Suite de notre chronique sur le fondateur du CCOS, ancêtre de la CCAS. 1940, la France est occupée : tout nouveau cadre du Parti communiste clandestin, Marcel Paul contribue à organiser la Résistance. Arrestations, évasions, diffusion de tracts anti-vichystes et sabotages, Marcel Paul mobilise un large réseau militant, jusqu’à son arrestation finale en novembre 1941.
Marcel Paul, une vie
Découvrez en dix épisodes l’itinéraire d’un homme qui a durablement marqué la mémoire des électriciens et gaziers.
3 septembre 1939 : la France déclare la guerre à l’Allemagne. À l’ordre de mobilisation générale, Marcel Paul est affecté dans la marine, à bord du cuirassé « Richelieu » stationné dans le port militaire de Brest. Mais en décembre, la Sûreté militaire vient arrêter à bord le matelot Paul.
De notoriété publique membre du Parti communiste (PC), dissous le 26 septembre par décret du président du Conseil Édouard Daladier, il a refusé de condamner le pacte germano-soviétique, ce qui lui a déjà valu d’être démis de ses mandats syndicaux. Il échappe à l’incarcération et est muté dans le génie. Fin avril 1940, sa compagnie est envoyée en renfort au front, avant le début de l’offensive allemande. Très vite, elle se disperse dans la débâcle.
Aux sources des Francs-Tireurs et Partisans
Fait prisonnier par les Allemands à Nemours le 17 juin, évadé le lendemain, recapturé le 21 juin, puis évadé de nouveau trois jours plus tard, Marcel Paul parvient à rejoindre Paris, où il tente de reprendre contact avec le PC. En vain, tant le parti est affaibli par sa dissolution.
Il part à bicyclette vers la Sarthe de son enfance, où il rétablit une liaison avec l’appareil clandestin du PC, qui le conduit à Nantes. Marcel Paul, qui n’avait jamais occupé de fonctions importantes au sein du PC, y devient un cadre dirigeant, investi de la responsabilité de douze départements du grand Ouest.
Sous sa direction, des tracts dénonçant le régime de Vichy sont diffusés dès juillet 1940. Cette activité clandestine ne tarde pas à être repérée par la police, qui lance à la fin de l’année un vaste coup de filet parmi les communistes nantais. Marcel Paul échappe à l’arrestation mais l’alerte est jugée suffisamment chaude pour qu’il reçoive l’ordre de regagner la région parisienne. Il y devient un des responsables de l’Organisation spéciale qu’est en train de constituer le PC, et qui sera une des matrices des futurs Francs-Tireurs et Partisans (FTP).
Un large réseau mobilisé
Il participe à des prises de parole publiques sur les marchés, des diffusions de tracts, des opérations de récupération d’armes. Il participe aussi à la création du Front national de lutte pour l’indépendance de la France, mouvement de masse constitué à l’initiative du PC le 15 mai 1941, au sein duquel il est chargé de tisser des liens dans les milieux judiciaires.
Après l’attaque allemande contre l’URSS le 22 juin 1941, qui entraîne le basculement du PC dans la lutte armée contre l’occupant, il prend part à divers sabotages, notamment contre les usines travaillant pour l’armée allemande. Au sein de cette résistance naissante, il réactive tous les réseaux tissés pendant plus de quinze ans de vie militante, au sein du monde des syndicalistes des services publics mais aussi dans le 14e arrondissement de Paris dont il a été le conseiller municipal de 1935 à 1938.
Précisément parce que son rôle d’élu l’a conduit hors du monde ouvrier syndiqué et souvent communiste qui était le sien, Marcel Paul se trouve en lien dès l’été de 1941 avec des milieux résistants très éloignés de son univers d’avant-guerre, comme le réseau d’évasion d’aviateurs britanniques Pat O’Leary ou le mouvement de résistance gaulliste Armée des volontaires. Et c’est précisément ces liaisons variées qui vont entraîner sa perte.
Marcel Paul arrêté
Le 13 novembre 1941, Marcel Paul, sous la fausse identité de Louis Lucas né en 1904, arrive en vélo à son rendez-vous, à 19 h 30 dans le café « Au Curé » situé 115 rue de Grenelle, avec l’ingénieur Antonin Janselme. L’homme travaille à la mairie de Paris. Il s’occupe en particulier du réseau d’égouts, une question importante en cette période de clandestinité. Ancien combattant de 14-18, il est conservateur et catholique, et lié à différents réseaux de renseignement de la France libre gaulliste. Rien n’aurait pu le rapprocher de Marcel Paul avant ces temps exceptionnels de l’Occupation.
Mais ce jour-là, Antonin Janselme a la chance d’être en retard (il sera arrêté en 1943 et mourra en déportation). Les policiers, sur la trace de Marcel Paul, repéré comme cadre du PC clandestin, fondent sur lui et lui passent les menottes. Il ne retrouvera sa liberté qu’après plus de mille jours d’internement.
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1941-1944 : Plus de mille jours d’internement
Pour aller plus loin
« Marcel Paul, un ouvrier au Conseil des ministres », de Nicolas Chevassus-au-Louis et Alexandre Courban
L’Atelier, 224 p., 18 euros.
Commander le livre : chez un libraire ou auprès de l’Institut d’histoire sociale Mines-Énergie : ishme@fnme-cgt.fr
Tags: À la une Mémoire Résistance Syndicats
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