Attiré depuis toujours par le dessin, Gérard Martin découvre le carnet de voyage en 2006, à la Biennale de Clermont-Ferrand. Libéré de toute activité professionnelle en 2009, l’agent IEG (CMCAS Dauphiné Pays de Rhône) s’y consacre complètement depuis.
Sur la table, des dizaines de carnets : petits ou grands, de facture modeste ou plus sophistiquée, certains travaillés en accordéon. D’autres encore, plus élaborés sur des supports inattendus… Gérard Martin, 67 ans, les feuillette avec délicatesse. Il effleure les pages une à une, comme une caresse fugace. Chacun de ses carnets de voyage lui rappelle un souvenir bien précis. Heureux souvent. Celui de moments partagés avec d’autres passionnés qui s’essayaient au dessin sur carnet, ou étaient déjà des carnettistes confirmés.
Car le carnet de voyage témoigne toujours d’une rencontre, avec un lieu, des gens… « Ce qui m’importe en dessinant, c’est à la fois de trouver la vérité du sujet et tenter de l’exprimer librement, assure Gérard. J’aime faire ce que je veux, même si de nouvelles contraintes ajoutent du piment au dessin. » Bien sûr, il y a une dimension narrative. « On raconte son histoire. J’interprète ce que je vois et j’ai grand plaisir à transformer cette réalité », explique le carnettiste.
À chaque carnet, une rencontre
Variété des thèmes, multiplicité des sujets, diversité des techniques et des supports, jusqu’aux plus invraisemblables, le carnet de voyage offre une très grande liberté d’expression et de conception. L’imagination et l’inventivité y sont de mise. C’est en 2006 que l’agent, alors chef de projet culturel et responsable d’événements culturels à la CCAS, commence à s’intéresser à ce qui va devenir son violon d’Ingres, en lisant un article de « Libération » consacré à la Biennale du carnet de voyage. Désormais connu comme Le Rendez-vous du carnet de voyage, ce festival se déroule en novembre chaque année depuis près de vingt ans à Clermont-Ferrand.
Sa curiosité piquée au vif, Gérard se rend au festival – à l’époque il habite en région parisienne. C’est une révélation ! L’homme tombe sous le charme de cette forme artistique particulière.
Trois ans plus tard, en 2009, l’heure de la retraite ayant sonné, Gérard peut s’adonner pleinement à son passe-temps favori. Dès le mois de juin, il participe à un stage animé par la peintre carnettiste Cécile Alma Filliette, à Niolon, près de Marseille, et réalise son premier carnet de voyage. Il en gardera un souvenir enchanté.
L’artiste le redécouvre avec un regard attendri et une émotion contenue ; un peu comme l’on regarde la photo jaunie d’un amour de jeunesse. « J’avais du mal avec les paysages et les personnages mais je me hasarde quand même à dessiner », commente-t-il.
À partir de ce moment-là, Gégé, surnom que lui a donné son petit-fils et avec lequel il signe ses œuvres, n’a cessé de dessiner. « Ça me fait un bien fou », confie-t-il. Accro, il enchaîne les stages où il apprend à croquer in situ, à aiguiser son regard, à se familiariser avec les procédés. L’artiste ose de nouvelles techniques, laisse vagabonder son imaginaire et libère sa créativité.
Des voyages à croquer
Au fil du temps, son trait évolue, son style se révèle. « Mes dessins restent d’une grande naïveté poétique selon Simon, même s’ils sont plus élaborés aujourd’hui », note Gérard. Jean-Yves Simon, dit Simon, écrivain voyageur, peintre carnettiste, est devenu « son maître de dessin et ami ». L’agent a suivi plusieurs stages proposés par Simon, « et toujours avec enchantement ». En dix ans, Gérard Martin a noirci plusieurs dizaines de carnets !
Il expose pour la première fois 60 de ses carnets, au Rendez-vous du carnet de voyage de Clermont-Ferrand en novembre 2018. Une production féconde. « Tout est sujet de dessin. Et tout m’intéresse ! » justifie-t-il. Et en premier lieu, les voyages organisés avec d’autres carnettistes : la Chine, le Portugal, le Cambodge.
Gérard apprécie beaucoup ces voyages dessinés qui lui procurent tout ce qu’il affectionne : le plaisir de la découverte d’une culture et d’un pays, le partage avec un groupe, l’ouverture au monde et à l’autre. Et lorsqu’une phlébite le prive de ces pérégrinations, comme en janvier 2018 où il s’apprêtait à partir au Laos, Gérard dessine son « carnet imaginaire du Laos » depuis chez lui, à partir des photos envoyées par ses amis artistes. Une façon d’être là-bas avec eux. Malgré une maladie neurologique qui entrave peu à peu ses déplacements, Gérard continue de croquer le monde. Dessiner, n’est-ce pas voyager un peu ? « Je ne m’ennuie jamais car j’ai toujours un carnet de croquis et des crayons avec moi, affirme-t-il. Et puis très franchement, ça va tout seul. Je n’ai qu’à laisser aller mon imaginaire. »
Bio express
3 février 1952 : naissance à Jarville-la-Malgrange (Meurthe-et-Moselle).
1972 à 1978 : animateur socioculturel dans le milieu associatif, en MJC et dans les cités d’urgence.
Février 1979 : entre à l’Institut de formation, de recherche et de promotion (Iforep) en tant que formateur dans le socioéducatif (Bafa, BAFD : brevets d’animateur et de directeur de colonies de vacances), et dans des stages autour de l’expression écrite et orale et autour de la communication. La culture générale, la dimension culturelle de la formation professionnelle et la médiation culturelle entre les artistes et le public constituent le socle sur lequel s’est forgée son activité professionnelle. Il termine sa carrière à la CCAS en 2010 comme chef de projet sur les Rencontres régionales du handicap et les Rimes (Rencontres de l’image et du multimédia).
2009 : premier carnet de voyage.
Novembre 2018 : première exposition au Rendez-vous du carnet de voyage de Clermont-Ferrand.
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