Mathieu Crepel, snowboardeur : « L’eau est ce qui nous lie, c’est la source de la vie »

Mathieu Crepel, le snowboardeur français le plus titré. ©Perly Photography

À 34 ans, Mathieu Crepel, quadruple champion du monde, a tout connu, tout gagné ou presque. Homme de défis, il relève sans cesse de nouveaux challenges, comme aller surfer des vagues géantes à Hawaii, réaliser des films sur l’environnement ou encore être consultant sur France Télévisions pour les sports d’hiver. Rencontre avec un sportif atypique et authentique.

Mathieu Crepel en bref

©Greg Rabejac

Né le 26 octobre 1984 à Tarbes (Hautes-Pyrénées)
Sport : snowboard

Palmarès :
Champion du monde en 2006, 2007 et 2009.
Vainqueur de la Coupe du monde 2005.


Première fois :
« J’ai commencé par le ski, ou plutôt les patinettes, dès que j’ai su tenir debout. J’ai fait beaucoup de ski en club… avant de découvrir le snow. C’est mon père qui m’a fait essayer. Il avait un groupe de potes à la Mongie qui aimait essayer toutes sortes de nouvelles glisses.

J’étais un peu la mascotte du groupe et il me faisait donc aussi essayer tous leurs délires. Ils ont coupé une planche d’adulte en deux, mis des fixations de ski dessus et mon père m’a emmené directement dans la poudreuse !

J’avais 7 ans et pendant plusieurs années j’ai continué le ski, le snow n’était qu’une activité que je faisais le soir quand les pistes fermaient car j’étais le seul gamin à en faire. Puis, ça s’est un peu développé et, vers l’âge de 10 ans, j’ai arrêté le ski pour me consacrer uniquement au snow. »

Est-ce vraiment au Groenland à l’âge de 10 ans que vous vous êtes dit : je veux vivre de ma passion ?

Oui complètement ! J’ai eu la chance d’être repéré par la marque Quiksilver qui m’a proposé de prendre part à ce voyage un peu fou, même complètement fou pour un enfant de 10 ans !

Je me suis retrouvé dans un endroit où personne n’avait jamais été faire du snowboard, avec mes idoles de l’époque, des chiens de traîneau et un hélicoptère comme taxi. Sur le moment, j’ai vécu ce voyage à fond, avec la curiosité et la naïveté d’un enfant. Avec le recul, je sais que ce voyage a conditionné beaucoup de choses pour moi.

En 2005, à seulement 20 ans, vous remportez votre premier titre mondial. Comment avez-vous vécu ce moment et digéré ce titre ?

Ça s’est un peu fait par hasard. L’objectif de cette saison 2005 était de faire des résultats suffisamment bons pour valider ma qualification aux Jeux olympiques de 2006. Après un début de saison un peu difficile, j’ai gagné deux étapes de Coupe du monde coup sur coup, puis fait deuxième à l’épreuve finale qui m’a permis de gagner la Coupe du monde.

Ça m’a tout de suite fait changer de statut en passant du petit nouveau à l’un des favoris pour les JO. Alors oui, j’ai tout de suite eu plus de pression que ce que j’imaginais.

Session « freeride » en caméra embarquée et en musique avec Mathieu Crepel. Source : The Rider Post/YouTube

En 2006, vous participez à vos premiers Jeux olympiques à Turin, en Italie. Quels souvenirs remontent à la surface ?

Forcément de la frustration. Je m’étais beaucoup entraîné, je savais que j’avais le potentiel pour aller chercher une médaille. Mais ça ne s’est pas du tout passé comme prévu [élimination en qualifications, ndlr]. Malgré tout, j’ai énormément appris de cette expérience, notamment sur le mental et sur le besoin de s’adapter rapidement, de mettre en place plusieurs stratégies pendant une compétition. Les Jeux olympiques restent un événement unique à vivre.

Votre père vous a mis sur des skis tout petit. Quelle a été la part du soutien de votre famille dans votre carrière ? Est-elle aujourd’hui encore présente à vos côtés dans vos choix, dans votre réussite ?

Ma famille a toujours été proche du milieu de la glisse. Mes parents ont toujours été très compréhensifs et même assez impliqués dans ma carrière. C’est certain que cela a de bons côtés car il existe un fort soutien, mais ça a aussi pu être parfois pesant car on ne coupe jamais vraiment avec l’activité, même à la maison. Mais je les remercie énormément de m’avoir permis de vivre de ma passion. Encore aujourd’hui, ils me soutiennent dans ce que je fais, m’encourage si besoin, me mettent en garde aussi.

Mathieu Crepel à 11 ans. Extrait de l’émission « Sport événement » diffusée sur M6 en 1998. Source : Ultrasport7/YouTube.

On vous sait particulièrement attaché à l’humain. Pourquoi ce besoin de vivre au contact des autres et avec les autres ?

Je ne sais pas trop, c’est comme ça. J’ai besoin d’être entouré, d’apprendre des autres, de partager. J’ai aussi besoin de temps à autre de moments un peu plus solitaires mais ça ne dure jamais longtemps.

Du coup, vous êtes plutôt solo dans la montagne ou toujours accompagné ?

Non, je ne suis pas vraiment solitaire. Je peux l’être un peu chez moi mais dans mes voyages, dans mes aventures, pas du tout. J’ai besoin d’être accompagné. Je pense que les moments forts sont encore plus beaux s’ils sont partagés. C’est vraiment important pour moi. Je n’aime pas être en voyage avec un groupe important car on perd beaucoup de spontanéité, mais seul, je ne me sens pas très bien non plus.

Vous revenez de Norvège, un pays qui a beaucoup compté pour vous, on se souvient notamment de l’Arctic Challenge en 2001. Racontez-nous ce que vous y faisiez en février dernier…

C’est un voyage qui s’est fait un peu par hasard avec Damien Castera, Greg Rabejac et Pierre Frechou, des gens avec qui j’ai l’habitude de voyager et qui sont de fantastiques compagnons d’aventure. Nous voulions découvrir cet endroit de la planète qui regroupe tout ce que nous aimons : à savoir l’océan, la montagne, des espaces sauvages, une nature rude dans des conditions hivernales.

Nous y avions déjà été séparément mais jamais ensemble, ni en hiver. C’est intense. Il y fait très froid. Il y a seulement six heures de lumière par jour et les tempêtes peuvent y être très violentes. Nous avons eu beaucoup de chance avec la météo et nous avons vécu des moments incroyables. Du surf dans une eau à 4 °C, des runs de snowboard qui finissent dans les fjords, des nuits entières à regarder les aurores boréales…

« J’aime me lancer des défis, c’est mon moteur »

Surnommée « Jaws » (mâchoires, en anglais), la célèbre plage d’Hawaii offre des vagues qui peuvent se déplacer jusqu’à 48 km/h. ©Almofilm

On sait que vous adorez aussi le surf. Mais comment passe-t-on de la montagne à la mer, du flocon à la vague ?

Comme je le disais un peu plus avant, c’est d’abord un parcours familial. Mes parents vivaient en montagne l’hiver et sur la côte atlantique l’été. Forcément, ça aide.

Pendant mes années de compétitions en snowboard, le surf était pour moi un vrai moyen de me ressourcer, de penser à autre chose. Passer un moment dans l’océan entre deux compétitions était indispensable. Avec l’arrêt de la compétition, j’ai un peu plus de temps à consacrer au surf.

On parle de « Shaka », le film où vous affrontez les plus grosses vagues du monde en surf à Hawaii. Pourquoi ce besoin d’aller défier une montagne… liquide ?

J’aime me lancer des défis, c’est un vrai moteur pour moi, ça me permet de toujours avancer. J’avais envie de faire un film qui alliait le snowboard et le surf mais j’avais surtout envie de raconter une histoire. Je trouve qu’il y a une certaine similitude dans l’esprit du surf de grosses vagues et le « freeride » en snowboard.

L’attrait pour les grosses vagues m’est venu assez tardivement, grâce notamment à Stéphane Iralour [un surfeur de la Côte basque, ndlr]. Il a commencé a m’emmener sur les récifs du Pays basque, puis à Belharra [une vague géante au large de Saint-Jean-de-Luz, ndlr] et puis je me suis dit que le vrai défi serait « Jaws », le spot le plus emblématique du surf de grosses vagues.

Ce défi était pour moi une réelle quête initiatique car je n’avais jamais été a Hawaii. Hawaii est vraiment un endroit particulier pour les surfers, c’est là que les vagues sont les plus puissantes, la communauté locale est très protectrice de ses spots… Tout le voyage fut pour moi un challenge quotidien mais aussi un apprentissage incroyable.

Le surf et le snowboard sont-ils intimement liés pour vous ?

Oui, complètement. Ils l’ont plus ou moins toujours été mais, désormais, c’est quasiment vital ! L’un ne va pas sans l’autre et la grande majorité des voyages que je fais implique du snow et du surf.

Vous préférez une poudreuse de fou ou un tube parfait dans une eau chaude ?

(Rires) C’est une question à laquelle il m’est tout bonnement impossible de répondre ! Je suis actuellement au Canada où les conditions de neige sont exceptionnelles et je m’éclate vraiment. Mais je sais que je pourrais prendre autant de plaisir à surfer des vagues parfaites.

« L’eau est ce qui nous lie, c’est la source de la vie »

Vous avez beaucoup fait pour les Pyrénées et notamment pour le domaine du Tourmalet dont vous êtes originaire. Honnêtement, c’est mieux les Alpes, non ?

(Rires) Non, non ! Je suis à 100 % pour les Pyrénées ! Mes copains alpins me charrient toujours pour ma fierté d’être pyrénéen, mais j’y ai appris à skier puis à snowboarder, c’est ici que ma passion s’est développée pour la montagne. Je n’y passe malheureusement plus assez de temps. Mais bon, en réalité, les Alpes c’est pas mal aussi…

Nettoyage de la Côte basque avec Surfrider Foundation Europe, 2010. Source : GroupeDurable/YouTube

Vous faites des sports de pleine nature en immersion totale. Comment vous engagez-vous pour l’environnement ?

Je suis l’un des fondateurs et parrain de l’association Water Family [la famille de l’eau, ndlr] qui œuvre à la sensibilisation au cycle de l’eau et au respect de cette ressource notamment auprès des enfants. Je travaille aussi beaucoup avec mes partenaires pour développer des produits écoresponsables. J’essaie aussi, à travers mon activité et mes films, d’avoir un message positif et respectueux.

Parlez-nous davantage de la Water Family, Du flocon à la vague, association dont vous êtes le parrain.

Forts de notre sensibilité à la beauté et à la fragilité de notre environnement, nous avons décidé avec mon père et quelques amis de créer un rassemblement de gens qui avaient cette même sensibilité et qui avaient envie de transmettre un message. L’eau est ce qui nous lie, c’est la source de la vie. Il nous paraissait naturel d’axer le message autour de la sensibilisation au cycle de l’eau.

Beaucoup de gens nous ont vite rejoints, le message a été relayé et l’association s’est développée. Aujourd’hui, elle est de plus en plus structurée, et des actions de plus en plus importantes sont engagées.

Vous êtes ambassadeur des produits écoresponsables de la marque Quiksilver. Cela signifie quoi concrètement ?

Qu’on travaille ensemble pour trouver des matériaux issus du recyclage, ou qui ont un impact écologique le plus minimal possible, tout en gardant évidement leurs propriétés techniques. C’est vraiment intéressant de travailler là-dessus. C’est une réflexion que nous avons entamé il y a près de dix ans. Aujourd’hui, la majeure partie de la gamme snow est conçue avec des produits écoresponsables.

« La montagne aura toujours le dessus »

Vous sentez-vous concerné par les problèmes environnementaux ?

Je vis au quotidien dans des environnements naturels exceptionnels et fragiles. Je vois et je « subis » le changement climatique. Un exemple assez concret est que le changement climatique fait que nous avons des hivers où les amplitudes thermiques peuvent être très importantes sur des périodes très courtes. Cela fragilise énormément le manteau neigeux et favorise le déclenchement d’avalanches. Le risque pour les passionnés de montagne est donc accru.

La transition énergétique, ça vous parle ?

Bien sûr, et c’est l’un des piliers de la Water Family, le but est de changer nos habitudes quotidiennes pour qu’elles soient plus respectueuses et que ces gestes deviennent naturels pour tout le monde. Les gouvernements et les grandes industries ont évidement un rôle prépondérant, mais je crois qu’à l’échelle du citoyen les mentalités évoluent rapidement dans le bon sens.

Si vous aviez un conseil à donner à ceux qui débutent le ski ou le snow ?

Je pense qu’il est important de ne pas être seul, il faut se trouver un bon groupe de copains avec qui « rider », cela permet de se motiver les uns les autres. Il est important de respecter les étapes de la progression, vouloir brûler ces étapes est la meilleure manière de se blesser.

Et un conseil à ceux qui pensent être les rois de la piste ?

Ceux qui se considèrent comme les rois des pistes n’écoutent pas les conseils. La montagne est un élément qu’il faut respecter et qui aura toujours le dessus. Attention au retour de karma !

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