Son job : vous aider à remplir des formulaires, vous informer et vous guider sur vos droits. Et tout simplement être présent, sur son lieu de travail, au service des bénéficiaires. On a passé une après-midi avec Morgan Fergé, conseiller clientèle et correspondant de SLVie à la direction EDF Commerce de Noisy-le-Grand (CMCAS Seine-Saint-Denis).
« Ce mandat social, je l’assure avec mon sourire et ma bonne volonté, mon cœur et mes tripes… » En 2015, après dix ans de boîte, Morgan Fergé, 34 ans, relance avec un collègue du même âge la SLVie de son lieu de travail, qui dépérissait. Au cœur du quartier d’affaires de Noisy-le-Grand Mont d’Est – ses 350 000 m² de bureaux, son centre commercial régional, son immense dalle néobrutaliste, moderne dans les années 1970, aujourd’hui délabrée – le petit immeuble de la Courtine, où Morgan assure son mandat de correspondant de SLVie, abrite 200 salarié·es de la branche EDF commerce.
À la SLVie 16, côté bureau, tapissé d’affiches colorées, de notices d’information et de souvenirs du Festival d’Énergies, on peut remplir les papiers administratifs, prendre des infos sur les aides proposées par la CMCAS, ou régler une inscription pour la douzaine d’activités proposées au printemps. Côté médiathèque, on peut se poser, manger ou faire une partie de PlayStation, emprunter un DVD ou tester un casque de réalité virtuelle. L’ensemble, meublé avec de la récup, est propret, moderne, chaleureux. « Et ça tourne plutôt pas mal ! », résume le jeune homme, qui a le même âge – et le même sociostyle – que la moyenne des salariés de Noisy.
« Demander de l’aide à sa CMCAS, ce n’est pas faire l’aumône »
Ses collègues sont répartis en open space sur quatre étages au-dessus de la SLVie. Pour voir Morgan, il n’y a qu’à prendre l’ascenseur. « Et je pense que j’ai le contact facile », ajoute le jeune correspondant. Alors quand les agents descendent, parfois en petits groupes, direct ça discute, ça rigole, ça remplit les formulaires ensemble… Et mine de rien, c’est aussi le moment où l’on ouvre de nouveaux droits, on étale des paiements, on reçoit des aides, en fonction de chaque situation familiale et sociale, que le correspondant de SLVie connaît, de près ou de loin.
« La relation de confiance fait que la SLVie devient un endroit où détecter les difficultés. Parfois, on ferme la porte à clé, on écoute, on rassure ; on monte un dossier de demande d’aides ou on bascule vers l’assistante sociale. »
« On est l’une des SLVie du 93 qui monte le plus de dossiers de demandes d’aides »
À la direction commerce de Noisy, on compte beaucoup de petits coefficients (« GF3 ou 4, NR 40 ou 50 », détaille Morgan), dont de nombreuses mères célibataires. Certain·es vivent avec moins que le smic. « On est l’une des SLVie du 93 qui monte le plus de dossiers de demandes d’aides. » Bons alimentaires, coup de pouce pour faire face à un crédit… « Je leur rappelle que c’est confidentiel et examiné anonymement en commission Action sanitaire et sociale de la CMCAS. Mais aussi que ce n’est pas demander l’aumône. C’est un salaire social différé ! »
De vendeur à conseiller, et retour
Morgan est arrivé à Noisy-le-Grand en 2008, après que le site de Villejuif (Seine-et-Marne), où il a été titularisé après son alternance, a fermé définitivement. Plus jeune, avec un BEP Vente action marchande et un bac pro Services en poche, Morgan a été vendeur chez Bata Chaussure France, adjoint administratif (« ou plutôt fourre-tout ») pour la PEP, une fédération de parents d’élèves, puis passe cinq à six mois à usiner des pièces BMW à Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine. Il y décline un CDI. « Je me suis dit : je peux faire autre chose. »
Lorsqu’à 21 ans il entre en alternance chez EDF après avoir lu une annonce dans le quotidien « Métro » (« embauche garantie »), il est, comme beaucoup, « fier de cette boîte ». D’une famille ouvrière et de grands-parents « un peu, beaucoup communistes, sans être militants », il connaît ses classiques – Conseil national de la Résistance, Marcel Paul et tout le toutim. Alors les Activités Sociales, forcément, ça lui parle.
« Je fais une différence entre le service public et le commerce de services. »
Pourtant, conseiller clientèle, ça lui plaisait aussi. « Conseiller oui, vendeur non », précise cependant Morgan. « J’adorais mon travail. Mais je fais une différence entre le service public (est-ce que l’usager paie la facture la plus juste ?), et le commerce de services ou la ‘satisfaction clientèle’ (est-ce qu’on lui a proposé le bon service ?) » C’est donc sans hésitation qu’il reprend la SLVie, tout en restant « fier » d’œuvrer dans un modèle social qu’il défend.
De là, il intègre rapidement la commission Enfance, préside la commission Jeunes et devient administrateur de sa CMCAS, est bâtisseur puis responsable bâtisseurs au Festival d’Énergies… Bref, il s’implique à fond dans les Activités Sociales. Il y a un an et demi, il prend également un mandat fédéral à la commission Jeunes de la FNME-CGT. « J’ai tout fait, sauf les convoyages… je suis malade en car ! » rigole-t-il.
« Quand la SLVie est fermée, ça gueule un peu ! »
Quand les collègues ne descendent pas à la SLVie, c’est Morgan qui monte les voir, ne serait-ce que pour dire bonjour. Et si une soixantaine d’inactifs, parmi les quelque 250 que compte la SLVie, fréquentent le site de Noisy, il n’hésite pas non plus à visiter à domicile ceux qui ne peuvent pas se déplacer. « Il faut établir une relation de confiance avec tous les bénéficiaires », résume le jeune père célibataire (option « c’est compliqué »), qui a gardé ses horaires de conseiller clientèle (9 h-18 h 45), et réserve ses mercredis après-midi à son fils de tout juste 8 ans.
Dernière mission en date : représenter la CMCAS Seine-Saint-Denis aux Francofolies de La Rochelle, dans le cadre du dispositif des Ambassadeurs culturels de la CCAS, et organiser, en tant que directeur adjoint, le Fest’Ile de France, qui réunit les jeunes agent·es de la région parisienne au château de Vigneux entre deux Festival d’Énergies.
« À chaque fois on se dit : ‘Je ne me ferai pas avoir, c’est trop de choses à gérer !’ Mais la fois suivante, on replonge, parce que c’est ça, l’engagement. » Alors à la Courtine, quand la SLVie est fermée, « ça gueule un peu ! » plaisante Morgan. À croire que les SLVie sont indispensables…
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