la CCAS, le Fond régional d’art contemporain de la région Paca (Frac Sud) et EDF.
Pour sa première fois sur des sites industriels, le vidéaste a cherché à en savoir le plus possible avec une grande curiosité. « Je n’y connaissais absolument rien, il me fallait donc les bombarder de questions sur leur métier, leur façon de travailler, l’utilisation des machines, etc., explique-t-il. Comme le ferait un documentariste, j’ai également récolté le plus d’images possible, sans avoir d’idée précise sur ce que j’en ferais par la suite ». Après trois semaines d’exploration des centrales hydraulique de la vallée accompagné par les hydrauliciens, Shingo Yoshida a monté un film qui sera présenté au festival Visions sociales le vendredi 26 mai à 21 heures.
« Je me suis mise au service des agents, qui m’ont parlé avec amour de leurs installations et de leur métier. »
Florence Levillain, photographe, autrice de l’exposition H2O=W
De son côté, Florence Levillain a voyagé d’un bout à l’autre de la France, de l’Isère (Grand’Maison, Romanche Gavet) à la Haute-Loire (Poutès) en passant par l’Alsace (Kembs) ou encore l’Aveyron (Montézic), à la rencontre des agents travaillant l’eau, dans des usines hydrauliques ou marémotrices. Pour cette habituée du monde du travail (Florence Levillain a traité de secteurs très variés comme la beauté, les Bâtiments et Travaux Publics ou l’industrie), l’hydroélectricité est aussi une véritable découverte : « Je me suis concentrée sur le travail des hommes, l’architecture et l’eau, et me suis mise au service des agents, qui m’ont parlé avec amour de leurs installations et de leur métier. »
La photographe raconte avec une admiration non feinte ses échanges avec les agents qui l’ont accueillie : « j’ai été galvanisée par leur passion pour leur structure et leur travail, avec lesquels ils ont un rapport réellement affectif. Ils en connaissent l’historique (parfois même leur père avait travaillé dans la même centrale), l’architecture, les recoins… Pendant les sessions de prise de vue, ils me racontaient plein de choses ! Et on discutait des heures de comment ça marche, plus qu’ailleurs. Ils en sont fiers, même amoureux ; et ils le peuvent ! » Son exposition, H2O=W, sera présentée au festival dimanche 21 mai à 17 h 30.
Elle raconte également la réciprocité qui a permis à chacun d’apprendre à regarder autrement son environnement : « Les agents sont les mieux placés pour connaître leur outil de travail, je leur ai donc fait confiance. Pour les prises de vue en situation, ils m’ont conseillé certains chantiers à venir (vérifier telle machine, remplacer telle pièce…), des lieux pour leur architecture hors du commun, ou même des endroits qu’ils aimaient, eux. De mon côté, le travail photographique sur la lumière et la perspective leur a permis de découvrir ce qu’ils ont sous les yeux au quotidien, sans le voir. »
« Ils m’ont également ouvert les archives des sites, qui répertorient notamment les différentes catastrophes naturelles qui ont eu lieu et la façon dont les techniciens ont réparé les dégâts », confie Shingo Yoshida, qui a accédé à des endroits inconnus du grand public, comme une grotte située sous l’un des barrages, dans laquelle les agents peuvent mesurer le taux de calcaire et évaluer les risques de fuites.
Nature et industrie : d’un gigantisme à l’autre
Armé de sa caméra et de son appareil photo, Shingo Yoshida a débarqué en mars 2023 pour trois semaines dans les installations hydroélectriques de la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes). Ayant voyagé dans de nombreux pays, l’artiste a l’habitude des espaces naturels dont le gigantisme permet souvent de remettre l’humanité à sa juste place. L’Amazonie, la Sibérie, ou le désert d’Atacama ont fait partie de ses terrains d’explorations, sur lesquels il a observé un mode de vie des populations forcément différent du nôtre.
« J’essaie […] d’observer de quelle façon les installations humaines artificielles s’intègrent ici à la nature. »
Shingo Yoshida, artiste en résidence
Du lundi au vendredi, Shingo Yoshida accompagne ainsi les équipes dans les usines de Saint-Dalmas, Fontan, Breil, Paganin et sur les barrages du lac Fourca, des Mesces, de la Minière et du Lac long supérieur. Le week-end, il se rend dans la Vallée des Merveilles pour faire ses propres recherches artistiques en pleine nature.
Pour sa première fois sur des sites industriels, Shingo Yoshida proposera un film issu de ses repérages, ici à la centrale hydroélectrique de Saint-Dalmas de Tende (Alpes-Maritimes). Œuvres produites dans le cadre d’une résidence co-produite par le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, la CCAS, la CMCAS de Nice et EDF GEH Azur Écrins. ©Shingo Yoshida
Le gigantisme des installations industrielles l’impressionne, mais, sourit-t-il, « ce n’est rien comparé à celui de la nature environnante ». « J’essaie de me placer dans une position ‘neutre’, à égale distance des besoins humains et de la nécessité de la préservation du milieu naturel, et d’observer de quelle façon les installations humaines artificielles s’intègrent ici à la nature ». Pour l’artiste, c’est bien dans ce sens que les choses doivent se dérouler, et non la nature qui doit se soumettre à la volonté de l’homme.
Pour Florence Levillain, « les centrales hydrauliques sont de véritables cathédrales » : celle qui avoue dans un rire « aimer le béton » a retranscrit le gris couleur pierre des usines et des barrages autant que l’immensité lumineuse des écrins de montagne qui les accueille presque naturellement, instaurant un contraste entre un intérieur souvent souterrain, « semblable à la mine », et un extérieur éblouissant. « Ce qui m’a marqué, c’est aussi le peu d’électronique, qui contraste avec la nécessité de canaliser la puissance de l’eau et le fait qu’il s’agit d’une industrie de pointe » : traverser les kilomètres de tunnels, escaliers et portes débouchant sur les machines – turbines, rotors, le tout baignant dans l’huile – donne l’impression d’une « structure très mécanique », que Florence Levillain a figé dans des « visuels très désuets, avec un côté futuriste du passé. »
Résidences artistiques : quand la CCAS soutient la création
L’histoire d’amour et de solidarité entre les Activités Sociales de l’énergie et les artistes se décline aussi via des résidences artistiques, qui permettent aux artistes de créer lors d’un séjour dans un village vacances ou un site de travail, et aux agents et leur famille d’assister aux restitutions et d’échanger avec les artistes, voire de participer à la création de leurs œuvres durant leurs vacances. Visions Sociales et Contre Courant, les deux festivals nationaux de cinéma et de théâtre de la CCAS, sont une occasion supplémentaire de présenter des travaux réalisés dans le cadre de résidence.
En 2022, c’est la plasticienne Gillian Brett qui avait accompagné les agents sur les sites de travail Enedis d’Apt et de Tarascon. A partir de matériaux destinés au rebut récoltés tout au long de ses pérégrinations, elle avait réalisé une étrange fontaine futuriste constituée entre autres de tuyaux, de gaines et d’un compteur Linky. L’œuvre avait été exposée lors du festival Contre courant en Avignon, lors d’une rencontre entre l’artiste et les spectateurs.
Visions sociales : le cinéma qui nous parle autrement
Du 20 au 27 mai 2023 au Château des Mineurs à La Napoule (Alpes-Maritimes), et en ligne du 20 mai au 4 juin 2023 sur la Médiathèque des Activités Sociales.
Visions Sociales est unique en son genre : ce festival construit par les électriciens et gaziers et porté par les Activités Sociales de l’énergie chaque année depuis plus de vingt ans, en marge du Festival de Cannes, donne à voir le septième art autrement.
Comme à chaque édition, le festival accueillera des artistes, réalisateurs et acteurs, pour échanger avec le public après la projection de leur œuvre. Des rencontres avec des professionnels autour des métiers du cinéma sont également au programme.
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Tags: Cinéma CMCAS Nice Exposition Hydraulique Travail Visions sociales