On a parlé glisse, environnement, féminisme et reconversion avec Olivia Piana, 28 ans, première Française championne du monde de stand up paddle, où l’on rame à l’aide d’une pagaie debout sur planche. Une activité proposée cet été dans les semaines multiactivités de la CCAS.
Bio express et palmarès
Née le 5 mars 1991, à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Championne du monde 2018
Double vice-championne du monde en 2013 et en 2016
N° 2 des World Series en 2012
Championne d’Europe en 2016, 2017 et 2018
Elle a remporté une vingtaine de compétitions internationales
« J’ai découvert le stand up paddle à l’île de Ré, quand ce sport est arrivé en France en 2010. Originaire de la Méditerranée, je faisais de la planche à voile depuis plusieurs années. J’ai pris mes premières vagues et je me suis rendu compte que c’était énorme ! J’étais bien plus libre qu’avec ma voile. Ce jour-là, j’ai apprécié de glisser sans vent, dans un environnement plus calme, et découvert de nouvelles sensations. »
C’est quoi le stand up paddle pour vous ?
L’essence même du stand up paddle (ou SUP) est de donner la possibilité à des gens totalement novices et extérieurs au milieu nautique de pouvoir s’initier très facilement et connaître rapidement les sensations d’un sport de glisse. Le SUP, c’est aussi la liberté. Qui va au-delà de l’évasion. On peut en faire quelles que soient les conditions, on peut aller sur l’eau n’importe quand. Et cela, dans tous les milieux : dans l’océan, en mer, en lac, en rivière… Le SUP amène surtout à faire des voyages et des rencontres. Tu peux aller à Annecy, aux Fidji, en Franche-Comté, à Tahiti, et tu pratiqueras du SUP avec des gens dans le plaisir et le partage.
Pourquoi faire de la compétition quand on fait un sport de pleine nature ?
La compétition me permet de m’exprimer, de vivre des moments d’une autre saveur. Ma conception de la compétition est : le faire ensemble. Car elle n’existe que grâce aux autres. Je ne fais pas de la compétition pour me battre contre les autres mais pour tirer mon sport vers le haut. Faire de la compétition en pleine nature demande une bonne lecture des éléments, pour pouvoir s’exprimer correctement. Il y a une connexion intime avec la nature.
« Le stand up paddle a du sens car il permet de mettre à l’eau des gens qui n’ont jamais pratiqué de sports nautiques. »
Comment envisagez-vous l’avenir de votre sport ?
Le stand up paddle n’est plus une mode. Savoir que l’opinion publique et les médias ne le considèrent plus comme le gadget de l’été est un bon point. Le SUP a du sens car il permet de mettre à l’eau des gens qui n’ont jamais pratiqué de sports nautiques. Et ces gens-là auront forcément envie de pratiquer d’autres sports nautiques. Le principal est d’être en contact avec la nature. Si je suis capable de faire du SUP, je peux aussi faire du surf, du kitesurf, de la planche à voile, etc.
Six mois après, réalisez-vous enfin que vous êtes championne du monde ?
Aujourd’hui, oui. Mais j’ai mis beaucoup de temps à me faire à cette idée ! Rien ne prédisait que j’allais gagner cette course en Chine [le 1er décembre dernier, ndlr]. Les conditions étaient tellement difficiles que j’ai même hésité à m’y rendre… Être championne du monde. Pff ! Quand tu viens de Digne-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence, que tu t’es entraînée seule sur l’eau pendant des heures et des heures, tu mets du temps à réaliser que c’est enfin arrivé.
« S’entendre appeler « mademoiselle », devoir faire la bise à la terre entière, devoir se maquiller pour être présentable… Ça, ça m’agace ! »
Quel combat menez-vous pour la reconnaissance du sport féminin ?
Dans ma vie quotidienne de sportive, je suis très bien traitée. Mon sponsor me rémunère quasiment autant que le numéro 1 de la marque qui est un homme. Mais il y a encore des choses à faire évoluer, des mentalités à changer. Quand tu es une femme, tu vis avec de petites réflexions et des contraintes qui sont ancrées dans les habitudes. S’entendre appeler « mademoiselle », devoir faire la bise à la terre entière, devoir se maquiller pour être présentable… Ça, ça m’agace !
À nous femmes, de nous assumer positivement. Il faut nous battre pour avoir une place convenable mais refuser la victimisation. Quand un homme réalise son rêve, il a dû lui aussi franchir des obstacles pour y parvenir. Ce n’est pas parce que tu es une femme que tu as tous les problèmes du monde… La solution est de se mettre dans une position où tout va bien. Quand tu milites, il faut adopter une attitude positive. C’est ton attitude qui permet de changer les choses.
Quel est le chemin pour devenir championne du monde ?
Il faut avant tout prendre en compte chaque détail. Et porter une attention particulière à tous les domaines : la technique, le matériel, le mental. Il y a surtout eu une connexion émotionnelle incroyable avec tous les membres de l’équipe de France. Vivre en groupe, ce n’est pas anodin. On est tous différents. Là, on a tous eu des attitudes bienveillantes pour un objectif commun.
Après six médailles d’argent aux championnats du monde, avez-vous senti que cette course était enfin pour vous ?
Certainement pas avant le départ. On dit que l’aube arrive après le moment le plus noir de la nuit… Quand j’ai vu l’état physique des garçons à l’arrivée [la course des messieurs s’est disputée juste avant, ndlr], qui n’arrivaient pas à récupérer de leurs efforts, j’ai voulu faire demi-tour. Mais je ne pouvais pas car j’avais les copains de l’équipe de France derrière moi.
La stratégie mise en place était de faire la course avec les filles de tête et de m’adapter selon ce qui allait se passer. D’habitude, le peloton explose très vite. Là, c’est parti tranquille. On savait toutes qu’on allait vivre un moment difficile avec beaucoup de remontées au vent. C’était la première fois que j’utilisais ma nouvelle planche dans de telles conditions. Elle a réagi de façon incroyable. J’ai vite eu 50 mètres d’avance.
Je me suis dit « Tente le coup ! » Et j’ai fait tout l’inverse des conseils du coach (rires). Je me suis concentrée sur ma technique. J’avais une bonne dynamique physique, un bon mental. J’ai glissé jusqu’à l’arrivée. Quand c’est aussi dur, ce n’est plus la force qui compte, mais des moyens détournés, plus techniques, qui permettent que tu entres en harmonie avec les éléments. J’ai surmonté cet obstacle sans forcer mais en étant en accord avec la nature.
« En équipe de France, tu es solidaire de façon inconditionnelle. »
L’équipe de France, le drapeau, « la Marseillaise » sur le podium… Quand on vient d’un sport individuel, ce sont des moments uniques, non ?
Oui ! Ce sont des moments exceptionnels que l’on a vécus tous ensemble avec mes coéquipiers. Je suis championne du monde avec l’équipe, et grâce à l’équipe. Chacun de nous a soutenu tous les autres. En équipe de France, tu es solidaire de façon inconditionnelle. Chacun a apporté de l’aide à l’autre, sans arrière-pensée.
Pensez-vous quand même à la gagne ?
Évidemment. Mais mon message au travers de la compétition est de dire que j’en fais de façon éthique. Je ne prends pas de raccourcis, je m’entraîne des heures et des heures pour être performante. Ma drogue est de prendre du plaisir sur l’eau. Je suis végétarienne, je fais des résultats honorables. La compétition permet de démontrer que mon mode de vie est compatible avec le sport de haut niveau. Mon moteur, c’est le cœur que je mets pour ces causes.
« Quand tu fais du stand up paddle, tu prends évidemment conscience de la qualité de l’eau. C’est la première chose que tu vois. »
Quand on est si proche de la nature, comment vit-on les changements qui s’opèrent du fait de la pollution ?
Quand tu fais du SUP, tu prends évidemment conscience de la qualité de l’eau. C’est la première chose que tu vois. L’eau, c’est ton terrain de jeu. J’ai pratiqué pendant des années en Méditerranée où l’on parle beaucoup du scandale des boues rouges, qui nous inquiète toujours. Mais il y a aussi les plastiques. Je trouve qu’il n’y a pas encore de prise de conscience sur ce problème. Il faut une loi pour lutter contre ceux qui en produisent encore.
Vous avez 28 ans, encore de longues années de compétition devant vous, mais vous avez voulu assurer votre avenir en suivant une formation en énergétique chinoise.
Pendant cinq ans, j’ai fait un double apprentissage : un entraînement pour devenir championne du monde et une formation intensive un week-end par mois pour apprendre les différentes techniques de la médecine chinoise. C’était très enrichissant. J’utilise certaines de ses connaissances dans la vie courante. L’émotionnel a un grand impact sur le physique et je sais comment le gérer.
Pendant vos vacances
En partenariat avec les CMCAS ou nos prestataires, ainsi que les fédérations sportives d’escrime, de tennis de table, d’handisport, de scrabble ou de pelote basque, cet été plus de 300 semaines multiactivités sont prévues cet été dans vos centres de vacances.
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Tags: À la une Activités nautiques Droits des femmes