Depuis le printemps dernier, les lettres d’huissier pleuvent sur les collègues locataires du parc GGF (Gérance générale foncière) de la région parisienne, qui leur annoncent des augmentations de loyer de 60 %. Un dossier brûlant pour EDF, maison mère de GGF…
Il y a une vingtaine d’années, EDF se lance à Paris et en région parisienne dans la construction de logements de type intermédiaire, par le biais de Sofilo puis du bailleur GGF, ses filiales à 100%, afin de bâtir une offre d’habitations à loyers modérés en direction d’agents dont les ressources dépassent les plafonds de ressources éligibles aux loyers PLA (prêt locatif aidé, désormais Plus, prêt locatif à usage social).
Mais, depuis le mois de mars, des dizaines de ces locataires se voient sommer par huissier d’accepter, dans les six mois précédant l’échéance de leur bail de six ans, les nouvelles conditions de location. Celles-ci prévoient une augmentation de leur loyer de 60 % étalée sur les six prochaines années. Un coup de tonnerre, qui menace plus de 400 familles locataires de quelque 17 résidences situées à Paris et dans sa région. Comme le feu gagne la plaine, les lettres d’huissier se multiplient.
Des loyers de 600 à 1 300 euros
C’était en mai dernier, dans un immeuble de la région parisienne. Un joli immeuble, construit en 1999 sur un terrain où jadis s’élevaient les locaux de la CMCAS. Comme chaque matin, Sandrine* ouvre sa boîte aux lettres. Le petit papier qu’elle y trouve ce matin-là est une convocation d’huissier. Qu’a-t-elle oublié de payer : une amende, une facture ? « J’appelle immédiatement l’étude de l’huissier qui me prie de passer sans délai, raconte-t-elle. Là, on m’apprend que le loyer de mon appartement, dans lequel je vis depuis dix-huit ans et dont le troisième bail de six ans vient à échéance, va subir une augmentation. » Et pas n’importe laquelle : « Je lis sur le document, que je dois signer rapidement, qu’elle sera de 60 %, étalée sur cinq ans. Un choc. »
« J’ai eu l’impression qu’un rouleau compresseur se dirigeait droit sur moi »
À la retraite depuis un an, Sandrine, avec une pension d’un peu plus de 1 900 euros, n’est pas démunie. Le loyer de son trois pièces, jusqu’ici réajusté sur le taux d’inflation, s’élève à 611 euros : « Dans six ans, il atteindra 1 326 euros ! Évidemment je ne pourrai pas faire face. Je ne pensais pas qu’à la retraite je me retrouverais dans la situation de mes 20 ans, à chercher où habiter. »
Un peu loin, au sud de la région parisienne, Bruno est aussi un jeune retraité des IEG. Sa compagne est en activité à EDF. « Nous sommes très inquiets. Je suis locataire ici depuis 2008. Le loyer pour notre appartement de 90 m2 est de 1 100 euros par mois. Dans six ans, il pourrait atteindre 1 800 euros, explique Bruno. Pour accéder à cet appartement, nous avons renoncé, et c’était normal à nos yeux, à l’AIL (aide individuelle au logement), et au bénéfice d’un prêt immobilier bonifié servi par EDF. Devenir propriétaire aurait pu être un choix, nous l’avons écarté. Nous sommes restés travailler en région parisienne. Sans être un logement de fonction – nous le savions – pour nous le lien avec EDF est patent : GGF en est une filiale à 100 %. » Personne n’a jamais informé les locataires de ce brusque changement des règles du jeu : « Une décision qui engage toute une vie », s’indigne Bruno.
Un bailleur privé à la manœuvre
De son côté, sollicité par les dix-sept collectifs montés par les locataires et le représentant CGT à la commission logement du CCE d’EDF SA, GGF reconnaît dans un courrier que « l’objectif de ces programmes était de permettre aux salariés au profil haute exécution et maîtrise de se loger à proximité des directions et des centre parisiens ». La modération des loyers de ces programmes entraînerait, à présent, selon GGF, « un déséquilibre entre les recettes provenant des loyers et le coût d’exploitation, préjudiciable à terme à l’équilibre financier de la société ».
Après leurs remboursements, les locataires sont priés de se soumettre aux nouveaux tarifs ou… de partir!
Pour Me Sandra Herry, avocate associée à la Confédération nationale du logement, la mesure est brutale : « Le nouveau gestionnaire privé de ces immeubles, à savoir Nexity, s’appuie sur la loi de 1989, à la faveur de la fin du conventionnement de ces immeubles », explique-t-elle. Le conventionnement soumet les loyers aux conditions de ressources des locataires. Sa durée est équivalente à la durée des prêts consentis pour la construction des immeubles, en l’occurrence vingt ans. Après, donc, leurs remboursements, les locataires sont priés de se soumettre aux nouveaux tarifs ou… de partir ! Ces nouveaux loyers sont fixés au regard de ceux communément pratiqués dans la commune ou l’arrondissement. S’ils n’acceptent pas les propositions du bailleur, les locataires sont convoqués à une commission de conciliation. Faute d’accord, le litige est alors porté devant les tribunaux d’instance.
« À EDF, on nous disait : c’est pour la vie ! »
La commission logement du CCE d’EDF SA a été saisie par Laurent François, représentant CGT : « GGF n’a pas pris la peine d’informer les locataires ni les différents CCE de ces nouvelles mesures, à savoir la fin des contrats PLI (prêts locatifs intermédiaires). Ces logements sociaux ont été construits pour des raisons de service. Certains de ces logements ont été obtenus par des agents dans le cadre d’une postulation. Nous exigeons un moratoire sur ces augmentations et la transparence sur la politique de logement d’EDF. »
« Aujourd’hui, nos vies sont bouleversées »
Du côté des collectifs de locataires qui se sont constitués, c’est la colère et l’indignation qui dominent. « L’attribution d’un logement est passé par une instance de ressources humaines au sein de l’entreprise, souligne Mireille, jeune retraitée d’EDF et locataire à Paris depuis 20 ans, animatrice d’un des collectifs. Derrière, il y a des choix de carrière et des obligations de service qu’EDF, par son parc de logements, voulait encourager et faciliter, explique-t-elle. Jamais l’employeur n’a évoqué ces augmentations, ni une échéance de fin de conventionnement. Au contraire, on nous disait : c’est pour la vie ! Et aujourd’hui, nos vies sont bouleversées. »
Interpellée par les collectifs au mois de novembre dernier, la fédération CFE-CGC réaffirme, par la voix de son secrétaire général William Viry-Allemoz, que « pour la CFE Énergies, le logement est une composante essentielle de la qualité de vie et du pouvoir d’achat des salariés et des retraités ». Il rappelle que sa fédération « n’a de cesse de demander aux entreprises une politique aussi ambitieuse qu’adaptée aux besoins des différentes populations de nos entreprises », et que sur ce dossier « aussi complexe juridiquement qu’humainement difficile », sa fédération s’engage à interpeller le président d’EDF.
Si des discussions se poursuivent sporadiquement autour de ce dossier, le flou continue de régner, alors que des familles sont assignées au tribunal. Les collectifs de locataires appellent EDF à prendre toutes ses responsabilités auprès des familles, afin d’examiner, sans délai, chacune des situations.
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Pour les anciennes victimes expulsées pour les mêmes raisons dont EDF a réfuté sa responsabilité auprès du tribunal, appel, frais d’avocats et maintenant une astreinte de 20 000, je dois faire un dossier de surendettement pour payer les huissiers qui continuent à me harceler, je suis seule pour le moment mais mon cas est similaire aux autres, puis-je intégrer votre collectif et faire jurisprudence.
Un détail « à vie » oui mais active.
Je souffre seule avec mes enfants et j’ai vraiment besoin d’aide, je peux vous faire partager les documents des tribunaux.
Cordialement