Pour sa 5e édition, le festival 100 % maison et 100 % provençal continue de démontrer que les idées, les bras et l’envie de se rassembler des agents des Industries électriques et gazières peuvent donner vie aux projets les plus fous… Reportage déconfiné à Signes (Var), le 26 juin dernier.
Monté en seulement quatre mois, malgré les incertitudes liées au Covid, la 5e édition du Oaï des Suds a offert le premier festival 100 % « fait maison » post-confinement aux agents de la région PACA et à leur famille, régalant les festivaliers des premiers concerts en plein air de la saison. Au programme : les joyeux drilles de la fanfare marseillaise la Banda du Dock, les sonorités rock ou reggae de groupes locaux montés par des agents ou leurs enfants (Mim’n Co, Natty Crew…), la « pool party » mousseuse de DJ Ju alias Julien Bracard, conseiller clientèle à EDF Commerce, et, en tête d’affiche, les monstres sacrément occitans de Massilia Sound System.
Pour cette 5e édition, 700 à 800 bénéficiaires étaient attendus dans le week-end, qui s’annonçait – et a été – effectivement très chaud ; et les 30 hectares du site de Signes-Chibron, colo CCAS qui accueille les évènements régionaux depuis 40 ans, étaient aménagés par les bâtisseurs pour les accueillir comme il se doit.
Côté familles, Lo Oaï des Minots promettait une foule d’animations aux enfants, pour la deuxième année : jeux gonflables, maquillage, karting, jeux, graff… Un vrai régal pour les enfants et leurs parents.
Et tout a commencé en « donnant la main »
Mais comment en est-on arrivés là ?
À l’origine, il y a eu cette idée un peu folle de deux jeunes techniciens de la CMCAS Marseille, nous confie l’un d’entre eux : « le message et le but du Oaï des Suds, explique fièrement Julien Delors, technicien à Enedis et trésorier de la CMCAS Marseille, c’est que chaque personne qui a une idée et qui s’y accroche avec courage, pourra la réaliser avec les Activités Sociales. On peut tout construire, dans le sens du vivre ensemble et du partage. Lo Oaï, c’est que de l’amour ! »
C’est avec son ami Alain Fanguin, technicien réseau aujourd’hui président de la CMCAS Marseille, que Julien Delors avait à l’époque eu l’idée de ce festival. « La nécessité d’un événement régional rassemblant les jeunes agents a émergé en 2010, confie Alain Fanguin, à l’époque président de la Commission activités culturelles, lorsqu’on ne savait pas si l’on pourrait encore compter sur notre festival national de Soulac très longtemps ».
Depuis la première édition du Oaï des Suds en 2013, le festival n’a fait que grandir, et rassembler toujours plus d’agents des CMCAS Marseille, Toulon, Nice, Gap-Alpes-du-Sud et Avignon.
Sébastien Gonçalvès, technicien réseau à la base opérationnelle d’Aix-en-Provence et président de la Commission jeunes de la CMCAS Marseille, a connu le premier Oaï lors de son embauche à Enedis en 2013. Il a tout de suite « donné la main » et n’a « jamais lâché ». Aujourd’hui, il prend la relève de l’organisation du Oaï : préparer les demandes à la gendarmerie, aux pompiers, à la préfecture, gérer les prestataires, trouver des équipes de bâtisseurs… « Et aussi, bien sûr, avoir des idées ! » confie le jeune homme en milieu de journée, talkie-walkie à la main, entre jubilation et épuisement.
« Donner la main » : l’expression revient sans cesse parmi les bâtisseurs. Peggy Flinck, chargée de projet à Hyères, a toujours « donné la main », mais porte pour la première fois le T-shirt de bâtisseuse : « c’est une reconnaissance de l’aide apportée » témoigne la jeune femme, avec une fierté mêlée de timidité.
À midi, on est d’abord étonné de sentir la délicate odeur… du boudin blanc made in Champagne-Ardenne, avant de rencontrer les quatre agents de la CMCAS Ardennes Aube Marne venus prêter main forte ce week-end. Une fraternité née du voisinage du stand de leur CMCAS avec la « place des Suds » au Festival d’Énergies, et dont la prochaine étape est d’organiser un pont inter-SLVie lors du Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières en septembre, explique Thomas Zanelli, technicien réseau et président de la SLVie Ardennes-Sud, fervent bâtisseur de Soulac et du Oaï des Suds.
Quand une colo 15-17 ans vient s’enjailler au festival
Fraîchement débarqués de l’île de Porquerolles, qu’ils ont parcouru à vélo (électrique) la veille, sept ados de 15 à 17 ans ont décidé de terminer en beauté leur mini-séjour 100 % fait maison par une virée au Oaï des Suds.
Organisée en seulement deux mois, la colo « Construis ton séjour » combine deux nouveautés pour les sept ados participants : partir en colo avant les vacances d’été, et construire leur séjour de A à Z en se concertant… sur l’application de messagerie instantanée WhatsApp.
Cassandre, Léo, Ayoub, Antoine, Cassandra, Mélissa et Garance ont donc décidé du programme de leur colo ensemble, jour par jour, avant de se rencontrer IRL (« In Real Life », c’est-à-dire en vrai), le 23 juin, direction le village vacances du Brusc où ils logent.
Étendu sur 30 hectares, le site de Signes accueille des colos depuis 40 ans, mais aussi les fêtes des CMCAS Marseille et Toulon, ou encore les participants au Bol d’Or. Une fois le festival démonté, 13 séjours jeunes s’y dérouleront cet été. ©Eric Raz/CCAS
Piscine, plage, restaurant, visite de Porquerolles, sortie en voilier (annulée faute d’une météo favorable), soirée Euro 2021, repas asiatique fait maison… « On s’est fait des journées de fou ! » confie Aurore Ladame, directrice de colo aguerrie qui expérimente avec ses deux animateurs, Walid et Adrien, cette nouvelle formule de mini-séjours. Une vidéo souvenir détaillera le programme.
Au Oaï des Suds, les colos ne sont jamais très loin. Sur scène pour la première fois avec ses six comparses de Natty Crew, groupe de reggae roots originaire de Martigues, Valentin Rousset, 26 ans, a passé son Bafa dès 17 ans avec la CCAS, et y a encadré quelques colos. « J’ai fait toutes mes colos à la CCAS depuis mes 5 ans, et voir les animateurs passionnés m’a donné envie de transmettre et partager en retour » raconte ce fils et petit-fils d’agents syndicalistes.
Valentin a ensuite travaillé comme éducateur spécialisé à Aubagne dans un foyer d’enfants placés, avant de retourner vers la musique et le chant. « Trop prenant émotionnellement, et aucune reconnaissance… »
Ce qu’il voit ici, au Oaï des Suds où il a rencontré le guitariste de son ancien groupe, et où il a déjà joué sur scène, le jeune homme ne pourrait pas s’en passer : « J’ai envie que ce soit partout pareil ! » confie-t-il.
« Ce festival, c’est aussi un outil de lutte »
Derrière le bar, on croise un joyeux binôme de bâtisseurs : Pamela Ponsart et Bastien Giusti, tous deux techniciens chimistes à la centrale thermique de Provence, à Gardanne. Avec « vingt-et-un ans de boite » derrière eux, ils sont complices au travail comme dans leurs engagements militants : elle est membre du CSE et conseillère d’opposition ; lui est président de la Commission contenu des activités de la CMCAS Marseille.
Ce 26 juin, cela fait dix jours que le plan social prévoyant la suppression de 98 postes à Gardanne a été suspendu par le tribunal administratif, et reporté au 12 juillet. Pour sauver leur emploi, menacé par la fermeture anticipée de l’unité charbon de la centrale par Gazel Énergie (dont l’industriel tchèque Daniel Kretinsky est propriétaire), les salariés sont en grève depuis décembre 2018 et portent un projet industriel de reconversion associant l’extension de la tranche biomasse, le développement d’un réseau de chaleur et la valorisation des déchets.
« On y croit, c’est un projet solide », témoigne Pamela. Les agents en lutte se sont même constitués en association de préfiguration en vue de créer une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). Bien leur en a pris, puisque le 15 juillet dernier, le groupe Gazel Energie annonçait le lancement d’une première étape de redémarrage de la centrale biomasse de Gardanne, après plus de deux ans d’arrêt…
Dans les Activités Sociales, les luttes ne sont jamais loin de la fête : ici, les travailleurs de la centrale thermique de Gardanne (dont deux sont bâtisseurs : Pamela Ponsart et Bastien Giusti, techniciens chimistes) sensibilisent les collègues à leur combat au travers d’une exposition. Ce 26 juin 2021, cela fait dix jours que le plan social prévoyant la suppression de 98 postes à Gardanne a été suspendu par le tribunal administratif et reporté au 12 juillet 2021. ©Eric Raz/CCAS
Dans la torpeur de l’après-midi, au rythme de la sono et des cris enjoués des enfants, de grandes tablées discutent, échangent, débattent et disputent… L’oreille distraite entendra fuser, entre les lignes, tout l’enjeu de ce festival comme d’autres activités de CMCAS : « Ici, tout le monde se tutoie, c’est le cas en vacances, dans les SLVie et les fêtes de CMCAS, partout où on recrée de la convivialité entre agents… et partout où les employeurs nous retirent cette convivialité. »
Avant la tombée de la nuit, le festival s’enflamme au son de Massilia Sound System, qui entame « Vive la solidarité », rappelant que la solidarité c’est « de ne pas laisser tomber les autres et d’aller tous ensemble au combat ».
La preuve par le Oaï, et ses échanges fourmillants entre agents d’entreprises et de régions différentes, et au-delà, au travers des amis invités et des conjoints, avec des travailleurs et travailleuses d’autres entreprises. « Ce festival, c’est aussi un outil de lutte » confirme Alain Fanguin.
La Banda des Docks, compagnon de route des Activités Sociales, enflamment le public au son de son orchestre festif et engagé.
« Plaisir » était bien, en cette fin juin déconfinée, le maître mot du Oaï des Suds : ce même plaisir « non essentiel » pour qui cherche la rentabilité, fondamental pour qui cherche à s’enrichir de bien plus que d’argent.
En ce dernier week-end de juin, plaisir rimait avec satisfaction (d’avoir travaillé dur pour bâtir un festival 100 % réussi), jubilation (de profiter d’un des premiers concerts en plein air post-confinement en famille ou entres amis), fierté (de voir grandir un projet parti d’une simple idée), et bonheur, tout simplement, de se retrouver.
Si comme l’écrit Marcel Proust, « on est impuissant à trouver du plaisir quand on se contente de le chercher », alors les bâtisseurs du Oaï des Suds et des Activités Sociales ont démontré encore une fois que ce plaisir d’être, de faire et de lutter ensemble, il suffit de le construire.
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