L’histoire des industries gazières se divise en deux périodes : celle du gaz manufacturé, qui s’étend du début du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale ; et celle du gaz naturel, dans laquelle nous vivons toujours. Avec des conditions de travail très différentes dans chacune.
Le gaz manufacturé est produit par distillation de houille, de bois ou d’huile. La technique apparaît à la fin du XVIIIe siècle et prend toute son ampleur durant la Révolution industrielle, au siècle suivant. Ce nouveau combustible permet d’abord l’invention d’un éclairage urbain efficace et lumineux. Introduit dans les foyers, il va aussi servir pour la cuisine et parfois pour chauffer l’eau.
Mais, s’il est un symbole de modernité, le gaz de ville est produit dans des conditions extrêmement difficiles. Dans les « usines à gaz », qui se multiplient dans toutes les villes, et leurs gigantesques gazomètres destinés au stockage, le travail est aussi épuisant que dangereux, digne d’un « Germinal dans la capitale », selon l’expression de l’historien Stéphane Sirot. Il faut pelleter des tonnes de charbon pour alimenter les cornues de distillation, en travaillant dans la chaleur et les émanations toxiques. « Gazier est un métier qui tue », relève dans les années 1920 le syndicaliste gazier Auguste Lemasson.
Le gaz naturel est, quant à lui, extrait du sous-sol. La technique se développe en France à partir de la découverte du premier gisement, à Saint-Marcet (Haute-Garonne) en 1939. Il est plus calorifique et moins dangereux à utiliser que le gaz manufacturé (lequel a été peu à peu détrôné par l’électricité pour l’éclairage). C’est pourquoi son usage se développe rapidement après la Seconde Guerre mondiale.
En France, la transition entre les deux produits coïncide avec la nationalisation de 1946 et la naissance de Gaz de France. L’entreprise publique va consacrer les premières décennies de son activité à démanteler progressivement les installations, souvent obsolètes, des anciennes sociétés privées pour organiser la transition vers le gaz naturel.
Les effectifs s’en ressentent, qui passent de 40 424 agents à la nationalisation à moins de 30 000 en 1960 (pour rester ensuite à peu près stables), mais sans drame social grâce à une politique active de reclassement.
Après la nationalisation, une main d’œuvre plus qualifiée
Les conditions de travail des gaziers s’améliorent. Les entreprises emploient une main-d’œuvre moins nombreuse, mais plus qualifiée. À la nationalisation, 77 % des salariés étaient agents d’exécution. En 1985, ils ne sont plus que 41 % (46 % d’agents de maîtrise, 13 % de cadres). Comme l’écrivent Alain Beltran et Jean-Pierre Williot dans « Le Noir et le Bleu », livre de référence sur l’histoire de GDF, publié en 1998, « en quarante ans, le métier de gazier a complètement transformé ses pratiques et son image. Il n’y a plus rien de comparable entre le chauffeur des fours des années 1940 et l’agent opérationnel d’un stockage souterrain ».
Autre mutation importante du métier : la place croissante prise par la dimension commerciale à partir des années 1960. GDF ne produit plus de gaz, mais en importe et le distribue. L’entreprise construit ainsi de vastes réseaux de transport, d’abord dans le Sud-Ouest, reliant notamment les gisements de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) à Bordeaux et Toulouse, puis dans tout le pays, et équipe des terminaux portuaires accueillant les méthaniers.
GDF se charge aussi de négocier des contrats d’importation à long terme, ainsi que du stockage souterrain dans le cadre d’une politique de sécurisation des approvisionnements énergétiques français.
Aujourd’hui, l’essor de la production de biogaz, notamment à partir de déchets urbains ou agricoles, permet de relancer des activités de production gazière sur le territoire national. À l’heure où il est impératif de lutter contre le réchauffement climatique, l’industrie gazière s’apprête à connaître une nouvelle époque : reste à savoir quelles en seront les conséquences sur les conditions de travail des salariés.
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