La CMCAS de Picardie présentait « la Voix du rêve » au Festival international du film d’Amiens le 17 novembre dernier. Un documentaire réalisé par l’association Mine de rien, porté par les Activités Sociales, qui relate l’histoire des « Nacht und Nebel », ces résistants déportés au camp de concentration de Natzweiler-Struthof pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour Jean Villeret, 97 ans, rescapé du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, c’est une ovation. Un tonnerre d’applaudissements après la projection du film « la Voix du rêve », diffusé à la Maison de la culture d’Amiens, ce dimanche 17 novembre, dans le cadre du partenariat signé entre les Activités Sociales (CMCAS de Picardie et CCAS) et le Festival international du film d’Amiens (Fifam).
Les bénévoles de l’association Mine de rien à l’initiative de la création de « La Voix du rêve », en compagnie de Pascal Chivet, président de la CMCAS Picardie (à droite) qui a soutenu le projet. ©Eric Raz/CCAS
Un hommage du public qui salue l’héroïsme de sept jeunes résistants déportés au KL Natzweiler-Struthof, les « Nacht und Nebel », qui témoignent dans le film. « La Voix du rêve » était ce chant d’insoumission, d’espoir et de résilience composé par Arthur Poitevin durant sa captivité. « C’était comme une chanson d’amour ; on ferme les yeux, puis on s’évade », indiquent les déportés dans le film. Le chant et le rêve pour s’opposer à la nuit, pour ne pas périr.
Réalisé par l’agent EDF Pascal Crépin, de l’association Mine de rien, le documentaire, qui porte le nom de ce chant, se fait l’écho de ces voix revenues de l’enfer. Les combattants y retracent leurs faits de résistance, expliquant les raisons qui les ont poussés à s’élever contre l’occupant nazi.
Tenir coûte que coûte
Les suppliciés relatent aussi l’horreur de la captivité et de la déportation. Ils renseignent sur les « Nacht und Nebel » (Nuit et brouillard), ces prisonniers politiques déportés au camp de concentration de Natzweiler-Struthof, condamnés d’avance, destinés à disparaître dans la nuit et le brouillard. Eux qui ont sacrifié leur jeunesse pour défendre une certaine idée de la liberté.
« Nous les NN, nous étions des fantômes de l’intérieur », déclare un déporté dans le film. « On était des non-vivants, on n’était rien », précise un autre. Comment survivre à l’ignominie ? Comment dépasser la faim, le froid, la maladie, les molestations, les humiliations quotidiennes ? Comment ne pas sombrer dans l’abîme lorsque l’on est privé de tout, y compris de son identité ? Comment ne pas chavirer lorsque la fin est inscrite d’avance ? Comment garder espoir quand on n’est plus que l’ombre de soi-même ?
« Pourtant, il fallait à tout prix revenir de l’enfer pour témoigner », clament les protagonistes du film. Un devoir pour la mémoire collective. Ils s’en sont fait la promesse, les survivants raconteront… « Vous parlerez, il faut que cela se sache ! » raconte un déporté. Alors, oui, en réchapper relevait du miracle. Mais, quand la vie ne tenait qu’à un fil que les prisonniers s’acharnaient à maintenir coûte que coûte, comment rester debout ? « En étant solidaire », rétorquent les rescapés. « Les copains se sont privés pour que je vive, pour que je puisse rentrer », témoigne un déporté dans « la Voix du rêve ».
Maxime, 15 ans, en est resté impressionné. « Des déportés donnaient, sur leur maigre ration de pain, un petit bout pour sauver un camarade. Comment donner un petit bout quand on n’a déjà pas assez pour soi ? Ce sont des exemples », commente l’ado. Sa sœur de 13 ans, Lilas, elle aussi a bien aimé le film bien que « certaines images étaient très dures ». « Ça m’a fait comprendre comment ça se passait dans les camps, comment les prisonniers étaient traités », souligne-t-elle.
Avec Annabella, leur maman, les deux enfants sont allés voir Jean Villeret. « Moi, je n’ai rien dit, j’ai juste écouté, confie la fillette, intimidée par les propos du vieux monsieur, mais j’ai compris que ça pouvait revenir. » « Le film est intéressant par rapport à notre programme d’histoire de terminale. On en apprend plus. C’est une chance de pouvoir entendre les témoignages des survivants. C’était poignant », confirme Elisa, élève de terminale. « C’est tellement horrible qu’on a du mal à croire que cela a pu exister. Raconter par les survivants, avec des descriptions précises, on se rend mieux compte des choses, ajoute Louise, sa copine. C’est touchant. »
De précieuses paroles pour ne pas oublier
Jean Villeret a consacré sa vie à témoigner et transmettre l’histoire de la déportation au KL Natzweiler-Struthof. Il a reçu les Palmes académiques de l’Education nationale en 2019 pour son engagement auprès de la jeunesse. ©Eric Raz/CCAS
Raconter inlassablement l’insoutenable réalité des camps auprès des plus jeunes pour éviter que le pire revienne, Jean Villeret y a consacré sa vie. En 2019, il a reçu de l’académie de Créteil-Paris-Versailles les palmes académiques au grade de commandeur, pour son travail pédagogique effectué auprès des enfants dans les écoles, collèges et lycées. Au Fifam, le grand monsieur, infatigable narrateur, tient particulièrement à s’adresser aux jeunes, leur délivrant un message de paix et d’amour. « La valeur d’un être humain n’a pas de prix. Le principal est de s’aimer. C’est l’amitié entre les peuples qui pourra sauver le monde. Chacun a sa place sur terre, lance-t-il au public. Étudiez bien, soyez vigilants. Moi, j’ai eu de la chance ! »
Projeter « la Voix du rêve » au Fifam est « une occasion inespérée d’offrir au documentaire une nouvelle vie, une nouvelle voie », note Pascal Chivet, président de la CMCAS de Picardie. Le documentaire soutenu par la CMCAS, la CCAS et l’Institut d’histoire sociale Mines-Énergie a une vocation historique, éducative et mémorielle. « C’est un film de référence pour la mémoire collective, qui porte nos valeurs mais donne aussi des clés de lecture et de compréhension aux spectateurs sur cette période de notre histoire », ajoute le président de la CMCAS.
Pour Éric Alexandre, ancien proviseur du lycée Madeleine Michelis d’Amiens, à l’origine de la rencontre entre ses élèves et Jean Villeret : « C’est l’éducation, la culture et le développement de l’esprit critique qui peuvent faire barrage à l’ignominie. » Il faut essayer de se respecter et vivre en solidarité avec l’autre car, comme l’écrivait Louis Aragon, « Rien n’est précaire comme vivre / Rien comme être n’est passager. »