Pour le premier volet de notre trilogie autour du centre de Superbesse, nous vous invitons à une promenade artistique au festival « Horizons », dans le massif du Sancy (Auvergne). Dix œuvres d’art contemporain, installées en pleine nature, y sont visibles jusqu’au 25 septembre.
Rencontrer une œuvre, c’est un peu comme trouver un trésor. D’abord il y a une carte, un chemin à trouver. Un effort à fournir, parfois. Et puis la magie du moment, l’émotion qui secoue. Porté par l’office de Tourisme et la communauté de communes du massif du Sancy (Auvergne), le festival « Horizons » souffle cette année ses dix bougies. La CCAS est partenaire depuis l’origine…
A 9h30 ce matin là, cinquante bénéficiaires de la CMCAS Clermont-Le Puy tentent l’expérience. A peine sortis du bus, ils empruntent un petit chemin serpentant dans la forêt. Les fleurs sauvages sont partout, les oiseaux chantent joyeusement. Le chemin débouche brusquement sur les flancs du Puy de Pertuyzat. Au loin résonnent les cloches des vaches Salers, aux cornes-lyres. Alors que la brume du matin commence à disparaître, une structure fantomatique se dessine au sommet de l’ancien volcan.
Reprenant son souffle au sommet, Marie-Noëlle Chapuis regarde l’ossature du navire avec attention. La femme d’agent retraité du Puy se livre, presque dans un murmure : « C’est surprenant de trouver un bateau sur la cime d’une montagne. C’est comme une arche de Noé arrivée jusque là. Je me pose un tas de questions : où sont passés les animaux ? Les gens ? Est-ce un vestige du passé ou la préparation d’un futur climatique mouvementé ? Et qui mènera la barque ? Qui sauvera le monde ? » C’est sa troisième fois au festival « Horizons » : « A priori, je ne suis pas du tout attirée par l’art contemporain, mais quand les œuvres sont créées en pleine nature, ça leur donne une ampleur particulière, et ça me parle. »
Daniel Desamais, ancien éducateur spécialisé dans une maison d’enfants EDF à Nonette, se balade dans l’arche avec sa femme Denise : « A l’intérieur, on a l’impression que le vert des montagnes forme un océan. On se voyait partir, mettre les voiles, face à l’immensité du paysage. »
La compagnie des Trois coups, créée en 1983 par des agents EDF-GDF, accompagne les bénéficiaires et donne, pour chaque œuvre, quelques éléments de compréhension, mêlant humour et réflexions philosophiques. L’oeuvre, du plasticien strasbourgeois Vincent Chevillon, a été baptisée « Tentative d’Evasion ». Evasion… du nom que donne Robinson Crusoé au navire qu’il construit pour quitter son île. S’agirait-il de la reconstitution surréaliste d’une fiction littéraire ? Le bois utilisé provient de la charpente d’une grange effondrée. Serait-ce alors une réflexion plus politique sur le changement climatique ? Ou un miroir du drame des migrants ? Et si demain, c’était nous, les migrants ? Comme toujours, les œuvres posent plus de questions qu’elles n’amènent de réponses. Et c’est cela qui est passionnant…
Le groupe continue son périple, cette fois vers l’oeuvre parrainée par la CCAS. Un petit chemin mène à un ruisseau. Sur ce ruisseau, l’artiste américain Derwin Scott Hessels a installé son « Sustainable Cinema ». Quatre petites turbines sont actionnées par l’eau qui coule, et donnent l’illusion du mouvement grâce au procédé d’impression lenticulaire. Cette technique, inventée au 18ème siècle par le peintre français Gaspar Antoine de Bois-clair, permet de produire des images qui donnent une impression de relief ou qui changent en fonction de l’angle du regard.
Jean-Pierre Letailleur, ancien contrôleur de travaux à la retraite, porte tout de suite sur l’oeuvre un regard technique : « Etant de la partie, je reconnais le principe des micro-centrales. J’ai travaillé avec des gens qui en installaient. C’est une œuvre qui nous pousse à utiliser les ressources naturelles pour produire de l’énergie, sans détruire la planète. Elle nous rappelle que la nature est un allié. Et puis le système d’impression lenticulaire, ça me fait penser aux cartes holographiques avec lesquelles les enfants jouent, c’est ludique ! »
Avant de s’arrêter un moment pour pique-niquer, direction le bois du Charlet pour découvrir une troisième œuvre. Au milieu des hêtres se dresse une sculpture du créateur nantais de cerfs-volants, Michel-Marie Bougard. Son œuvre, « Aequilibrium Singularis », éloge de l’équilibre solitaire des arbres, fascine Luca, 13 ans : « C’est majestueux, et intriguant aussi. On a l’impression que tout est suspendu ! » Sa mère, Cindy André, est ingénieur à Clermont. Elle est venue avec son mari et ses trois jeunes enfants : « Au quotidien, avec les enfants, on n’a pas forcément le temps d’aller voir des expositions ou de s’intéresser à l’art. Horizons est un bon moyen d’allier art et découverte de la nature. Pour les enfants, c’est l’aventure ! »
Vivez la découverte de l’oeuvre « Aequilibrium Singularis » par le groupe, avec les commentaires de la compagnie des Trois Coups, comme si vous y étiez :
Dernière étape de la journée, à la Roche Nité. Avec une œuvre qui porte bien son nom : « Panorama ». L’artiste-peintre, Elodie Boutry, y interroge l’interactivité entre peinture et espace. Au sommet de la montagne, elle a construit un tunnel pictural. Y pénétrant, le spectateur pose son regard sur un fragment de ciel, un triangle de verdure, un massif montagneux. Qu’est-ce qui est œuvre ? Qu’est-ce qui est cadre ? Les définitions se troublent…
Jean-Marie Mercier est retraité à Clermont. Il traverse le tunnel avec sa femme Antoinette : « Ici, on a un superbe panorama à 360°, c’est à couper le souffle ! L’oeuvre a beau être couverte de couleurs fluo, étonnamment elle s’intègre très bien à la nature environnante, qui est elle aussi composée d’une multitude de nuances. On a beau habiter à quelques kilomètres, nous n’étions jamais venus ici. On porte un regard différent sur la nature, en fait c’est elle l’œuvre d’art ultime ! »
La journée touche à sa fin, et les organisateurs sont ravis. Christiane Boyenval et Gérard Boudesseul, élus à la CMCAS Clermont-Le Puy, ont rempli leur objectif : « L’idée était d’aider les bénéficiaires à découvrir les œuvres, et leur donner envie d’y amener leurs proches. La CCAS espère sensibiliser les agents à l’art contemporain. Il y a encore 10 ans, on entendait encore beaucoup de discours négatifs, beaucoup d’incompréhension. Mais Horizons a contribué à diminuer les clichés. En plus, cette journée crée du lien social, les agents souvent retraités se retrouvent, échangent. Découverte artistique, partage, ouverture d’esprit, patrimoine naturel… La CCAS et Horizons, c’est une véritable histoire d’amour ! »
Découvrez les œuvres d’Horizon, le centre de Superbesse et ses alentours en vidéo
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=tyN7OX8CkNw]
Merci pour les reportages que vous avez diffusés. Vos commentaires et votre attention m’ont ému.
Michel-Marie Bougard, (Aequilibrium Singularis)