« Offrir un cadeau est un vrai projet » : les conseils d’une ludothécaire

"Offrir un cadeau est un vrai projet" : les conseils d’une ludothécaire | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 35709 Fete Les jeunes et les enfants dabord

La fameuse piscine à doudous des Jeunes et les enfants d’abord!, festival jeunesse pluridisciplinaire des CMCAS d’Île-de-France à La Ville-du-Bois (Essonne), octobre 2017. ©Joseph Marando/CCAS

Et si les jouets, c’était du sérieux ? Noël peut aussi être l’occasion de réfléchir aux usages et aux représentations qu’on offre – ou qu’on impose – aux enfants avec les cadeaux. Entretien avec Cécile Marouzé, de la ludothèque associative Le Jeu pour tous, à Cergy (Val d’Oise).

"Offrir un cadeau est un vrai projet" : les conseils d’une ludothécaire | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 17882 Cecile Marouze VignetteCécile Marouzé a cofondé la ludothèque (ou « joujouthèque ») associative Le Jeu pour tous, à Cergy, dans le Val-d’Oise, et milite pour refaire des temps de jeu des vecteurs d’émancipation, et du jeu, une pratique culturelle et populaire. Le site de son association, Jouer l’égalité, invite aussi à « réfléchir à ce que nous mettons entre les mains des enfants ».

Quels conseils donneriez-vous aux parents en quête de cadeaux de Noël ?

Être à l’écoute des enfants, anticiper, et que le cadeau corresponde à un vrai projet. Sachant que les enfants sont aujourd’hui surexposé.es au marketing : en offrant des jouets, on offre aussi un usage « vu à la télé ». Trouver des jeux qui durent, des jouets « rejouables » qui ne passent pas de mode (comme la Reine des Neiges…), et qui soulagent les chambres encombrées mais aussi le portefeuille !

Pour cela, ne pas hésiter à chercher conseil auprès des ludothèques, des magasins et librairies spécialisés ou des petites boutiques. Qui ont d’autres propositions, auxquelles on n’aurait pas pensé. C’est aussi une manière de consommer autrement. Il faut toujours se souvenir que les grandes surfaces et les magasins veulent surtout vendre ! La grande distribution, c’est le piège.


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En quoi les jouets véhiculent-ils une idéologie ?

Les usages sont limités par l’industrie : les catalogues sont ornés de pages bleues dédiées à la violence et à la compétition, aux armes et à la guerre, ou bien à la technologie ; et de pages roses réservées aux filles, et dédiées à la beauté, aux tâches domestiques et au soin à l’autre (enfants, bébés animaux, infirmière…). Par là, l’industrie et le marketing restreignent les possibilités de se projeter dans différents jeux et différents rôles : la présence de filles sur la boîte d’un jeu quelconque rend difficile de l’offrir à un garçon.

Dans notre ludothèque, tout est multicolore : le rose et le bleu sont des couleurs parmi d’autres, les costumes de princesse et de super-héros sont mélangés. En ce moment, la star de la ludothèque est une paire de chaussures à paillettes rouges : pour les filles ou garçons de 1 à 12 ans, c’est le jouet phare ! De même, les garçons s’amusent à passer l’aspirateur (qu’ils n’ont pas le droit de toucher à la maison). Les enfants adorent rejouer le quotidien : ils jouent « à la maîtresse » en sortant de l’école. Et souvent, le super-héros se retrouve à préparer à manger.

Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse, et empêcher l’accès aux jouets et jeux « stéréotypés ». Ce qui est réellement stéréotypé, ce sont les usages, les appropriations possibles et les rôles sociaux. Il faut donc plutôt faire attention aux modèles qui sont véhiculés par les marques, l’industrie et l’entourage.


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Peut-on laisser les enfants s’amuser avec des jouets « violents » ?

C’est l’enfant qui reste acteur de son jeu. S’il a besoin de jouer à des jeux perçus comme « violents » (typiquement, les armes) c’est que pour lui ou elle c’est un moyen de s’approprier un sujet, de prendre de la distance ou de libérer des angoisses… C’est aussi une façon de rejouer des situations, une forme d’exutoire, une expérimentation. Par choix personnel, je ne mets pas d’armes factices à disposition des enfants, ni à la ludothèque ni à la maison. Mais je perçois bien une « envie d’armes » : il suffit de voir comment de simples bâtons sont utilisés comme tels par les enfants.

De fait, « jouer à la guerre » ne peut rester un jeu qu’à certaines conditions : les participant.es sont consentant.es, on ne tire pas dans le visage, etc. Les joueur.euses créent leurs règles, discutent de leurs rôles. Reste que les armes ont une dimension symbolique très forte : c’est une manière d’extérioriser une part de violence, mais c’est aussi une manière de se protéger. S’il ne s’agit pas d’inciter, les adultes doivent à mon sens être à l’écoute de ces besoins.

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Atelier lecture et réflexion sur les stéréotypes sexistes au centre de vacances CCAS de Val-d’Isère (Savoie), février 2017. ©D.Delaine/CCAS

Comment dire non un.e enfant qui réclame un jouet sexiste ou violent par mimétisme ?

En créant la frustration, on crée le besoin. D’autant plus chez les enfants, avec qui la confrontation à l’autorité et à l’interdit est fort peu efficace. Il vaut mieux engager une sensibilisation par la suite. Tout est une question de dosage, et chacun.e place ses limites propres. Voir un.e enfant jouer avec des armes réalistes évoque des images dures. Mais on peut aussi les fabriquer en Lego !

Il est moins problématique de « faire semblant » : être braqué avec une arme en Lego est moins stressant que si l’objet semble réel. Les enfants sont assez sensibles aux objets réalistes. Mais l’hyperréalisme enferme dans un seul usage : on a du mal à jouer avec « autrement ». Dans le cas d’un objet neutre (Lego, Kapla, carton…), les enfants peuvent devenir n’importe quoi et inventer leurs usages.

Bon à savoir

Les Activités Sociales travaillent à la construction d’un catalogue non sexiste et qui respecte l’égalité filles-garçons pour les commandes de Noël 2018.

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